Après les Assises de la sécurité, un nouveau degré de violence en Petite-Terre

Le soir-même de la clôture des Assises de la sécurité et de la citoyenneté, une vingtaine de jeunes armés ont caillassé le restaurant Star Pizza en Petite-Terre, avec des cailloux et des cocktails Molotov. Une scène d’horreur qui aurait pu finir en drame si les employés ne s’étaient pas interposés pour faire fuir la bande. Ce nouveau fait divers fait encore une fois bondir l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de Mayotte qui appelle le préfet à l’ordre républicain. 

Mardi, 20h20. Une armada d’une vingtaine d’individus se présente devant le restaurant Star Pizza, armés jusqu’aux dents et prêts à en découdre. « Ils nous ont pillonés de gros cailloux et ont voulu rentrer dans l’établissement », se remémore Frank Ibanez, le propriétaire. Avec l’un de ses deux employés, présents sur place sur ce soir-là, les deux hommes rendent coup pour coup pour les dissuader de pénétrer à l’intérieur. Visiblement vexée et agacée par cette résistance pour le moins inhabituelle, la bande décide de sortir l’artillerie lourde en envoyant deux cocktails Molotov, dont l’un d’eux explose devant le comptoir et déclenche un feu… Un acte qui aurait pu se terminer en véritable bain de sang si le personnel, imbibé d’essence, n’avait pas immédiatement circonscrit le début d’incendie. « Au moment des fait, nous avions plusieurs clients. Certains ont fui tandis que d’autres ont cru bon de se réfugier dans le local. Une femme a été blessée dans le dos par le jet d’une pierre », déroule le restaurateur, qui adresse son soutien à ses confrères du Mékong et du brochetti malgache qui auraient subi de nombreux dégâts matériels quelques minutes plus tard.

« Des acteurs du grand banditisme »

Cette brutalité sans nom, Frank Ibanez la côtoie régulièrement depuis des années, mais il n’en avait jamais fait l’objet personnellement depuis son installation en 2013. « Nous ne parlons pas d’une simple agression pour dérober la caisse », poursuit-il. « Il s’agit ni plus ni moins d’une tentative d’homicide. Ces jeunes, la plupart des mineurs, se comportent comme des acteurs du grand banditisme. Ils préparent des armes, donc il y a préméditation. » Et à ses yeux, le problème ne vient pas de l’incapacité d’intervention des forces de l’ordre, « qui font leur travail sur le terrain », mais bien de la réponse judiciaire, « qui est complètement inadaptée » pour un territoire comme le 101ème département. « Il n’existe aucune infrastructure pour les multirécidivistes et ceux qui sont en situation irrégulière. Nous n’avons pas de dispositif pour les écarter alors que nous savons où ils vivent sur Petite-Terre. »

Un ras-le-bol général appuyé par le président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie de Mayotte, Charles-Henri Mandallaz, qui s’est empressé d’envoyer un courrier au préfet, Jean-François Colombet, pour partager son désarroi. « Nous franchissons encore un cap de violence et nous sommes tout simplement dans la folie furieuse. Nous n’avons plus de répit sur cette île. N’importe où et n’importe quand, la criminalité peut frapper », relate-t-il en introduction. Avant de rappeler la temporalité : « Ces événements prennent une résonance particulière alors que viennent de se terminer les Assises de la sécurité. » Un rendez-vous sur deux jours durant lequel les institutions et la société civile ont échangé sur plusieurs thématiques, dans l’espoir de trouver des solutions pérennes à cette délinquance qui gangrène l’île aux parfums.

« Tout perdre sur un claquement de doigts »

L’UMIH976 se demande alors si l’ordre républicain, « l’un des piliers de notre République », peut être encore rétabli et surtout si les moyens sont en adéquation avec l’environnement qui sévit sur le territoire. « Nous sommes des entrepreneurs, des bâtisseurs, des gens courageux, investis pour la construction de cette île. Des personnes qui ont leur vie et leur patrimoine ici, qui peuvent tout perdre sur un claquement de doigts. L’inquiétude est donc inéluctable, mais elle ne peut ni ne doit devenir notre quotidien. » Complétement déboussolé, Charles-Henri Mandallaz en appelle au bon sens du délégué du gouvernement et l’implore de remonter les difficultés locales à Paris. « Nous ne pouvons plus accepter de continuer à descendre vers cette ultra violence qui nous touche aujourd’hui. Nous avons besoin de pacifier ce territoire en urgence. Il en va de son avenir, de notre avenir. […] Rien ne peut se contruire sur le terreau de la violence. Mayotte doit être apaisée, pour nos familles, pour notre économie. Notre énergie, notre cœur à l’ouvrage sont déjà fortement entamés par une année plus que catastrophique. L’insécurité, en plus du reste, pourrait être le coup de grâce pour certains d’entre nous. »

Une vérité qui fait froid dans le dos… Pourtant, Frank Ibanez s’est vite remis en ordre de marche et a décidé de rouvrir son restaurant dès le lendemain. « Il n’y a pas de psychose, mais il y a un sentiment d’impunité », résume-t-il. Avant d’adresser un message à l’ensemble des commerçants de Mayotte. « Ces voyous ont l’habitude de faire peur. Mais dans la plupart des cas, quand ils font face à de la résistance, ils font demi-tour. Il faut juste veiller à rester dans le cadre de la légitime défense. » Tout le monde est prévenu.

 

 

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