Alors que son grand-père a été contaminé au Covid-19, puis placé en réanimation en fin de semaine dernière, Ahmed* regrette que les autorités sanitaires n’aient pas dépisté les cas contacts. Il redoute que plusieurs membres de sa famille soient testés positifs dans les prochains jours.
“Mon grand-père n’arrivait plus à respirer, donc nous avons appelé le 15 pour venir le chercher. Au début, nous pensions que c’était la dengue… Il a été admis au CHM en fin de semaine dernière où il a été testé positif au Covid-19 avant d’être placé sous surveillance.” Au bout du fil, Ahmed, son petit-fils, retrace péniblement cet épisode douloureux. “Le lendemain, son état s’est dégradé. Et il a été transféré en réanimation sous assistance respiratoire.” Une véritable onde de choc s’abat alors sur l’ensemble de la famille. “Même si c’est une personne très fatiguée qui a besoin d’assistance pour manger et faire sa toilette, il marchait tous les jours entre son domicile et le mien. À plus de 70 ans, il n’avait jamais été hospitalisé”, relate-t-il. Alors que le chagrin le gagne, l’incompréhension prend rapidement le dessus. En cause : l’absence de dépistage des cas contacts du bacoco, tels que sa femme et ses enfants, qui se relayaient pour prendre régulièrement de ses nouvelles. “On nous a dit de rester confinés, en attendant de développer des symptômes. J’ai été révolté par la réponse apportée, je trouve cela aberrant.” Pourtant, cette réponse est identique pour tous depuis plus d’un mois maintenant. À savoir la mise en quatorzaine au domicile et le respect strict des consignes. Pas franchement convaincu, il décide ce lundi matin d’appeler le numéro vert de l’agence régionale de santé ainsi que le centre hospitalier de Mayotte pour recueillir de plus amples informations. Le premier échange ne lui donne pas satisfaction. À la différence du second qui lui apporte quelques précisions. “Le médecin m’a certifié qu’il n’y avait pas d’inquiétude particulière à avoir et m’a dit qu’on allait nous appeler tous les jours.” Relativement rassuré par les explications du professionnel de santé, Ahmed pointe tout de même du doigt certaines ambivalences, malgré l’annonce du Premier ministre de procéder à des tests massifs. “Va-t-on nous laisser tomber malade pour réagir”, s’interroge-t-il, désemparé par cet immobilisme. Avant de reprendre quelque peu ses esprits : “C’est comme ça que ça se passe, car les moyens actuels ne permettent pas de faire autrement.”
Inquiet pour les membres de sa famille, Ahmed craint un effet boule de neige. “On ne sait pas qui est potentiellement atteint. On prie Dieu que ce soit négatif. On a des pathologies chroniques, comme l’asthme.” C’est la raison pour laquelle il ne sort de chez lui qu’en cas de nécessité, pour aller faire des courses par exemple. Lui-même est en arrêt de travail sur conseil de son médecin pour éviter de s’exposer sur son lieu de travail. Surveillant pénitencier, il rapporte un cas de Covid-19 dans la maison civile de Majicavo, après qu’un détenu ait obtenu une permission pour aller voter au premier tour des élections municipales. “Je faisais en sorte de me doucher et de me changer là-bas pour ne pas prendre de risque avec ma femme et mes trois enfants”, souligne-t-il. Aujourd’hui, il redoute une explosion du nombre de cas. “Les habitants sont en train de banaliser la situation alors que ça peut rapidement tourner au vinaigre. Tout le monde sort…” Une mise en garde qu’il répète inlassablement. Car pour lui, c’est le non-respect du confinement, qui explique la contamination de son grand-père. “Les anciens ont du mal à rester chez eux”, conclut-il, visiblement attaché à ce que l’erreur ne se reproduise pas deux fois.
* le prénom a été modifié
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