À l’annonce du confinement, le président de la République demandait aux enseignants qui le souhaitent d’accueillir les enfants du personnel soignant dans les écoles publiques, contre rémunération, afin de maintenir les effectifs hospitaliers au plus haut niveau. Deux semaines après l’activation de ce dispositif, Gilles Halbout, recteur de Mayotte, en dresse les contours sur son application locale.
Flash Infos : Comment s’organise le dispositif à Mayotte ?
Gilles Halbout : On accueille actuellement une quinzaine d’enfants dans deux écoles primaires, celle de Cavani et l’école annexe de Mamoudzou. Au départ, quatre établissements avaient été ouverts, ce qui n’était finalement pas nécessaire au vu du nombre d’élèves accueillis. Mais ce nombre augmente vite : jeudi, 18 élèves ont été accueillis, et nous en attendons six à huit de plus d’ici lundi. En conséquence, nous allons ouvrir le collège de Dembéni et les écoles de Labattoir et de Majicavo Lamir dès la semaine prochaine. Les primaires pourront parfaitement être accueillis en collège, et inversement. Nous nous fixons une limite de 10 élèves par établissement afin de pouvoir respecter les gestes barrières. Concernant le nombre d’enseignants mobilisés, cela peut varier d’un jour à l’autre selon les disponibilités de chacun. En moyenne, cinq ou six professeurs interviennent en ce moment, ce qui représente un petit nombre d’élèves pour chaque encadrant ! Depuis le début du dispositif, une dizaine d’enseignants se sont mobilisés à tour de rôle, essentiellement des professeurs des écoles. Mais cela s’adresse à tous les enseignants, ainsi qu’aux professionnels du monde associatif pourvus d’un BAFA, surtout pour proposer des activités durant les week-ends, puisque le dispositif fonctionne 7j/7 et s’adresse surtout aux élèves de primaire et du “petit” collège, puisqu’on estime qu’aux lycées, les jeunes sont en mesure de rester seuls à la maison.
FI : Le nombre d’enfants accueillis paraît très bas comparativement au nombre de personnels hospitaliers sur l’île…
G. H. : Cela s’adresse aux familles qui ne peuvent pas faire autrement. Donc si les deux parents ne sont pas soignants ou ne travaillent pas dans les forces de l’ordre – le dispositif leur ayant été étendu, ndlr –, ça ne marche pas. Aussi, certaines personnes se sont organisées avec le voisinage ou des nounous auxquelles elles faisaient déjà appel. Mais en métropole, le dispositif accueille de plus en plus d’élèves puisque le personnel de santé et les forces de l’ordre sont de plus en plus mobilisés avec la montée en puissance du Covid-19, et c’est ce que nous attentons aussi ici. Nous pouvons d’ailleurs déjà commencer à l’observer.
FI : Les enfants accueillis suivent des cours à la façon d’une classe mixte. N’est-ce pas injuste et désavantageux pour les autres élèves, contraints d’étudier à domicile, alors que certains n’ont pas le matériel ou l’aide nécessaires ?
G. H. : C’est complètement injuste, je le reconnais et c’est assumé par le président de la République. En revanche, ce qui est juste, c’est que les personnels de santé aient droit à des conditions particulières, vu le contexte. D’ailleurs, ces mêmes professionnels sont plus touchés que les autres par l’épidémie, et on peut aussi considérer que leurs enfants voient moins leurs parents que les autres. C’est la solidarité de la nation qui prime. D’ailleurs, les enfants accueillis (à Mayotte, ndlr) sont quasiment tous dans des écoles privées en temps normal, mais on ne peut pas les refuser pour ça. L’école est une mission de service public, pour tous, et la priorité c’est d’aider les familles de soignants.
FI : Il a été demandé à tous les enseignants de rester mobilisés quotidiennement pour préparer leurs cours et les transmettre régulièrement aux élèves. Leur demander d’accueillir des enfants en sus de leur télétravail ne risque-t-il pas d’être contre-productif ?
G. H. : C’est un dispositif qui repose sur la base du volontariat : si quelqu’un peut donner une journée, il le fait. Et en ce moment, on doit compter sur la bonne volonté de chacun, c’est la bienveillance qui prime et c’est une volonté du président que de décharger au maximum les professionnels de santé. Mais cela permet aussi d’assurer le suivi des élèves. En tous cas, nous n’avons pour l’instant aucun souci concernant les bonnes volontés mobilisées. Je suis d’ailleurs assailli de mails d’enseignants qui veulent participer aux distributions alimentaires dans les établissements, et j’observe beaucoup de solidarité entre les professeurs et les élèves.
FI : Une solidarité tout de même rémunérée 50 euros par jour et jusqu’à 100 en week-end…
G. H. : Cette rémunération a été cadrée par l’État, nous ne pouvions pas aller à l’encontre de la mesure nationale ou passer la rémunération sous silence : si nous l’avions fait, cela aurait été un délit d’initié. Mais nous avions déjà beaucoup de volontaires qui s’étaient mobilisés avant même que le dispositif ne soit annoncé. Et d’un autre côté, est-ce que beaucoup d’enseignants changeraient d’avis pour 50 euros ? Je n’en suis pas sûr
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