L’appel des syndicats à la mobilisation massive a trouvé un écho relativement faible chez les salariés du public et du privé. Alors même que le mouvement national était l’occasion de porter des revendications spécifiques et justifiées quant au droit du travail à Mayotte.
Clac ! Au son du déclencheur, les visages réjouis se tournent vers la caméra. Ça prend la pause, ça tire sur son drapeau rouge ou orange, ça alpague les camarades. “Viens, une photo pour le patron !”, rigole une bande de syndicalistes, avant de reprendre tranquillement sa marche autour du rond-point de la barge. L’ambiance est plutôt bon enfant mais derrière les blagues et les tapes dans le dos, les revendications sont sérieuses. “Il faut qu’on montre qu’on est là, qu’on ne lâche rien”, poursuit plus calmement Moussa*, un chauffeur de poids lourd qui défile derrière les bannières de la CGT.
Coïncidence cocasse, le petit cortège passe alors pour la troisième fois devant le panneau publicitaire Stop Insectes : “On leur en fait voir de toutes les couleurs !” En guise de couleurs, la manifestation du jour est certes plutôt servie, les bandeaux oranges de la CFDT flottant aux côtés des nuances rouges de la CGT et de Force Ouvrière. Une fois n’est pas coutume, les uns et les autres battaient le pavé ensemble, à l’appel de l’intersyndicale départementale (UD-FO, UI-CFDT, CGT-Ma et CFE-CGC) qui avait invité ce jeudi 17 septembre “tous les travailleurs de Mayotte à une journée de grève pour revendiquer l’égalité républicaine”. Un mouvement national qui était en effet l’occasion à Mayotte de porter des revendications locales, notamment sur l’alignement du code du Travail. “Disons tous non à ce système discriminatoire en nous mobilisant massivement pour des manifestations et grève générale interprofessionnelle”, écrivait ainsi le communiqué de l’intersyndicale.
Un SMIC toujours trop bas
Malheureusement, la mayonnaise n’aura pas pris. Du moins pas autant que les syndicats ne pouvaient l’espérer. Le “gros des troupes”, arrivé sur les coups de 9h place de la République, n’a pas excédé la centaine de personnes qui a d’abord écouté les discours des représentants syndicaux, avant d’entamer une marche vers le conseil départemental puis la préfecture. Principale revendication du jour : la convergence du SMIC net sur celui de la métropole. En effet, malgré l’application du code national du travail à Mayotte depuis le 1er janvier 2018, qui prévoyait notamment le passage du SMIG au SMIC, et une durée de travail hebdomadaire de 39 à 35 heures, le niveau du salaire minimum de croissance à Mayotte reste très en deçà du reste de la population : augmenté d’1,2% en janvier dernier à l’image du reste du pays, il n’atteint toujours que 7,56 euros bruts de l’heure contre 10,15 euros au national. Soit un montant de 1.161,77 euros brut mensuels pour un contrat aux 35h, contre 1.539,42 euros en France métropolitaine. Et avec le passage aux 35 heures, l’intersyndicale dénonce en plus une perte de 148 euros pour les salariés de Mayotte qui “ont toujours travaillé 39h”.
Les mêmes droits que tout le monde
Un constat que tous les salariés présents ce jour partagent. “Avant, je bossais à La Réunion. Je suis revenu ici et j’ai dû perdre presque 300 euros !”, grogne Ibrahim*, syndiqué à la CGT-Ma. “On travaille dans une société de distribution qui est aussi implantée à La Réunion. Là-bas, ils gagnent 10 euros de l’heure et nous seulement 7,56 euros, ce n’est pas normal”, témoignent quant à eux Ahmed et Ali. Même son de cloche chez leur homologue de la CFDT, agente de vente dans une entreprise d’audiovisuel. “En tant que Française, je ne comprends pas pourquoi en métropole ils ont un certain salaire et ici nous avons autre chose. Nous devons avoir les mêmes droits que tout le monde”, abonde la jeune femme, qui espère aussi pouvoir progresser dans sa carrière. Une évolution difficile quand tout est “centralisé à La Réunion”. “Là où je suis, je peux rester agente de vente jusqu’à ma retraite…”, souffle-t-elle à l’ombre du marché couvert.
C’est là que les plus vaillants attendent encore les représentants syndicaux, reçus à la préfecture dans la matinée pour faire entendre ces revendications. Il est bientôt midi, et ils ne sont déjà guère plus d’une cinquantaine. Mais ceux qui sont là ne se découragent pas. “Je suis la seule à être venue, je crois que mes collègues ont un peu peur. Mais moi je n’ai pas peur, c’est mon droit”, assure cette salariée du privé. Avant de lâcher, avec un petit haussement d’épaules : “Qui ne tente rien n’a rien !”
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