30/10/2009 – Session extraordinaire du conseil général

 

 

{xtypo_dropcap}L{/xtypo_dropcap}es Egom de Mayotte sont un cas à part : la question de la gouvernance, au cœur des revendications des autres Dom, n'a pas été évoquée en raison du "oui" massif à la départementalisation de l'île. En revanche, le problème du foncier, bien plus criant à Mayotte que dans les autres Dom, a été ajouté dans les ateliers. De manière générale, la synthèse des Egom de Mayotte est différente de celle des autres collectivités d'Outremer, car elle se situe dans une logique de rattrapage économique, social et culturel, et d'avancée vers le droit commun initiée depuis la loi de 2001. La Nouvelle-Calédonie est le seul territoire ultramarin qui n'a pas participé aux Egom, son avenir statutaire étant déjà conditionné par l'accord de Nouméa du 5 mai 1998, prévoyant un référendum d'auto-détermination entre 2014 et 2019.

En présence du préfet, de conseillers généraux, de maires, de responsables administratifs, de leaders syndicaux et des sénateurs Adrien Giraud et Ibrahim Soibahadine Ramadani, le rapport final au gouvernement des Egom de Mayotte vient donc d'être adopté par le conseil général réuni en session extraordinaire, en vue du Conseil interministériel de l'Outremer annoncé par le Président de la République.

Les travaux des 8 ateliers ont été lancés le 22 avril. En tout, 1.500 personnes ont pris part aux différents débats et les comités de pilotage ont validé les différentes étapes de l'élaboration du document jusqu'aux consultations populaires qui ont eu lieu aux quatre coins de l'île. Une vingtaine de propositions ont été présentées à Paris le 1er octobre (voir encadré).

 

"Une réflexion sur ce que nous voulons pour Mayotte dans 20 ou 30 ans"

 

Ce rapport final, qui s'inscrit "dans l'esprit et la lettre" du Pacte pour la départementalisation, "pourra devenir un document de référence pour la CDM et les communes", a déclaré Ahamed Attoumani Douchina, le président du conseil général. "Nous devons faire en sorte que ces réflexions aboutissent à des mesures concrètes et opérationnelles. Un comité technique sera mis en place pour cela", a-t-il ajouté.

Soulignant le fait que les Egom ont permis de "révolutionner" la conception de l'intervention de l'Etat dans l'Outremer français, le sénateur Ramadani a rappelé que les Mahorais viennent "d'achever le combat de deux générations" mais qu'"il reste un autre combat : construire le département". Les propositions des Egom vont venir selon lui "en précision, en complément pour enrichir les opérations déjà actées" comme le Contrat de projet 2008-2014, le Plan de relance et la Lodeom. Elles constituent même "une réflexion sur ce que nous voulons pour Mayotte dans 20 ou 30 ans".

"Avec Adrien Giraud, nous irons à Paris pour jouer notre rôle de lobby dans les services de l'Etat et de notre ministère, pour affirmer la nécessité absolue d'un rattrapage économique, social et culturel pour réduire l'écart avec les autres Dom".

A sa suite, Adrien Giraud a réaffirmé l'ancrage de Mayotte dans la République française, rappelant le "long parcours qui a été fait par nos aînés", en saluant au passage Zaïna Méresse, présente dans la salle. "Mayotte se trouve aujourd'hui à la croisée des chemins : elle doit prendre son essor de développement dans les mains du conseil général, désormais l'exécutif de l'île. Vous avez entre les mains le sort de Mayotte", a-t-il déclaré à l'intention des conseillers généraux. "Aujourd'hui, c'est à nous de construire notre avenir, il ne faut plus implorer la France."

 

"Tous les efforts seront vains si l'Etat ne lutte pas efficacement contre l'immigration clandestine"

 

Les présidents présents des ateliers ont ensuite pris la parole pour exposer brièvement les travaux. Ibrahim Boinahéry, le président de l'Association des maires, a évoqué le problème du foncier à Mayotte, qui conduit à une "crise profonde du secteur du logement", les entreprises souffrant également de ce déficit immobilier.

Pour maîtriser le foncier, l'une des propositions de l'atelier est la création d'un établissement public foncier qui doit intervenir rapidement car il faut un délai d'au moins un an avant qu'il puisse être opérationnel. Les décrets sur la ZPG, qui prévoient que les occupants payent leur terrain avec une décote maximum de 50%, sont un obstacle à la régularisation et les élus demandent à ce qu'une solution soit trouvée localement sur ce problème.

