Pour son premier jour, difficile de dire que le petit marché de Kawéni qui a vu le jour dans cette période de ramadan a fait le plein. Si la pluie a certes joué les troubles-fêtes, force est de constater que la population ne s’est pas déplacée place du Sénat. Alors que partout autour, le quartier grouille de vie.
Comme une île. Alors que Kawéni a retrouvé l’activité qui la caractérise, en témoignent les embouteillages et des rues pleines de passants, le marché qui s’est dressé place du Sénat, au bout de la rue de la Poste, a de quoi dénoter. Car là où on espérait que les consommateurs se pressent – dans le respect des gestes barrières – il semble bien que la placette soit désertée en ce mardi matin. Banderoles, barrières métalliques, police municipale et société de sécurité et bien sûr masques sont pourtant là pour accueillir en ce mois de ramadan les familles afin qu’elles puissent se fournir en fruits et légumes locaux en minimisant les risques sanitaires. Mais force est de constater que l’on préfère s’entasser dans les Doukas ou se fournir en bord de route. “Il y a quand même eu quelques clients, et puis la pluie n’a pas aidé”, tempère toutefois une commerçante derrière son masque bleu avant de concéder : “C’est vrai que c’est quand même compliqué, j’espère qu’il y aura plus de monde les autres jours [les mardis, jeudis et samedis matin jusqu’à la fin du ramadan], parce que là ce n’est pas vraiment viable”.
En partenariat avec la Capam, la Cadema et l’association des maraîchers de Kawéni, le petit marché a vu le jour autour de cinq producteurs locaux. Si les étales ne sont pas franchement pleines à craquer, on trouve un peu de tout, du citron vert à la salade en passant par les papayes, les courges et les caramboles. Si l’offre paraît faible, elle reste cependant bien supérieure à la demande… Comment expliquer, alors, que les visiteurs soient si peu nombreux ? “Je pense que tout ça, les barrières, les masques, etc. fait un peu peur aux gens. D’une certaine manière, ils préfèrent se voiler la face et garder leurs habitudes comme si la maladie n’existait pas”, analyse Mohamed, un habitué de la place du Sénat, délocalisé le temps du marché du kiosque à un banc ancré quelques mètres plus loin. “Les gens ont peur de cette maladie et ils ne veulent pas voir qu’elle est là alors quand ils voient tout cet attirail, plutôt que de se dire que c’est une protection, c’est pour eux suspect”, poursuit le sage quarantenaire, confirmant n’avoir “pas vu grand monde ce matin”. S’est-il mué, le temps d’un achat, de spectateur à consommateur ? “Non… J’ai mon propre circuit”, lance-t-il malicieusement.
Sans information, “on entretient l’irrationnel”
Alors les tables blanches font face au vide. Il y a bien, sous le kiosque, des hommes qui discutent tandis que les femmes attendent le chaland. Il y a bien, aussi, des représentants de la Cadéma ou encore la police municipale qui papotent dans une certaine proximité, mais la bonne parole ne passe pas auprès des habitants. Ou pas encore. “Il faudrait que tout le monde s’y mette pour expliquer ce qu’il se passe et rassurer les gens avec les bons messages. Autour de moi ça se fait un peu, mais je sais aussi qu’on a plus les moyens de s’informer correctement que d’autres. Il faut vraiment arriver à toucher tout le monde pour expliquer ce qu’il se passe, sinon on entretient l’irrationnel”, soutient Mohamed. L’irrationnel fait pourtant, à Kawéni comme à Kwalé force de généralité. Les marchés informels font le plein quand ceux protégés font le vide. Les rues, aussi, font le plein quand l’épidémie fait des bonds.
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