La propagation inquiétante du Covid-19 à Mayotte a permis de mettre un coup d’accélérateur pour ouvrir l’hôpital de Petite-Terre plus tôt que prévu. Opérationnel depuis vendredi, l’établissement a déjà reçu une soixantaine de patients, dont deux en détresse respiratoire.
Un homme tousse sous son masque, allongé dans la pénombre sur son lit d’hôpital. Il est l’un des premiers patients accueillis dans ce tout nouveau service d’urgence. Livré en quatrième vitesse grâce aux renforts de l’Élément de sécurité civile rapide d’intervention médicalisée (ESCRIM), pour faire face à une seconde vague de Covid-19 particulièrement virulente à Mayotte, l’hôpital de Petite-Terre a ouvert ses portes vendredi. En tout, une soixantaine de patients ont déjà enfilé la blouse lors des trois derniers jours. Un événement que l’on n’attendait plus et qui a été rendu possible par la crise sanitaire. Incroyable mais vrai !
Et ce lundi, c’est le gratin institutionnel qui se voyait offrir un petit tour du propriétaire par les pompiers et membres de la Sécurité civile envoyés depuis la métropole. “Par là, Monsieur le Préfet, comme si vous étiez le patient”, indique d’une main le colonel Michel Cherbetian, responsable du détachement. La délégation, composée de Jean-François Colombet, mais aussi de la directrice de l’agence régionale de santé Dominique Voynet, du maire de Pamandzi Madi Souf, de l’édile de Dzaoudzi Saïd Omar Oili, et de responsables du centre hospitalier de Mayotte, lui emboîte le pas. Direction les urgences. Premières impressions ? “Wait and see”, souffle Madi Souf, un brin espiègle, avant de passer les portes vitrées.
Une cinquantaine de lits
Pour l’instant, les 35 personnes de l’ESCRIM, accompagnées de membres du centre hospitalier de Mayotte (CHM), ont investi le rez-de-chaussée et le premier étage de l’imposante bâtisse. Et le résultat est bluffant, il faut le dire ! En deux jours montre en main, les experts de la crise ont su armer un service d’urgence, doté de deux salles de déchocage, une spéciale Covid, cinq box d’examen dont un de pédiatrie, mais aussi un élément d’orientation de diagnostic – “un laboratoire qui nous permet de faire des diagnostics rapides”, explique le médecin-chef Isabelle Arnaud – et un petit box pour les pansements et sutures.
En tout, deux unités de vingt lits et une unité de dix lits pour les adolescents/enfants, soit une cinquantaine de lits, ont pu être installées. De quoi libérer les 14 places du centre de Dzaoudzi, qui continue de recevoir les femmes enceintes pour des accouchements. À terme, l’établissement pourra même augmenter ses capacités jusqu’à 12 lits de maternité, 5 lits d’urgence et une cinquantaine de lits en soins de suite et réadaptation, récapitule Dominique Voynet.
Stabiliser les patients même la nuit
Le gros plus ? L’hôpital est ouvert 24h/24. Comprendre : même la nuit. Désormais, les patients pourront être soignés pour des fractures comme pour des urgences plus graves directement en Petite-Terre, sans qu’il soit besoin, donc, d’affréter une barge en dehors des heures de service. “Nous avons de quoi stabiliser les patients la nuit, et les installer à l’étage avant d’organiser leur transfert éventuel vers le CHM de jour”, décortique le colonel Michel Cherbetian. Hier soir, deux patients Covid arrivés en détresse respiratoire ont ainsi pu bénéficier de soins sur place. “L’un allait mieux, il n’a même pas eu besoin d’être transféré le lendemain !”, se réjouit le Dr Isabelle Arnaud. “Vous effacez l’urgence”, acquiesce le préfet Jean-François Colombet.
À dans six mois
Un nouveau souffle aussi pour le centre hospitalier de Mamoudzou, qui fait toujours face à un afflux soutenu de malades même si l’épidémie semble doucement marquer le pas sur le territoire. Les équipes de Petite-Terre peuvent effectuer des soins de réanimation, soit le service le plus sous tension, grâce à l’installation dans les nouveaux locaux d’une troisième citerne d’oxygène de 17.000 litres, reçue à Mayotte pour faire face à la crise.
Reste la question pour le million : combien de temps l’hôpital va-t-il rester ouvert ? Si le détachement actuel de l’ESCRIM est prévu pour un mois, il n’est pas impossible qu’une deuxième équipe vienne prendre le relais, si la situation sanitaire l’exige. Et sur le moyen terme, l’autorisation de fonctionnement obtenue dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire court sur six mois. D’ici là, il faudra mener de nouvelles visites de conformité et remplir un dossier “plus lourd”, résume Dominique Voynet. Tout roule, comme sur des roulettes !