Anziza Moustoifa, conseillère économique et sociale, affirme avoir porté toutes ces propositions au niveau national et doit rencontrer la secrétaire générale de l'Outremer la semaine prochaine. "Tous les efforts seront vains si l'Etat ne lutte pas efficacement contre l'immigration clandestine", a-t-elle rappelé. Fadul Ahmed Fadul, le président de l'atelier sur la formation, a quant à lui souligné que le foncier pose également problème pour la construction des écoles primaires et que "nos enfants régressent" car ils côtoient d'autres enfants qui n'ont pas été scolarisés et qui "passent en classes supérieures à cause de leur âge et pas de leur moyenne".

 

La CDM devrait baisser les taxes douanières sur 300 produits

 

Boinali Saïd, président de la Cisma-CDFT, a préconisé "un modèle de promotion de l'excellence mahoraise" : "On ne peut pas construire le développement d'une nation sans des personnes qui savent" a-t-il dit, rappelant que 60% des jeunes Mahorais sont sans qualification et 30% avec une qualification moyenne. "A Mayotte, on s'exporte mais il n'y a pas de discours en propre. Au niveau national, les Réunionnais ont un discours en propre sur l'énergie, aux Antilles sur l'Histoire coloniale. Ici, il n'y a pas de visibilité sur ce qu'est la mahorité, pour une meilleure intégration des Mahorais ici et en Métropole".

M'ahamadi Abdou, le président de l'atelier sur la formation des prix, les circuits de distribution et le pouvoir d'achat où les débats ont été les plus houleux, a demandé à la CDM de baisser les tarifs douaniers sur 300 articles. La grande distribution s'est engagée à faire des efforts sur ses marges et à répercuter cette baisse dans les rayons, qui devrait même être signalée par des étiquettes "Etats généraux de l'Outremer" sur ces produits.

Pour augmenter le pouvoir d'achat, l'atelier préconise d'exonérer de certaines charges sociales les entreprises qui créent de l'emploi, comme dans les autres Dom, ou qu'au moins l'Etat leur permette d'échelonner leurs dettes, en parallèle de l'augmentation du Smig.

Le préfet Hubert Derache a achevé cette réunion en saluant la participation des syndicats de salariés et en rappelant l'importance des missions de l'administration centrale qui se rendent sur l'île découvrir la réalité mahoraise. Les Egom "permettent de prendre ce qui a été bon dans les Dom et de mettre de côté ce qui n'a pas marché. Les mesures qui seront annoncées par Nicolas Sarkozy vont concerner directement les Mahorais et même tout l'Outremer pour la formation des prix par exemple".

Le préfet a annoncé qu'un architecte des bâtiments de France devrait venir prochainement pour répertorier et protéger le patrimoine immobilier historique de l'île. Il a également demandé à ce qu'une discussion soit engagée avec le conseil général pour savoir quand aura lieu le transfert de compétence des collèges, des lycées et des routes nationales au nouveau département-région.

 

Julien Perrot

 


 

Restitutions nationales des Etats généraux de l'Outremer le 1er octobre 2009, à Paris

 

La classe politique et l'ensemble des organisations socio-professionnelles de Mayotte se sont engagés dans les Etats généraux de l'Outremer dans le prolongement de la réflexion conduite en amont de la consultation populaire du 29 mars 2009, en vue de la départementalisation de l'île, approuvée à plus de 95% par la population.

A la suite du processus référendaire engagé depuis 18 mois, nous attendons du prochain Comité interministériel sur l'Outremer des décisions concrètes, tendant, comme le Gouvernement s'y était engagé :

– à réviser le Contrat de projet Etat-CDM 2008-2014,

– à examiner les mesures de soutien à l'économie locale qu'il n'a pas été possible d'évoquer à l'occasion de la Lodeom,

– à donner corps au Fonds de développement économique, social, culturel et environnemental prévu dans le Pacte pour lancer la pré-départementalisation de Mayotte.

En outre, une demande forte est apparue sur la nécessité de revisiter le Plan d'aménagement et de développement durable.

Ces Etats généraux constituent pour nous une étape dans la définition du nouveau modèle départemental décrit dans le Pacte pour la départementalisation de Mayotte.

Le défi de la conception de ce nouveau modèle que les Mahorais ont accepté suppose que des décisions soient prises, dès à présent, en ce sens.

Les ateliers de travail ont fait des propositions parmi lesquelles, nous voudrions souligner celles-ci.

 

Atelier 1 : Formation des prix, circuit de distribution et pouvoir d'achat

1) La baisse des prix sur une centaine de produits de première nécessité reste une priorité pour améliorer le pouvoir d'achat et relancer la consommation. L'amélioration de la régulation du marché pourrait passer par la réglementation de certains tarifs. Des efforts devront être faits par ailleurs pour améliorer l'environnement concurrentiel de certains secteurs.

