Le numéro mis en place par le CHM avait pour but de décharger les numéros d’urgence, envahis d’appels de personnes angoissées par le confinement et la propagation du coronavirus. Mais les professionnels se retrouvent aussi face à des situations de détresse d’un autre genre et doivent réorienter les familles vers les solutions de distribution alimentaire.
Avec le confinement, il y a le risque de burn-out, des troubles du sommeil, du stress lié une actualité anxiogène qui défile sur les réseaux sociaux, écrans de télévision et postes radios. Et à Mayotte, il y a aussi l’angoisse du manque de nourriture. À la cellule d’écoute psychologique mise en place depuis le 30 mars au CHM, ils sont plusieurs psychologues, psychiatres ou traducteurs à avoir reçu ce genre d’appels. “Nous répondons ces derniers jours à des gens en difficulté sur ces questions alimentaires, car le confinement les a brutalement privés de revenus”, explique Elodie Bérenguer, psychiatre au centre médico-psychologique (CMP) et coordinatrice de la cellule d’écoute.
Même constat pour sa collègue Charlotte Placier, psychologue, qui est d’astreinte sur la ligne ce jeudi 9 avril au matin. “C’est peut-être la particularité à Mayotte, nous avons de plus en plus d’appels à ce sujet, et on sent une vraie inquiétude des gens par rapport à la demande de nourriture.” Quand ils y sont confrontés, les professionnels à l’écoute tentent alors d’orienter ces personnes, soumises à un stress supplémentaire, vers les institutions qui peuvent les prendre en charge. “Nous ne pouvons pas organiser nous-mêmes d’aide alimentaire, mais nous essayons de les mettre en lien avec les CCAS et les mairies, car des distributions commencent à être organisées sur le territoire”, développe Elodie Bérenguer.
Des familles qui passent sous les radars
Mais ces dispositifs, qui sont en effet en train de se déployer, en sont encore à leurs balbutiements. En attestent les légers couacs qui ont émaillé la distribution alimentaire des collations de la PARS la semaine dernière : jeudi soir, la préfecture a dû annuler son opération de distribution de “sachets collégiens”, refourguée dans l’urgence aux communes, par crainte de débordements. Depuis, c’est aux centres communaux d’action sociale (CCAS) et aux mairies que revient la lourde tâche d’assurer l’aide alimentaire pour les ménages les plus démunis, sous forme de bons ou de distributions. Problème : certaines personnes peuvent encore passer sous leurs radars. “Nous avons dès le début averti les CCAS sur ces populations qui d’habitude ne bénéficient d’aucune aide et ne figurent donc pas dans leurs listes”, précise Enrafati Djihadi, la directrice de l’Union départementale des associations familiales (UDAF).
Si l’organisme qui défend les intérêts des familles ne constate pas, à ce stade, de troubles psychologiques provoqués par le confinement, la question alimentaire, elle, arrive aussi souvent jusqu’à leurs oreilles. Et elle constitue en elle-même une source de stress importante pour les familles. “Au stress de l’isolement, s’ajoute celui de savoir comment ils vont pouvoir subvenir à leurs besoins”, explique la responsable de l’UDAF. Et le ramadan qui approche n’est pas pour les rassurer non plus. L’interruption brutale de l’économie informelle joue un rôle prépondérant dans cette situation. “On a beaucoup de familles monoparentales avec des petits boulots, qui désormais ne travaillent pas, et sont sans ressources”, poursuit Enrafati Djihadi. “Avant, ils prenaient 50 euros sur le RSA d’un de leurs proches bénéficiaires d’aides, et les utilisaient pour cuisiner des petits gâteaux qu’ils vendaient sur le bord de la route. Aujourd’hui l’aide sociale d’un seul membre est devenue la seule ressource pour tout le foyer”. Confinées chez elles, avec leurs enfants qui, eux non plus, ne vont plus à l’école, ces familles ne savent désormais pas comment “elles vont pouvoir aller jusqu’au bout”, conclut la directrice.
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