Olivier Capelle, commandant de la gendarmerie de Mayotte, dévoile sa feuille de route

Après quatre ans de bons et loyaux services, le général Philippe Leclerc a quitté son poste de commandant de la gendarmerie de Mayotte et a été remplacé par le colonel Olivier Capelle. À l’occasion de sa prise de commandement ce mercredi matin à Pamandzi, ce dernier est revenu pour Flash Infos sur les événements récents, sur ses premiers contacts avec les maires des différentes communes mais aussi sur la tenue prochaine des Assises de la sécurité. Entretien.

Flash Infos : Vous êtes arrivé à Mayotte le 3 août dernier, quel a été votre parcours avant d’être affecté à la tête du commandement de la gendarmerie du 101ème département ?

Olivier Capelle : Au préalable, j’ai exercé différents postes opérationnels depuis mon entrée dans la gendarmerie en 2000. J’ai été commandant d’escadron de gendarmerie mobile en région parisienne et commandant de compagnie de gendarmerie départementale dans le Lot-et-Garonne. J’ai également servi dans l’administration centrale, notamment sur la rédaction des textes réglementaires du maintien de l’ordre, qui s’apparentent au nouveau schéma national du maintien de l’ordre. J’ai été chef des opérations dans la région Alsace, plus particulièrement en charge de la lutte contre le radicalisme religieux et des problématiques de terrorisme. J’ai suivi ensuite la scolarité de l’école de guerre, à l’école militaire de Paris. Et enfin, j’ai commandé un groupement de gendarmerie mobile à Dijon et participé à ce titre à toutes les opérations des Gilets jaunes, de Notre-Dame des Landes, plusieurs voyages officiels du président de la République et les G7 des ministres de l’Environnement et de l’Intérieur.

Concernant mon affectation, nous nous inscrivons dans un parcours ni plus ni moins d’orientation professionnelle, avec des desiderata que nous formulons par rapport aux postes qui se libèrent. Vu mon passé opérationnel et les besoins de commandement, notamment dans le domaine de l’ordre public à Mayotte, j’ai sollicité ce poste. Et la confiance du directeur général de la gendarmerie nationale et du commandant de la gendarmerie Outre-mer était placée sur ma candidature pour accéder à ce commandement. C’est à la fois un échange entre les vœux individuels et les besoins de l’institution.

FI : Quels sont la durée et les objectifs de votre mission ?

O. C. : J’arrive pour une affectation de trois ans, peut-être renouvelable d’une année, tout dépendra de la volonté de mon chef et du potentiel successeur qui viendrait sur le poste. En termes d’objectifs, je n’en ai pas reçu de chiffrés. La lettre de commandement que j’ai reçue porte davantage sur l’intégration de la gendarmerie dans un dispositif partenarial qui est quand même complexe et l’entretien d’un réseau qui est impératif. Et qui a pu être mis à mal par certaines affaires, certains dossiers ou certaines problématiques. Mon but aujourd’hui est de nous réinscrire dans toutes ces dynamiques et surtout les dynamiques territoriales.

FI : En presque deux mois de présence sur le territoire, vous avez déjà été confronté à des affrontements d’une rare violence entre bandes rivales de Combani et de Miréréni, comment avez-vous vécu cette première expérience ?

O. C. : Alors il y a eu un aspect de gestion opérationnelle. J’ai autour de moi des collaborateurs qui, sur le terrain, m’ont permis d’avoir systématiquement toutes les informations, tous les renseignements, tous les éléments d’appréciation pour prendre des décisions dans le but de séparer au mieux les communautés. Notre objectif était d’éviter d’avoir des blessés, voire peut-être même des morts, comme cela a pu être le cas entre les bandes rivales de Majicavo et Kawéni au début du mois d’août. Nous voulions impérativement empêcher cela et aussi que certaines infrastructures stratégiques, comme la station-essence, certains grands magasins, le RSMA, soient touchées par ces affrontements. Nous sommes également conscients que ces objectifs-là ne nous ont pas permis de tenir tout le terrain comme nous l’aurions souhaité et que cela a occasionné des dégâts assez importants sur des véhicules et des habitations. Mais à mon sens, sur la partie de la gestion tactique, nous avons surtout permis qu’il n’y ait pas de blessures trop vulnérantes entre les jeunes.