2) La réalisation de cet objectif passe nécessairement par le désenclavement aérien et maritime.

3) II faut également garantir des conditions d'une saine coexistence entre le petit commerce et la grande distribution.

 

Atelier 2 : Productions locales

Il est proposé la mise en place d'un Plan de productions locales et de développement endogène Mayotte 2015 afin de répondre aux enjeux de développement et réduire ainsi notre dépendance vis-à-vis de l'extérieur. Ceci suppose de :

– reconnaître le statut des acteurs de la production locale par la mise en place d'un régime de protection sociale et de retraite,

– dynamiser les filières par la formation, la recherche et le développement,

– mettre en place des aides à l'importation des intrants,

– assurer le désenclavement et la viabilisation des lieux de production,

– soutenir les investissements liés à l'outil de production,

– garantir la réalisation du Plan par la formalisation des engagements de l'ensemble des acteurs.

 

Atelier 3 : Le foncier

1) Nous proposons la création d'un établissement public foncier en partenariat avec les communes, l'Etat et la CDM.

2) Nous souhaitons que le décret relatif à la Zone des pas géométriques à Mayotte soit révisé, conformément au droit coutumier de la population qui veut voir aboutir la régularisation foncière gratuite, notamment dans la zone des pas géométriques.

 

Atelier 4 : Développement économique et emploi durable.

1) Nous souhaitons que les aides aux entreprises, notamment à la création d'entreprises (couveuses et pépinières d'entreprises), soient créées et développées.

2) Il faut agir en étendant à Mayotte les dispositifs d'aide à l'emploi.

 

Atelier 5 : Dialogue social

1) Nous souhaitons faire évoluer les différents systèmes de retraite à Mayotte de manière à permettre un alignement sur les dispositifs existant en Métropole et dans les Dom.

2) Il est nécessaire de faire évoluer le droit du travail applicable à Mayotte pour l'aligner sur le droit commun.

 

Atelier 6 : Formation

1) Conformément à l'ordonnance du 21 décembre 2007, rappelée par le Premier Ministre, à l'occasion de sa dernière visite à Mayotte, l'Etat doit donner aux communes les moyens financiers d'assurer cette obligation légale de scolarisation des enfants de 3 ans à la rentrée scolaire 2010.

2) Développer les formations supérieures en diversifiant l'offre par la création d'un pôle universitaire et la relance du Cnam pour garantir le principe légal de continuité territoriale.

3) Repenser les contenus pédagogiques en tenant compte des cultures régionales.

4) Mettre en place un dispositif de restauration scolaire en lien avec la valorisation des productions locales.

 

Atelier 7 : Insertion régionale

Nous préconisons :

1) La poursuite de la modernisation du port et de l'aéroport. La piste longue reste la seule priorité capable d'assurer une véritable continuité territoriale.

2) De tout mettre en œuvre pour l'arrivée du câble sous-marin, en même temps que les autres territoires de l'océan Indien avec des tarifs économiquement attractifs,

3) Que l'Etat demande la modification des statuts de la COI et obtienne l'intégration de Mayotte dans les instances régionales. Il doit demander aussi la modification de la charte des Jeux des îles de l'océan Indien afin de permettre l'admission à part entière des sportifs de Mayotte.

4) La création d'une communauté hospitalière de l'océan Indien assise sur un dispositif de veille sanitaire partagé, l'échange des pratiques et la télémédecine.

 

Atelier 8 : Identité, culture et mémoire

1) Premièrement, pour appuyer les efforts engagés en matière de renforcement de l'administration régionale, nous souhaitons que soit créée une Direction régionale aux affaires culturelles (Drac) réclamée par l'ensemble du monde de la culture pour assurer les missions régaliennes relatives à la protection et à la sauvegarde du patrimoine.

2) Créer un Institut de recherche sur les langues et les civilisations qui a pour objet la protection de la diversité des langues régionales, le soutien à la francophonie, l'étude des civilisations de la zone océan Indien-Afrique de l'Est et la connaissance des religions.

3) Créer un Centre du patrimoine (Etat/CDM) en charge de l'inventaire, de la sauvegarde et de la promotion du patrimoine.

 

Ces propositions ont fait l'objet d'un large consensus à Mayotte. Les présidents d'ateliers souhaitent par ailleurs la poursuite des réflexions engagées au sein du groupe de travail sur l'immigration clandestine en vue de trouver des solutions pratiques pour la résorption durable du phénomène et la prise en compte de ses incidences sur le développement économique et social de Mayotte.

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