Face à une situation de plus en plus tendue, le centre hospitalier de Mayotte enchaîne les augmentations de nombre de lits en réanimation. Parmi les options sur la table pour se donner une bouffée d’oxygène, l’agence régionale de santé a demandé à ouvrir l’hôpital de Petite-Terre d’ici un mois et la direction du CHM a reçu des garanties orales pour doubler quotidiennement les évacuations sanitaires vers La Réunion. Des mesures qui doivent se confirmer dans les prochains jours.
« Pour les soins de suite et de réadaptation, c’est l’épisode VI de Star Wars. » Si la métaphore peut prêter à sourire, la réalité n’en reste pas moins troublante avec des services de réanimation, de médecine et des urgences au bord de la saturation. « La situation est tendue, la marge se réduit », introduit Christophe Caralp, le chef de pôle Ursec, alors que Mayotte a enregistré 1.891 nouveaux cas entre le 28 janvier et le 3 février. « Aux urgences, nous intubons deux personnes par jour et deux autres sont en moyenne placées sous aide respiratoire. Nous ne l’avions pas fait lors de la première vague. » Cette tension hospitalière n’augure rien de bon pour les prochains jours. Ce qui explique l’arrivée d’une trentaine de militaires samedi dernier pour ouvrir et gérer cinq nouveaux lits de réanimation dans l’aile de chirurgie ambulatoire.
Entre 10 et 30 patients envoyés en Petite-Terre ?
D’autres réflexions sont en cours de réalisation pour tenter d’apporter une bouffée d’oxygène au personnel médical. La première concerne l’hôpital de Petite-Terre, dont la mise en fonction tarde depuis de longs mois en raison de travaux « mal falgotés » et qui est théoriquement prévue en avril 2021… Une source proche du dossier annonce que l’agence régionale de santé a donné une injonction à Catherine Barbezieux, la directrice du CHM, pour l’ouvrir d’ici un mois, c’est-à-dire début mars. Des propos toutefois relativisés par l’autorité sanitaire, qui fait plutôt état d’une demande pour « avancer sur tous les points qui bloquent ».
Reste à trouver le meilleur compromis entre la prise en charge et la logistique, notamment d’un point de vue de l’oxygène, puisque la nouvelle structure n’est pas équipée pour acheminer « de tels débits », précise Christophe Caralp. D’où l’idée, si cette opportunité se concrétise, d’envoyer entre 10 et 30 patients Covid, actuellement hospitalisés en médecine, et de les brancher à des extracteurs. Mais un autre problème persiste : l’aval de la commission de sécurité. Et à ce petit jeu-là, le préfet de Mayotte est catégorique, car « c’est un établissement amené à recevoir des personnes fragiles ». Ainsi, le délégué du gouvernement attend le passage des experts pour savoir si « toutes les garanties minimales sont remplies ». Du chemin reste donc à parcourir pour lever tous les obstacles légaux.
Plus d’une quinzaine de patients évacués à La Réunion ?
L’autre bonne nouvelle devrait venir du ciel, avec le doublement quotidien des évacuations sanitaires vers La Réunion grâce à l’envoi d’un deuxième équipage. « Nous avons eu l’accord oral de Paris », confie Christophe Caralp, qui espère débuter ce nouveau roulement en début de semaine. Une stratégie aérienne qui représente un budget supplémentaire de l’ordre de 86.000 euros. Concernant le profil des passagers, la décision s’oriente vers des Covid en détresse respiratoire et des hypertendus. « Il faut bien les sélectioner, nous ne transportons pas des Playmobils », ajoute le responsable du pôle Ursec, qui verrait d’un bon œil le transfert de 5 à 7 patients en réanimation et de 10 autres en médecine. Sauf que l’île voisine est aussi en proie à un regain du nombre de cas en raison du varint sud-africain. Une propagation du virus qui pourrait rebattre les cartes. Quelles seraient alors les options alternatives ? « D’ici un mois, la crise sera peut-être derrière nous… Mais si La Réunion était réellement impactée, il faudrait potentiellement envisager des évacuations vers la métropole. Un dispositif très lourd à mettre en place. »
Indépendamment de ces solutions envisagées, le centre hospitalier de Mayotte continue sa réorganisation interne pour « essayer de toujours garder un coup d’avance ». Ainsi, des médecins des centres médicaux de référence (CMR) pourraient être réaffectés très prochainement dans le service de médecine pour renforcer les effectifs. Et pour libérer des lits, le cheval de bataille sur l’île aux parfums, Christophe Caralp mise sur la possibilité de multiplier les hospitalisations à domicile, lorsque les états de santé le permettent. « Nous avons une autorisation de 45 patients, qui est déjà pleine. Nous voudrions l’augmenter à 70, mais pour cela il nous faut notamment l’accord des médecins libéraux. » Tout un tas de mesures suffisantes pour ne pas vivre une catastrophe sanitaire, voire une hécatombe ? Réponse imminente..