{xtypo_dropacap}E{/xtypo_dropcap}n guise d'introduction à cette AG, l'annonce des chiffres de l'exercice 2008 par le commissaire aux comptes. Et la conclusion est accablante: le comité est placé depuis le 11 septembre sous procédure d'alerte comptable. Il lui reste une semaine pour présenter un plan de redressement, qui devra être validé par le commissaire aux comptes. Faute de quoi celui-ci devra trancher dans les dépenses avec le conseil d'administration ou engager une procédure de liquidation s'il n'y a pas d'alternative. Ce dernier a plus que suggéré de n'engager aucune dépense tant que la procédure ne serait pas close, et d'établir leur ordre de priorité dans le plan de redressement. En attendant, "nous conseillons vivement de bloquer la participation aux différents salons". Mais la situation se révèle alors progressivement plus grave, au fur et à mesure que les adhérents la découvrent.
La présentation du bilan 2008 fait apparaître que la masse salariale a très fortement augmenté, passant de 600.000 € en 2007 à 730.000 € en 2008, avec l'embauche de 3 gardiens, 2 femmes de ménage et 2 personnes à l'accueil notamment. Et dans le même temps, les "emprunts, dettes" et surtout autres découverts en banque passaient de 46.000 € en 2007 à… 236.000 € !
De réels problèmes de gestion étaient ainsi mis à jour. Et les problèmes ont continué à s'accumuler sans aucune réaction. Pour 2009, la demande de 1,9 M€ de subvention, basée sur le prévisionnel proposé par le CDTM, a été refusée par le CG, qui avait pourtant annoncé et continue de crier sur les toits l'importance du tourisme. En raison de la crise, il a été décidé par les conseillers généraux d'attribuer 500.000 € de moins à la structure; soit, c'est une décision politique respectable. Mais au lieu de le prendre en compte, de réduire les coûts, trancher dans les opérations, les dépenses ont continué, comme si de rien était.
Aller à Colmar malgré le redressement
Là-dessus, le conseil général demande au CDTM d'organiser la participation de Mayotte au Salon de Colmar, pour un coût de 300.000 €, mais sans verser la somme, ni même la voter. Ce salon, auquel Mayotte avait participé durant une dizaine d'années avant d'estimer depuis 6 ans que cela ne représentait pas un grand intérêt pour l'île, avec ses 30.000 visiteurs, accueille cette année le futur département en invité d'honneur (donneur), à la suite du Brésil l'an dernier. Et il faut payer. Le coût pour les 1.200 m2 du stand est élevé pour une petite île qui n'a pas beaucoup de touristes. Faute de trésorerie et à un mois de l'évènement, le bureau du CDTM, sans le président Chanfi, vote la semaine passée en refusant d'assumer le financement de cette participation, tout ne restant à la disposition du CG pour l'organisation concrète.
Le commissaire aux comptes "conseille vivement" de ne pas y participer. L'AG de ce mardi y est très défavorable dans la mesure où cela mettrait en difficulté le CDTM. Mais le président Chanfi reconnait, lors de l'AG ce mardi, que déjà 30.000 € ont été avancés sur la maigre trésorerie du CDTM, mettant en péril le versement des salaires du personnel, qui a alors pris la parole par la voix de ses deux délégués, très inquiets.
Trouver 300.000 € en urgence, malgré la crise
Pour le président Chanfi, qu'importe : quand il n'y en a plus, il y en a encore ! S'il est apparu, face à une fronde généralisée, isolé, parfois hagard et souvent complètement dépassé, son obsession affichée de se rendre au Salon international du tourisme et des voyages de Colmar, (entre 250.000 et 300.000€), alors que le comité n'en a absolument pas les moyens, sauf à risquer sa survie, l'a toutefois emporté.
Et si elle n'a pas enlevé l'enthousiasme des adhérents, sa décision a au moins ravi de nombreuses "mamas", venues soutenir le 2ème vice-président du CG, et à qui, selon certaines sources, on aurait promis d'être du voyage… Elles ne comprenaient pas pourquoi les socio-professionnels et adhérents étaient "contre Colmar", alors qu'elles se préparaient pour la plupart à effectuer là leur premier voyage "en France". Une cinquantaine de personnes devraient ainsi faire partie du voyage. Quoi qu'il en soit, le doute n'est plus permis : Mayotte doit aller à Colmar, c'est une décision politique ! Il ne reste plus qu'à trouver l'argent…
L'île au lagon sacrifie le Salon de la plongée
Dans une ambiance déjà particulièrement chaude, le président semblait apparemment largement dépassé par les évènements, incapable d'esquisser les grandes lignes du plan de redressement, malgré les demandes insistantes des dizaines de membres du CDTM et du personnel présents. Alors que le bateau coule, tout le monde se tournait vers le président Chanfi, mais il n'y avait nulle part où s'accrocher…
Des responsables de clubs de plongée se sont alors vivement émus d'avoir reçu un mail dans la semaine leur annonçant l'annulation de la participation de Mayotte au Salon de la plongée, dont le coût ne s'élève "qu'à" 27.000€. Faute de trésorerie et surtout en raison de la procédure de redressement engagée, il n'y a pas moyen de payer la moitié du coût de la réservation et de confirmer la participation de Mayotte dans le courant de la semaine, comme les organisateurs le réclamaient.
"Mais à quoi vous servez ? Le seul salon dont on peut quantifier les retours positifs pour tous les professionnels depuis des années, vous l'annulez !", lâche fatigué Yannick Stéphan, directeur de Mayotte Découverte, énervé comme ses confrères, à l'image de Niels de Sea Blue Safari. En effet, aucun professionnel mahorais ne se rendra au Salon de la plongée, auquel Mayotte participait pourtant depuis des années et où les îles sont à l'honneur cette année, lui qui draine pourtant à Mayotte la plupart de ses touristes.
"Pour beaucoup d'entre nous, clubs de plongée, gîtes, restaurants, artisans,… ces clients c'est 35% de notre chiffre d'affaires annuel. Ne me dites pas que l'on peut faire Colmar à 300.000€ et pas le Salon de la plongée à 27.000€, dont on connaît en plus les effets bénéfiques pour nous tous", se désole la directrice du club de plongée Abalone.
La modification des statuts rejetée
Et en fin de séance, l'incohérence a atteint des sommets : malgré une situation financière catastrophique et le frisson de la honte qui a du le parcourir tout a long de l'AG, le président du comité soumet au vote des adhérents une modification des statuts de l'association, prévoyant une forme de rémunération de la présidence et de la vice-présidence. Les adhérents explosent. M. Galmiche, chargé du développement touristique à la préfecture se lève et rappelle que ceci peut s'apparenter à une "prise illégale d'intérêt, condamnée pénalement selon l'article L432-13 du Code pénal". Alors que la cessation de paiement n'est pas loin, que le bateau du tourisme coule, d'autres parlent de manque "d'honneur" et d'absence de "respect des adhérents et des salariés".
Finalement, le nouveau statut est rejeté à une large majorité, et des voix se sont élevées dans la salle pour proposer un nouveau mode de gouvernance : "Puisque les élus ne pensent qu'a embaucher pour être réélus, pourquoi ne pas placer à la présidence du comité un professionnel uniquement intéressé par le développement du tourisme, si c'est ce que veut vraiment le conseil général ?", a suggéré un adhérent.
En attendant, le tourisme reste sinistré, balbutiant, embryonnaire. Et peut-être qu'en rentrant de Colmar, il faudra liquider le comité du tourisme, comme le Cnam avant lui.
FM & LC
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