Chaque mois de février, le rituel de l’association Narike M’Sada es le même : proposer une campagne de clichés intimistes mettant en scène des couples mahorais, pour sensibiliser au dépistage du VIH. Des visages amoureux pour un seul et même message : le dépistage, une preuve d’amour. De quoi humaniser la lutte contre le Sida et rappeler que chacun est concerné par le sujet.
« Nous on s’aime, on se dépiste ». Depuis maintenant trois ans, à chaque Saint-Valentin, cette campagne de prévention déployée par l’association Narike M’Sada vient orner les rues de Mamoudzou. L’idée : mettre en scène de véritables couples pour promouvoir le dépistage du VIH et sensibiliser le plus grand nombre au port du préservatif. « Proposer un préservatif ou un dépistage est un geste d’amour, un geste de respect », soutient l’association. Un geste d’amour, certes, mais encore trop souvent entouré de tabous. « Il faut faire tomber les barrières qui n’en finissent pas, car pendant que les mentalités n’évoluent pas, la maladie continue d’avancer », souligne Hadidja, l’un des visages de la nouvelle campagne.
Au lendemain de son mariage, la jeune femme et son époux souhaitent réaliser un shooting photo pour immortaliser leur union, leur amour, leur bonheur. « Quand l’association nous a proposé de participer, on n’a eu aucune réticence. Le dépistage du VIH est un sujet que nous avions déjà abordé avant le mariage, alors c’était dans la continuité logique ! Quand ils ont vu notre photo, certains de nos proches ont été un peu étonnés sur le coup, mais c’est aussi une manière de dire aux gens : oser vous faire tester ! »
« Ma génération est un peu timide »
Au-delà de la peur des résultats, demeure celle d’être vu, d’être reconnu, d’être jugé. Alors cette année, en plus de sa campagne d’affichage, Narike M’Sada a décidé d’offrir du jasmin pour la Saint-Valentin. Un petit bouquet de fleurs, symbole de la tradition mahoraise, floqué du célèbre ruban rouge, distribué dans la rue au gré des passants. Comme une façon d’utiliser la culture locale et ses codes pour briser l’omerta. « Ce sujet touche tout le monde, il concerne la santé de chacun », rappelle à son tour le chanteur mahorais StaCo. Suivi par plus de 10.000 personnes sur les réseaux sociaux, le jeune artiste n’a pas hésité à utiliser sa notoriété pour véhiculer à son tour ce message. Après avoir prêté son image à la campagne « Seflise ton préservatif », il a également accepté de poser, avec sa conjointe, pour celle de Narike M’Sada.
« Ma génération à moi est un peu timide et le dépistage est souvent quelque chose qui fait peur, qui est mal vu dans la société mahoraise, mais c’est un mal pour un bien, car même si le résultat est positif, cela permet de commencer un traitement médical adapté », sourit StaCo. « Se protéger est le meilleur et le seul moyen de ne pas attraper d’infection sexuellement transmissible, et s’il y a eu un risque, le dépistage s’impose. Pour moi cette campagne est une façon de donner un peu de courage aux gens pour qu’ils prennent leurs responsabilité ! » Chaque année, 50 nouveaux cas de VIH sont recensés à Mayotte, dont une large majorité de femmes. Non pas que celles-ci ont une conduite plus risquée, mais lors de la grossesse, le dépistage du VIH leur est systématiquement proposé. Or, derrière chacune d’entre elles se cache un homme. D’où l’importance de mobiliser toutes les strates de la population autour de la question.