Alors que les écoles maternelles et primaires du territoire doivent adapter leur rentrée scolaire aux mesures sanitaires, la crise de l’eau renforce la difficile gestion quotidienne des établissements accueillant un public en bas âge. Face aux coupures annoncées par la préfecture le week-end dernier, le recteur, Gilles Halbout, assure que la vigilance est de mise pour éviter tout dysfonctionnement. De son côté, le SNUipp-FSU invite les enseignants à exercer leur droit de retrait.
Lundi, 6h30. Stéphanie* arrive dans son école située en Petite-Terre, quelques minutes seulement avant l’arrivée des élèves. Et là stupeur : plus d’eau dans les robinets. Passage obligatoire des enfants avant de se rendre en classe en cette période épidémique. « Avec d’autres collègues, nous avons convenu que ce n’était pas possible de les accueillir », lâche l’institutrice. Seul hic, l’inspectrice demande d’ouvrir « coûte que coûte ». Un échange et un contact « rudes » selon elle. « Elle n’a rien voulu entendre et n’a apporté aucune solution. Elle nous a dit d’écouter le directeur, qui n’est pas notre supérieur hiérarchique. » Trente minutes plus tard, plus de 300 frimousses déambulent dans la cour de récréation. Jusque 10h, heure de la remise en eau, impossible de boire, de se rendre aux toilettes et d’appliquer les mesures sanitaires. « C’est assez alarmant ce qu’il se passe », dénonce la jeune femme. Preuve en est avec ce garçon de 10 ans qui a connu un incident malencontreux. Ou plutôt une « humiliation » comme le décrit Stéphanie. Après cet événement fâcheux, « c’est sûr qu’il ne reviendra pas dans les jours qui suivent ». Et l’enseignante va encore plus loin sur les risques encourus : « Nous demandons aux élèves de se retenir, mais c’est pareil pour les profs. C’est bête à dire mais une cystite arrive comme cela… »
Les coupures annoncées vs les coupures intempestives
Alors qu’une crise de l’eau guette l’ensemble du territoire, l’instauration de coupures nocturnes, à raison d’une fois par semaine et par secteur, depuis ce lundi n’arrange pas la situation. Face à ce constat, Gilles Halbout dévoile la stratégie mise en place par le rectorat. S’agissant d’une coupure intempestive, la marche à suivre est claire comme de l’eau de roche. « Nous contactons Vinci, via sa filiale la SMAE, et nous faisons un point pour savoir si c’est ponctuel ou plus grave. S’il n’y a pas de retour dans l’heure, nous préparons l’évacuation des élèves lors de la récréation suivante. » Par contre, dans le cadre des restrictions annoncées il y a quelques jours, le plan s’avère moins fluide. Première information : pour 85% des établissements scolaires du premier degré, l’arrêt de la distribution doit se faire le week-end pour éviter les déconvenues. Quid alors des 15% restants ? « Nous avons demandé que cela concerne des écoles qui ne sont pas en rotation et que les coupures se déroulent lors des demi-journées de cours pour adopter un rythme différent. Nous allons faire du cas par cas. » Si sur le papier, la stratégie semble rouler, sur le terrain, elle en est encore à ses balbutiements. « Évidemment, il y aura sûrement des trous dans la raquette mais nous réagirons de manière réactive, comme nous le faisons toujours. Nous avons essayé d’appréhender et de travailler en amont. Mais le réseau d’adduction d’eau à Mayotte révélera sûrement des surprises », prévient le recteur. Au total, sur les 188 écoles de l’île aux parfums, environ 25 risquent de connaître quelques désagréments… Seule certitude ? « Si c’est une coupure prévue, nous accueillons les enfants. »
Pas d’eau, pas d’école !
Un discours que le secrétaire départemental du SNUipp-FSU, Rivomalala Rakotondravelo, prend avec des pincettes. Le syndicaliste se montre tout simplement catégorique sur la question. « Quand il n’y a pas d’eau, les écoles doivent fermer. C’est un problème sanitaire majeur. Le lavage obligatoire des mains par exemple est une recommandation ministérielle. En clair, il nous demande de ne pas la respecter », s’interroge le directeur d’école, qui pointe également du doigt la problématique de la désinfection des établissements scolaires durant les coupures. Un faux débat pour Gilles Halbout : « Nous anticipons les nettoyages la veille et nous faisons quelques provisions pour faire tourner les toilettes. Et nous avons du gel hydroalcoolique. » Mais pas en quantité suffisante à entendre Stéphanie, qui s’est vue remettre une simple « petite bouteille ». Pas de doute, l’adaptation est le mot d’ordre. Mais jusqu’à quand ? « Nous allons adresser un courrier au syndicat et à l’inspection de la circonscription pour demander des moyens supplémentaires », confie l’enseignante, qui se met à la place des parents. « Je n’aimerais pas que mon enfant subisse tout cela à l’école. » Pour celui qui se fait surnommer Rivo, des mesures drastiques s’imposent. Il invite tout simplement ses collègues à « exercer leur droit de retrait ». « Qu’on arrête de jouer avec la santé des gens ! » Sera-t-il entendu ? Réponse dans les prochains jours…
*nom d’emprunt
Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.