Après sur l’aspect de gestion communication et politique de l’événement, j’ai été frappé par la capacité de nos effectifs à mobiliser les élus, les associations et tous les représentants des deux communautés pour les mettre autour d’une table. Cela a été assez long ! Peut-être un peu trop à mon goût… Mais cela nous a permis de trouver une solution qui n’était pas une solution sécuritaire. Nous ne sommes qu’un des piliers de la réponse que l’État peut apporter aux problématiques de sécurité de l’île. Cela ne pourra pas s’inscrire dans la durée si derrière il n’y a pas une politique volontariste des élus, des associations, des représentants des communautés et des villages, des cadis, des foundis de certains quartiers, qui doivent à un moment se réunir et être en capacité de discuter et de négocier un vivre ensemble et un projet commun d’avenir pour l’île.

FI : Justement, en parlant des élus, vous étiez présent au séminaire des maires le 8 septembre à Chirongui. Cette rencontre a été une première prise de contact avec les municipalités. Quelles ont été leurs revendications à votre égard ?

O. C. : Je dirais qu’il y a un double besoin chez les élus. Ils ont un vrai besoin d’accompagnement sur des aspects très techniques de la gestion de la sécurité de leurs communes respectives. Cela passe certainement par une possibilité pour nous d’accompagner la formation de leurs policiers municipaux. De leur donner des outils pour avoir des diagnostics de sécurité pour de la vidéoprotection s’ils en installent. D’être en capacité de leur expliquer que certaines infrastructures immobilières ne sont pas forcément adaptées aux problématiques de sécurité et qu’il faut pouvoir occuper la jeunesse. Éviter des concentrations de population dans certains secteurs, notamment des lieux de résidence…

Puis, il y a un vrai besoin pour eux d’échanger, d’avoir des renseignements sur nos pratiques, nos services. Et nous en contrepartie d’avoir des informations sur des habitants qui sont bien identifiés, qui peuvent être localisés, qui leur posent des difficultés. Parce que sans cela, je n’arriverai pas à avancer ! Je ne pourrai pas présenter des dossiers au niveau des autorités judiciaires. Et alors, nous retomberons dans les travers que nous avons connus il y a quelques mois, où l’action globale de l’État est remise en cause par les citoyens car ils s’aperçoivent qu’il n’y a pas de cohérence. Ce manque de cohérence passe d’abord par une capacité d’échanger, dans de bonnes conditions, des informations et des renseignements dont j’ai besoin. À mon sens, les maires sont le pivot de la réussite pour assurer un développement du territoire en toute sécurité.

FI : Ce mardi s’est déroulée la réunion préparatoire des Assises de la sécurité qui vont se tenir les 9 et 10 octobre prochains. On a eu comme un sentiment de déjà-vu, comme si les autorités compétentes voulaient faire du neuf avec du vieux…

O. C. : J’ai la conviction que c’est une nécessité à partir du moment où il y a un appel populaire pour essayer de se mettre autour de la table et reposer certains problèmes. Pour autant, je pense que les Assises de la sécurité sont un cadre dans lequel le débat sur la sécurité doit s’inscrire. Mais si nous voulons aborder les choses de façon très pratico-pragmatique, les pactes de sécurité que nous sommes actuellement en train de développer avec six maires répondent à leurs problématiques locales ! Nous allons chez eux, ils nous exposent leurs problèmes, et nous parlons de détails, comme un carrefour de rue ou une petite place sur un point de regroupement de jeunes qui peuvent être un peu désœuvrés… Ce sont des choses très concrètes à leurs besoins quotidiens. Et là, nous pouvons véritablement agir, car nous pouvons leur apporter des réponses concrètes.

Quoiqu’il en soit, ici nous pratiquons une politique de petits pas, c’est-à-dire d’avancées concrètes au quotidien, qui doivent être visibles par la population. Cela ne peut pas uniquement se régler dans des hémicycles où le débat est à portée très générale.

FI : Alors comment réussir à sortir ces jeunes de l’oisiveté qui gangrène le territoire ? N’y a-t-il pas la possibilité de davantage mettre l’accent sur le RSMA pour leur offrir un cadre plus structuré ?

O. C. : Bien sûr, le RSMA peut être l’un des acteurs. Après, il ne peut pas tout faire à lui tout seul car ses capacités sont forcément contraintes. Mais oui effectivement, c’est l’une des réponses ! Comme je vous le disais, la réponse sécuritaire ne suffit pas en elle-même. Il faut derrière adosser un projet politique de développement des territoires, et cela peut passer par un acteur étatique, comme le RSMA, ou des vraies initiatives d’associations qui vont chercher à développer l’enseignement professionnel par la voie de l’apprentissage, par les contrats aidés. Il existe énormément de dispositifs, il faut faire preuve d’imagination et avoir le courage de s’inscrire dans ces démarches-là.

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