{xtypo_dropcap}L{/xtypo_dropcap}a polémique fait grand bruit en France. Faut-il, au nom des principes de la République et de la sécurité, interdire le port du voile intégral ? Pour ceux qui veulent l'interdire, le voile intégral représente un danger parce qu'il permet de dissimuler des armes, mais aussi parce qu'il rend la personne non identifiable. Mais l'interdire reviendrait à bannir tous les vêtements ou autres moyens de dissimuler son visage, afin de ne pas tomber dans la discrimination.

Pour les spécialistes de la question, une telle loi constitue une double injustice pour les femmes concernées, particulièrement pour celles qui le portent par obligation. Pénalisées par la loi, ces femmes risquent de se faire exclure des lieux publics afin de ne pas subir les remontrances de leurs époux. Principalement musulmane, Mayotte ne semble pas perturbée par la question. Rares sont les personnes à être au courant des remous suscités par la question en Métropole.

Sur place, la première constatation est qu’en musulmans modérés, les Mahorais sont les premiers à être choqués par ces femmes voilées de la tête aux pieds. "Ici on ne les respecte pas", nous explique Ydaya, "les gens disent qu’ils sont musulmans et pourtant ils passent leur temps à se moquer d’eux". En effet, à en juger par leur réaction face à ces personnes péjorativement surnommées "djaoulas", (terme généralement utilisé pour désigner les dévots, NDLR), ou même "ninjas", on retrouve une certaine défiance envers ces femmes entièrement voilées. "C’est gênant de parler avec des personnes dont on ne voit pas le visage, explique cette jeune adolescente. On ne sait pas à qui on a affaire."

 

"Comme dans toute religion, certaines personnes veulent en faire plus"

 

Pour Ilan aussi, lycéen de 19 ans, cette tenue montre une exagération vis-à-vis des principes religieux. Pour lui, "ces femmes ont le droit de se vêtir comme bon leur semble sauf dans les endroits publics, car dans ces endroits ça devient du prosélytisme."

Même si la tenue choque dans la rue, tout comme lui, beaucoup estiment important de laisser ces femmes suivre leur propre vision de la religion. "C’est leur choix, je suis très religieuse, mais je ne le ferais pas", admet Mounia, avant de conclure, "en tout cas elles sont courageuses parce que les gens ont un regard négatif sur elles."

Lorsqu’on les interroge, les femmes qui s’imposent le niquab expliquent toutes vouloir aller aux sources de l’islam. Une manière pour elles de se sentir pleinement musulmanes. Certaines admettent le faire pour leur mari. C’est ce que nous explique cette religieuse.

"Il y en a qui le font parce que leurs maris les obligent à le faire. D’autres se l’imposent par respect pour lui. Mais au fond, ce n’est pas une obligation, elles l’abandonnent généralement lorsqu’elles se séparent de lui. Dans la religion, on demande juste aux femmes de porter une tenue décente. Comme dans toute religion, certaines personnes veulent en faire plus que ce qu’on leur demande. C’est leur choix. Ce n’est pas une bonne chose que l’Etat les force à renier leur vision de la religion, parce que c’est comme ca qu’ils vont interpréter cette loi."

 

Une tradition pré-islamique

 

Pour Ali Youssouf, maitre coranique à Mamoudzou, burqua n’est pas le terme exact pour désigner le voile intégral. Selon lui, le terme "niquab" serait plus adéquat. Cette tenue viendrait d’une tradition anté-islamique de la péninsule saoudienne. Durant les voyages dans le désert, on recouvrait les caravanes transportant les femmes musulmanes par une tente. Cette toile constituait à la fois une protection contre la chaleur, mais aussi contre les regards indiscrets.

"Quand l’islam est arrivé, précise "oustade"* Youssouf, il n’a pas interdit cette pratique. C’est pour cela qu’au fil des siècles, les gens l’on assimilée à la religion. Aujourd’hui, cette toile collective, est devenue individuelle. Et les femmes de ces pays la portent sur elles. Cependant, l’Arabie Saoudite est le seul pays où le port du niquab est obligatoire. Mais des milliers de personnes dans le monde ont choisi de pratiquer la religion comme en Arabie Saoudite, terre natale du prophète. Une manière pour eux d’être au plus près de la religion.

"Les personnes qui suivent aveuglement les savants saoudiens portent effectivement le niquab ou l’imposent à leurs compagnes. En tant que musulman salafiste, ce n’est ni une obligation pour moi, ni une interdiction : c’est un choix", nous avoue Ali Youssouf.

Pour lui, les rares femmes à le porter à Mayotte n’on même pas conscience de sa signification. Mais lui aussi reste persuadé qu’interdire le niquab sera très mal vu par la branche religieuse qui l’impose. Une loi qui touche des minorités musulmanes, mais qui ne manquera pas d’attiser l’hostilité des intégristes religieux envers la France.

 

* maitre, en arabe

 

Halda Toihiridini

 


 

Burqua, niqab, tchador… petit lexique

 

 

Le voile, dont de nombreuses musulmanes à travers le monde se couvrent la tête, en totalité ou en partie, comporte de nombreuses versions et se retrouve dans de nombreuses traditions, bien au-delà de l'islam. Le port du voile pour les femmes est ainsi attesté depuis l'Antiquité, par exemple chez les juifs dans la Bible et chez les Arabes bien avant l'islam.

 

 

 

 

 

Le hidjab

 

 

Le mot hidjab est formé sur la racine arabe "hajaba", qui signifie "cacher", "dérober aux regards", "mettre une distance". Promu par les Frères musulmans, ce voile cache les cheveux, les oreilles et le cou, ne laissant voir que l'ovale du visage, et est souvent complété par une tunique ou un imperméable. Il s'est généralisé dans le monde musulman, remplaçant les tenues traditionnelles comme le "haïk" en Afrique du Nord, grande pièce de laine ou de coton qui dissimule les formes du corps et voile le visage.

 

 

 

 

 

La burqa

 

 

La burqa est à l'origine le vêtement traditionnel des tribus pachtounes en Afghanistan. Ce long voile, bleu ou marron, couvre complètement la tête et le corps, un grillage dissimulant les yeux. Cette tenue est devenue aux yeux du monde le symbole du régime des talibans en Afghanistan, qui l'ont rendue obligatoire, mais elle est loin d'avoir disparu après leur chute.

 

 

 

 

 

Le niqab

 

 

Dans les pays arabes, le niqab, voile intégral complété par une étoffe ne laissant apparaître qu'une fente pour les yeux, s'est répandu sous l'influence de l'islam wahhabite, surtout en milieu urbain. Certaines femmes y ajoutent des lunettes de soleil et des gants, voire un masque.

 

 

 

 

 

Le tchador

 

 

En Iran, le tchador est un vêtement traditionnel utilisé principalement aujourd'hui par les pratiquantes. Il s'agit d'une grande pièce de tissu posée sur la tête, laissant apparaître l'ovale du visage, tenue fermée à l'aide des mains, voire des dents si la femme a besoin d'utiliser ses bras. Le port du tchador n'est pas obligatoire dans la République islamique, à la différence du port d'un voile sur la tête.

 

 

 

 

 

Le lithâm

 

 

Ce voile est un cache-nez, que l'on appelle encore khimâr, terme générique qui désigne tout ce qui couvre la tête : mantille, châle ou écharpe.