{xtypo_dropcap}C’{/xtypo_dropcap}est au volant de son buggy, un genre de quad couvert, qu’Alain Jeunet, le ministre des affaires étrangères de la république acratique de l’ilot M'tsamboro arrive à notre rencontre. Le titre est pompeux, mais l’homme se distingue par sa simplicité. Alain Jeunet, un hurluberlu comme on n’en fait plus. Le genre d’homme avec lequel on ne sait jamais où commence et où finit la rigolade.
C’est avec son langage fleuri, (que nous avons remanié pour ne pas choquer les lecteurs, ndlr), qu’il nous raconte comment il y a un an de cela, lui et une bande d’amis ont décidé de créer une république sur l’ilot le plus touristique de Mayotte. "Un jour on avait un repas entre copains et on s’est dit : on s’ennuie à Mayotte. Qu’est ce qu’on pourrait bien faire pour enquiquiner le monde ?"
Leur première idée, vite abandonnée, consistait à émettre des sons de cloches d’églises dans les quartiers avec la sono de leur voiture à fond. Et cela au moment du chant du muezzin. Mais finalement leur attention se portera vers un projet beaucoup plus ambitieux. Créer une république de type anarchique à Mayotte. L’acratie était née!
Issu du grec α-, qui signifie "absence de" et de κρατία, "gouvernement", ce terme désigne un régime marqué par l’absence de domination politique. "C’est ramener tous les humains sur le même pied d’égalité, quelles que soient les hiérarchies fonctionnelles mises en place pour mener à bien une tâche commune", explique Jeunet sur le site qu’il a créé pour médiatiser le projet.
"Une société construite par l'homme et pour l'homme, sans état, sans chef, sans politique, sans police, sans armée… Une liberté totale, sans loi, sans contrainte ni obligation, sans religion imposée." Tout un programme. La république compte déjà une douzaine de ministres. Un gouvernement provisoire en attendant le tirage au sort qui désignera les futurs représentants de l’ilot. Parmi ces ministres, on retrouve des chefs d’entreprises, des personnes qui exercent dans le libéral, et même des fonctionnaires.
"Quatre sont à Mayotte, quatre autres en France et quatre à la Réunion. Nous avons aussi un ambassadeur à Madagascar et au Maroc", s’enorgueillit le ministre. Selon lui, la république acratique compterait déjà près de 500 citoyens dans le monde.
Vers une reconnaissance de l’Onu
C’est à l’ilot Mtsamboro, un petit bout de terre de 2 kilomètres carrés situé entre Anjouan et Mayotte, que tout ce beau monde a décidé d’implanter la nouvelle nation. Un ilot "libre et indépendant de toute nation et de toute puissance politique", proclame Jeunet sur tous les forums et autres sites traitant de la question comoro-mahoraise. Comme en témoigne ce message publié sur Malango. "Le problème de Mayotte n'est rien par rapport à ce qui attend l'Onu lors de sa 65ème session. Le dossier de l'indépendance de l'îlot de M'tsamboro (…) risque bien de générer une bombe politique internationale dans le Sud-Est de l'océan Indien."
Oui, vous avez bien lu, le ministre des affaires étrangères veut une reconnaissance internationale. "Je suis en train de préparer les dossiers pour demander une reconnaissance à l’Onu", explique l'air très sérieux… En attendant, notre ministre s’attèle déjà à la rédaction de la constitution du pays. Il compte ainsi proclamer l’indépendance de l’ilot l’année prochaine, vers le mois de juillet… "ou un peu plus tard selon l’avancement des textes de lois". Pour cette journée historique, il souhaite inviter tous les plaisanciers de Mayotte à sortir avec leurs bateaux pour aller faire la fête avec eux.
Des projets à la pelle, comme une piste de ski…
Contrairement aux apparences, le gouvernement a de vrais projets pour développer l’économie de l’ilot. Il vise d’ailleurs l’autonomie. Construction d’un village, d’un bar sur la plage et d’un port de plaisance. Le tout dans le respect de la nature. "Nous aurons des panneaux solaires et des éoliennes." Le seul écart qu’ils s’autorisent sera un groupe électrogène pour faire fonctionner la machine à laver… "Parce qu’on n’est pas des sauvages non plus !", s’exclame le ministre.
Il évoque ensuite d’autres projets pour attirer les touristes. Comme la piste qui permettra de faire le tour de l’ile et dont le nom – "la promenade des Anjouanais" – rend hommage aux voisins de l’ile. Il y a même un projet de piste de ski qui descendra jusque sur la plage… Contrairement à nos conseillers généraux, les acratiques ne se font aucun souci sur le financement de leurs projets.
À l’instar de ce qui se passe aux Comores, des financeurs seraient prêts à investir des fortunes pour le développement de l’îlot. Lorsqu’on demande ce qu’ils gagneront en retour, Alain Jeunet prend un air secret : "Si on arrive à être représenté à l’Onu, ils seront prêts à payer encore plus."
Ces investisseurs secrets compteraient-ils acheter la voie de la république acratique à l’Onu ? En tout cas, Alain Jeunet n’en est pas à son coup d’essai. Il s’est d’ailleurs plusieurs fois présenté dans des scrutins locaux à Metz et même à la Réunion où il exerce le métier de journaliste à RFO. En 1985, il ira même jusqu’à proclamer sa candidature à l’élection présidentielle. Pas de chance, cette année là Coluche lui vole la vedette.
Aujourd’hui il poursuit son combat politique, mais il a revu à la baisse ses ambitions pour un projet beaucoup plus réaliste… A défaut de pouvoir gouverner la France, il participera à la création d’un nouvel Etat : la république acratique de M'tsamboro.
Halda Toihiridini
Fiche technique
Drapeau
Le drapeau de la république s’appelle le "cyclone". Cyclone pour illustrer le chamboulement, mais aussi la révolution. Il est composé d’un fond noir, symbole de l’anarchie et de l’Afrique. Le bleu (dans le bas du rond central) pour la mer. L’orange (dans le haut du rond central) pour le ciel. Le triangle vert dans le rond central, pour l'îlot. L'étoile rouge (en partie basse du drapeau) pour situer l’île sur le globe.
Monnaie nationale
Le "Lorange". Elle existe en billets de 1, 2, 5, 10, 20, 50 et 100. La petite monnaie (l’équivalent des centimes) s'appelle le "Zeste". 1 Lorange varie entre 1,00 et 1,30 euro.
Hymne
L'hymne national est en français et en mahorais. Il s’intitule "Haya !", c’est à dire "Allons !". Selon Alain Jeunet, la chanson sera composée par Bob Dahilou le chanteur local. Voici le refrain :
"Bonjour bwéni, bonjour mogné,
Gégé monsieur, ndjéma madame
M'tsamboro c'est loin? Mbali M'tsamboro ?
Non, Karibu tu ! Aha ! C'est tout proche !
Tafadali, montre moi, s'il te plait, nienyese.
Allons ! Haya !"
Traduction en Français
Bonjour, Madame,
Bonjour Monsieur.
C'est loin M'tsamboro ?
Non, c'est tout proche !
Montre-moi, s'il te plait.
Allons !"
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