À Chirongui, on “bricole” comme on peut pour faire face au coronavirus

La mairie de Chirongui continue tant bien que mal d’assurer ses missions de service public. Ses agents mobilisés sillonnent les routes pour aider et sensibiliser la population. Et pour leur garantir un minimum de protection, en pleine pénurie de masques, la DGS a même fait appel aux services d’une couturière du coin.

C’est calme, ce vendredi après-midi, à Chirongui. Il n’y a (presque) pas un chat dans les rues. Ici, trois ou quatre jeunes sont assis sur un trottoir à l’ombre, en train de réparer un vélo. Là, des poules caquettent en trémoussant leurs plumes devant les maisonnées endormies. Mais c’est sans compter la chansonnette entêtante et reconnaissable qui précède l’arrivée du Duster de la police municipale. Munie d’un mégaphone, la brigade de l’après-midi sillonne les ruelles en répétant le même message : “Alerte coronavirus. Pour se protéger et protéger les autres, respectez les gestes barrières”. Quelques secondes plus tard, la voiture apparaît dans le tournant, fait fuir les poules et s’arrête juste devant la petite bande de jeunes. S’ensuit alors une discussion tranquille : les agents cherchent ici à sensibiliser la population sur la lutte contre la propagation du Corovanirus, davantage qu’à verbaliser. Après une rapide vérification de l’autorisation de déplacements dérogatoire, les badauds qu’ils croisent sont tous invités à rentrer chez eux.

“Nous sommes habilités à verbaliser si les gens ne présentent pas leur attestation, mais nous laissons plutôt la gendarmerie s’en occuper. Nous pouvons ainsi nous concentrer davantage sur notre rôle d’agents de proximité, à savoir avertir, alerter, informer”, explique Laoumi, le responsable adjoint du pôle sécurité de Chirongui. Pour y parvenir, la mairie a donc mis en place ces brigades tournantes, et tous les jours, une équipe parcourt les différents villages avec ce mégaphone, qui énonce le même message en trois langues différentes. “Ici, c’est un quartier à majorité malgache, donc on met le message dans leur langue ; ensuite nous allons aller dans un quartier avec beaucoup de mzoungous, donc le message sera en français”, développe Laoumi. Mais là où ce dispositif est sans doute le plus utile, c’est vers le village de Mramadoudou un peu plus au nord. Là-bas vit une forte densité de population étrangère, pauvre et éloignée des circuits de diffusion de l’information. “Souvent ils n’ont pas d’adresse, et vivent au jour le jour pour aller s’acheter à manger, donc verbaliser n’est pas forcément la solution”, décrit le responsable de la brigade. “On essaie alors surtout de leur faire passer le message, de limiter les sorties à deux jours par semaine”. Une action qui se double aussi d’un contact régulier avec les mosquées, invitées à rappeler les consignes après la prière.

“Au niveau de la protection, nous sommes en manque de tout”

Dans les quartiers à majorité malgache ou métropolitaine, en tout cas, leur action semble porter ses fruits. Les passants se font rares, et la plupart retournent vite d’où ils viennent une fois s’être entretenu avec les policiers. Tant qu’ils le peuvent, les trois fonctionnaires restent quant à eux dans la voiture, pour respecter au maximum les règles de distanciation sociale. Et quand ils sortent, ils veillent à respecter le mètre de distance. Car ils ne sont pas spécialement équipés contre les risques de transmission du virus. Le peu de matériel qu’ils ont s’est réduit à peau de chagrin depuis le début du confinement. “Il doit nous rester deux

boites de gants et trois gels hyrdoalcooliques, et nous n’avons pas de masque depuis le début. Clairement au niveau de la protection, nous sommes en manque de tout”, atteste le chef de la brigade.

Pourtant ce n’est pas faute d’avoir demandé. La mairie n’a eu de cesse d’interpeler les services de l’Etat, rappelle la Directrice générale des services, Cécile Hammerer. Dans un courrier du jeudi 26 mars adressé au préfet, elle a d’ailleurs réitéré cette demande : “nos agents étant tous les jours en contact direct avec la population, nous manquons de moyens de protection et notamment de masques, gants et gels hydroalcooliques. L’ARS réservant ses stocks aux soignants, je vous serai reconnaissante de bien vouloir solliciter auprès de l’Etat central, des moyens de protection pour les équipes qui accomplissent des missions essentielles au fonctionnement de la Nation”. Car il est hors de question de ne pas assurer la continuité du service public. En tout, 80 agents sont encore mobilisés sur le terrain, pour la collecte des déchets, la sécurité, l’aide à domicile, l’aide sociale d’urgence…

La couturière a travaillé sans relâche

Pour l’instant, malheureusement, son appel est resté lettre morte. Alors, on fait comme on peut. Plus de gel hydroalcoolique ? La mairie fournit à ses agents de l’eau, du savon, ou de l’alcool à 70 degrés. Les écoles sont fermées ? Ils impriment 900 copies à distribuer aux enfants. Et pour les masques, là encore, Cécile Hammerer a dû “bricoler”. Une chance, elle connaît justement une couturière, la même qui avait déjà travaillé avec la mairie de Chirongui pour fabriquer les rideaux du Pôle culturel. “Je l’ai mise en contact avec ma soeur, elle-même couturière à la Réunion, et toutes les trois, nous avons planché sur des patrons fournis par le CHU de Grenoble”, raconte la DGS. La commande de cent masques, passée il y a moins d’une semaine, doit permettre de protéger ses agents, en première ligne face au coronavirus. Les masques sont équipés d’une poche intérieure, dans laquelle ils pourront glisser des lingettes anti-poussières à renouveler toutes les trois heures. Cinquante sont déjà arrivés. “Dès lundi, on devrait avoir les nôtres”, sourit Laoumi, visiblement soulagé.

Car à quelques kilomètres de là, Antuia ne chôme pas. Cette éducatrice dans une association double ses journées de travail depuis une semaine. Après sa première journée en télétravail, qui s’étale de 7h à 15h, la jeune femme rejoint son atelier, une pièce attenante à la maison dans laquelle elle vit avec son époux. C’est ici, au milieu des tissus en wax africains et à quelques mètres du ressac paisible de la baie de Bouéni, que la jeune femme a travaillé sans relâche de jour comme de nuit pour finir les cent masques commandés. “J’en ai encore mal à la main !”, souffle la belle couturière, apprêtée dans ses créations. Chaque masque représente environ trente minutes de travail, ce à quoi il faut rajouter le temps de réflexion pour le choix du patron, et les retouches. “À la base, on avait choisi des attaches en élastique, mais ça ne tenait pas bien au visage, donc j’ai dû les refaire en coton”, raconte-t-elle. Elle vient juste de finir les cinquante masques restants, qu’elle a roulés et empaquetés dans un sac en attendant le coursier de la mairie. Roses, vertes, orange, ses confections aux couleurs chatoyantes orneront donc bientôt les visages de Laoumi et de ses hommes.

 

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