{xtypo_dropcap}E{/xtypo_dropcap}n confirmant la possibilité de réduire la bourse des étudiants pour remédier au déficit du conseil général, vous avez montré que le conseil général était prêt à sacrifier sa jeunesse pour réglementer une gestion irresponsable du budget de Mayotte venant des hauts responsables de l’île.
Permettez-moi de vous dresser un tableau de ce qu’est la vie d’un étudiant en France. Pour vous donner une idée plus concrète je vais passer au rayon x mes revenus. Mes revenus sont de 1.061 euros par mois et se décomposent comme suit : 460 euros de bourse du Crous, 236 euros de bourse de la Dasu, 245 euros d’aide au logement, 60 euros gagnés pour de l’aide aux devoirs.
Et voici comment je dépense cet argent.
- Loyer : 550 euros.
- Téléphone portable : 23 euros.
- ADSL : 30 euros.
- Restaurant universitaire : 58 euros.
- Courses : 60 euros.
- Transport : 31 euros.
- Epargne : 50 euros.
Il me reste donc 199 euros, soit un peu moins que ma bourse de la Dasu pour m’autoriser des dépenses de loisirs (sorties, ciné, expositions, concerts…) ou de shopping (vêtements, produits cosmétiques…). C’est dire l’importance de la bourse de Mayotte. Sans elle, nous serions tous obligés de prendre un job à mi-temps chez Quick ou Mac Donald, alors qu’il n’est pas facile de concilier études et job étudiant.
Contrairement à un grand nombre de mes camarades, j’ai la chance de ne pas avoir à travailler pour ne pas avoir à me soucier de problèmes pécuniaires. Je bénéficie régulièrement d’une aide financière de mes parents. La dernière en date : 2.000 euros pour mon installation en région parisienne (caution de 985 euros + premier loyer + dépenses diverses). L’aide que je reçois de mes parents intervient surtout lorsque je suis confrontée à de grandes dépenses : déménagement, divers formations (prépas, formations linguistiques), voyages (qui servent également à l’éducation des jeunes).
Il faut savoir que beaucoup de jeunes mahorais ne sont pas dans mon cas. Et pour une grande majorité d’entre nous, passer des examens linguistiques type TOEFL ou TOEIC équivaut à plusieurs missions d’intérims. C’est même un luxe que beaucoup s’interdisent de s’offrir. Lorsqu’il change de ville, un étudiant doit avoir travaillé au moins un mois à temps plein pour pouvoir réaliser son déménagement. Alors si vous réduisez les bourses des étudiants, vous créez là un souci supplémentaire à de nombreux étudiants dont la situation est bien précaire, mais également à de nombreux parents qui n’ont pas tous les moyens d’envoyer au minimum 50 euros par mois à leurs enfants.
En outre, vous avez avancé le motif du "taux d’échec important des étudiants" pour justifier votre décision. Il est vrai que le taux de réussite des étudiants mahorais est très faible, mais les conditions d’attribution de la bourse de la Dasu sont méritocratiques. La Dasu ne tolère qu’un redoublement par cycle, soit 3 redoublements dans un cursus complet allant de la licence au doctorat. Alors que le Crous peut vous accorder jusqu’à 8 ans pour obtenir votre licence, la Dasu vous permet un délai de 4 ans maximum. Par conséquent, l’action de la Dasu ne semble pas porter sur des jeunes complètement désintéressés par les études, mais sur des étudiants plutôt sérieux qui essaient de s’accrocher à leurs études en dépit de conditions difficiles.
Enfin, je me permets de vous rappeler que la jeunesse de Mayotte représente 60% de sa population. Cette jeunesse mérite d’être soutenue. Elle a besoin de se sentir épaulée par son île, surtout lorsqu’elle a du mal à inscrire ses ambitions sur un plan national.
Mouniati Abdou Chakour,
étudiante en L3 "Monde contemporain et journalisme"
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