À Kawéni Poste, le théâtre met tous les élèves au même niveau

Les élèves du premier degré ont découvert l’art de la scène et le théâtre au travers d’une action nouvelle, mise en place par la circonscription de Mamoudzou Nord et financée par la cité éducative de Kawéni. Du 7 au 10 décembre ont eu lieu les représentations des pièces jouées par les acteurs en herbe de cinq écoles élémentaires, clôturant plusieurs semaines d’initiation animées par l’association du quartier « Action Coup de Pouce ».  Retour sur la performance de la classe de CM2 E de Kawéni Poste.

Jeudi, 10h. Dans leur classe, les élèves de la classe de CM2 E de Kawéni Poste se préparent à monter sur les planches, ou plutôt à descendre dans la cour de récréation pour se mettre en scène. Quelques minutes pour enfiler les costumes finalisés dans la matinée. Le rythme cardiaque des uns s’accélère, les jambes des autres s’engourdissent. Le stress, lui, est à son paroxysme. « Pour cacher ma peur, je me concentre », confie Ibrahim, avec son regard malicieux. Sa camarade, Zaël, éprouve plus de difficulté à contenir son trac, mais peut compter sur une accolade de sa maîtresse, Marguerite, pour l’encourager. « Ça m’a rassuré ! », murmure-t-elle, un brin impressionnée par la foule assise en arc de cercle.

« Important de montrer l’exemple »

Plus le temps de rebrousser chemin. Pas de « trois coups » pour donner le signal, mais un silence de cathédrale. La première saynète sensibilise à la préservation de l’environnement : un voulé vient mettre à mal la plantation d’un agriculteur. Une image ô combien symbolique de ce qui se trame chaque jour sur l’île aux parfums. Message reçu 5 sur 5 par les acteurs en herbe, vu leurs réactions à la fin de cette représentation. « Tout le monde jette ses déchets par terre », s’indigne Roihamatou, complètement désabusée par la pratique des habitants. À l’instar de la tante et des grands-parents d’Irma, qui « n’ose pas [leur] dire que c’est mal ». Un comportement qui fait tout simplement grincer des dents sa copine Zaël : « L’écologie est importante car sans les arbres, on n’aura plus d’oxygène pour respirer. » Alors pour Diana, il faut que les enfants prennent ce sujet à bras le corps et sensibilisent leur entourage. « Je pense que c’est important de montrer l’exemple », lâche-t-elle d’un ton solennel, comme pour dire « stop, y en a assez ».

Bis repetita avec la deuxième mise en scène, qui aborde cette fois-ci la thématique de la liberté de circulation. Chapeaux vissés sur la tête, deux policiers vérifient les identités des passants, d’un chat et d’un oiseau dans le centre de Mamoudzou. À fond dans son rôle, El-Hadji enchante le public par sa prestance. « Bonjour, contrôle de papiers s’il vous plaît ! » À peine ses interlocuteurs ont-ils le temps de jacasser que le jeune garçon vitupère : « Pas de papier ? Au cachot ! » Une réplique qui fait pouffer de rire les autres classes spectatrices. Même si son ton vilipendeur colle plutôt bien à la politique migratoire menée dans le 101ème département. Une stratégie rejetée totalement par Ilarry. « Il faut faire comprendre que tout le monde peut circuler librement », insiste-t-elle avec son air innocent.

« C’est ça aussi, le théâtre »

Une quinzaine de minutes leur suffit pour convaincre le public et le corps enseignant. Un tonnerre d’applaudissements s’élève instinctivement. Auquel répondent les futurs collégiens par un sobre salut, le sentiment du devoir accompli. « Je suis très satisfait du résultat, je ne m’attendais pas du tout à ça », concède Abacar, animateur salarié de l’association de quartier « Action Coup de Pouce », qui a, pendant cinq semaines, initié la classe de CM2 E à l’art de la scène. « Leur maîtresse les a vraiment portés pour que le rendu soit à la hauteur. »

Conquise, Marguerite accourt vers ses élèves pour les féliciter un par un. « Vous avez improvisé à certains moments, mais c’est ça aussi, le théâtre », leur glisse-t-elle, bluffée par le jeu d’acteur de ses protégés. « Quand j’ai postulé à ces ateliers, ils étaient terrorisés à l’idée de se donner en spectacle devant les autres élèves de l’école. » Pas de regret à la vue du résultat et surtout du vibrant hommage. « Cela a permis à certains de se dévoiler un peu plus ! C’était très bien de découvrir une nouvelle activité dans laquelle tout le monde était au même niveau », souligne-t-elle, en guise de baisser de rideau. Avant de reprendre les répétitions au mois de janvier, au retour des vacances de fin d’année. Pour le plus grand bonheur de Toianti : « On rigole, on s’amuse. C’est mieux d’apprendre en jouant ! »

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