La Mahoraise, tenante du titre de championne de France en salle sur 60 mètres (2019), vit plutôt bien son confinement, enfermée dans son 52m2 à Talence, près de Bordeaux. Celle qui est aussi coach sportive a très vite su adapter sa routine, entre vidéos sur le web, entraînements et lectures.
Il est 10 heures, ou plutôt 11 heures, Nasrane Bacar ne sait plus très bien. En ces jours de confinement, les matinées s’étirent et pourtant, la jeune femme ne voit pas le temps passer. Car ses journées sont réglées comme du papier à musique. Petit-déjeuner et rangement pour bien commencer, puis coaching en visioconférence et entraînement personnel. Vient l’heure du déjeuner, et, après une bonne douche, l’athlète file devant son ordinateur, où elle travaille pendant deux heures à développer son activité sur le web.
Car la Mahoraise originaire de Bandrelé ne se contente plus, depuis déjà quelques mois, de sa passion pour les sprints. En janvier, elle s’est lancée à son compte, pour donner des cours de sport à des clients, souvent des chefs d’entreprise. Mais alors que Nasrane Bacar commence tout juste à se constituer un petit réseau de clients fidèles, l’annonce du confinement vient mettre un coup d’arrêt au lancement de son activité. “Résultat, cela faisait donc deux trois semaines que j’étais sans travail”, raconte-t-elle. Mais pas question de se démoraliser. La sprinteuse a proposé à certains clients de poursuivre leur entraînement en visioconférence. Et elle a aussi relancé une page Facebook, sur laquelle elle poste désormais régulièrement des vidéos “Sport et confinement”. “Au début, c’était juste comme ça, pour partager quelques exercices, montrer ce que je fais et me faire un peu de pub”, témoigne la sportive. Aujourd’hui elle espère aussi séduire une autre clientèle, notamment ceux qui la suivent depuis Mayotte, en proposant des programmes à des prix plus abordables.
Aider les gens à garder le moral
Mais ce n’est pas tout. Contactée par la délégation de Mayotte à Paris, Nasrane Bacar a aussi accepté de participer bénévolement à leur action “Sport Santé – Convivialité”, aux côtés de Bavou Mohamadi Loutoufi, entraîneur et préparateur physique, et ancien handballeur professionnel, lui originaire de Tsingoni. Cette opération doit permettre de lutter contre le risque d’isolement, d’exclusion sociale et l’expérience du confinement en Hexagone qui “peuvent constituer un véritable déchirement pour nos concitoyens exposés à ces maux”, peut-on lire dans la description de l’événement Facebook de la délégation. “Là, il s’agira de vraies séances complètes, avec plus d’explications que sur mes vidéos personnelles. C’est une façon d’aider les gens à garder le moral”, résume Nasrane Bacar. L’athlète proposera désormais ces séances gratuites tous les lundis à 15h. Et une activité de plus dans un agenda de confinement déjà bien fourni !
Tellement fourni, que lorsque la jeune femme relève enfin les yeux vers la fenêtre de son appartement à Talence, le jour décline déjà. “Le temps de faire tout ça, et il est 21h, 22h”, décrit-elle. Une fois tous ses objectifs remplis, la coach s’accorde alors un peu de répit, en lisant quelques pages d’un livre. Ces temps-ci, c’est Les rêves de mon père, l’autobiographie signée par l’ancien président des États-Unis Barack Obama. Juste avant, Nasrane s’était plongée dans Devenir, de Michelle Obama. “On m’avait dit que c’était une femme inspirante qui avait beaucoup porté le destin de Barack Obama, donc je voulais en savoir plus. Mais à ce stade de ma lecture, je trouve que cette vision déforme un peu la réalité, et je préfère bien plus Les rêves de mon père”, analyse-t-elle.
Tirer profit du confinement
Avec tout ça, Nasrane Bacar n’oublie cependant pas sa carrière d’athlète, stoppée en plein vol par la pandémie. En gardant la même rigueur dans ses entraînements personnels, elle sait qu’elle ne perdra pas en performance : “j’ai continué mes programmes comme si ça allait reprendre, j’ai du matériel de sport chez moi et je peux aller courir autour du pâté de maisons.” Pour elle, le confinement est aussi synonyme de récupération. “Je sortais d’une grosse saison hivernale, donc je prends ces quelques semaines comme l’occasion de récupérer, de reposer mon mental et mon organisme”, se satisfait-elle. Sa prochaine compétition ? Les interclubs, qui devaient se tenir début mai. Puis les championnats d’Europe d’athlétisme, qui doivent toujours, en théorie, avoir lieu du 25 au 30 août 2020 à Paris, mais qui peuvent eux aussi être annulés d’un instant à l’autre. Pour autant, l’athlète préfère “ne pas se prendre la tête”. La championne du 60 mètres en salle sait voir le verre à moitié plein. Même pour les Jeux Olympiques de Tokyo, reportés à 2021, et auxquels elle espérait briller cette année en rejoignant le collectif relais du 4 fois 100 mètres. “En réalité, j’avais peu de chances d’atteindre cet objectif-là, car ils se réfèrent aux résultats de l’année précédente. Donc ce report, ça me donne d’autant plus de chances de réussir à rejoindre le collectif”, se réjouit-elle.
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