24 heures avec… Zarianti, infirmière libérale : “Il ne suffit pas de donner du Dafalgan, il faut aussi rassurer”

Le quotidien des infirmiers libéraux a, lui aussi, été chamboulé par le confinement. Entre rappel des gestes barrières, suivi des patients à domicile, et crainte d’être elle-même contaminée, Zarianti, infirmière sur la commune de Mamoudzou, témoigne de sa vie en temps de pandémie.

Le rituel est maintenant bien ancré. Chaque fois qu’elle rentre de l’une de ses longues journées de travail, Zarianti commence par prendre une douche, mais à l’extérieur de sa maison. Principe de précaution oblige, elle lave ensuite ses vêtements à part, en veillant bien à séparer son linge de celui de son mari et de ses deux enfants. “Ce n’est pas tant que je m’inquiète pour moi, mais plutôt pour ma famille. J’ai un enfant en bas âge”, déroule l’infirmière libérale. La source de ses tracas ? Le Covid-19 bien sûr. Alors que le stade 3 de l’épidémie a été dépassé dans le 101ème département, et que le confinement s’étalera au moins, on le sait désormais, jusqu’au 18 mai, tout a changé pour cette mère de famille depuis le 17 mars.

Pourtant en apparence, l’on pourrait croire que c’est tout le contraire. Tous les matins, Zarianti étrenne comme à l’accoutumée sac à main et clés de voiture, et file aux aurores voir certains de ses quelque vingt patients. De 5h du matin à midi, puis de 14h à 19h, cette soignante qui consulte surtout à domicile continue en effet à se rendre chez les malades. Avec désormais cette crainte inédite de ramener le virus chez elle. “Je préfère me déplacer. Je leur avais dit de se préparer et d’aller demander leurs traitements avant le confinement, et donc maintenant je me charge de prendre leurs ordonnances. Je vais à la pharmacie et je les livre”, décrit-elle. Résultat, ses journées sont sensiblement les mêmes qu’avant le confinement. Voire un peu plus chargées. Car Zarianti passe d’autant plus de temps avec les malades, pour leur rappeler les gestes barrières et aussi pour les rassurer. “Certains diraient que je suis lente, mais cela fait neuf ans que je fais ce métier, et je sais bien qu’il ne suffit pas de donner un Dafalgan et puis s’en va”, poursuit la mère de famille, qui a aussi travaillé quinze ans comme commerciale. “Les gens, c’est mon dada”.

“Je peux faire le gendarme”

Alors Zarianti n’hésite pas à faire des heures sup”, surtout s’il est question de la santé de ses patients. Beaucoup souffrent d’hypertension ou de diabète, des pathologies pour lesquelles il faut éviter toute rupture de soins… Or, “tout le monde a peur d’aller à l’hôpital”, confirme l’infirmière. Quelques fois, elle a dû appeler le 15, face à une mauvaise fièvre. Mais pour l’instant, aucun cas de Covid-19 parmi ses patients, heureusement. Zarianti aime à se dire qu’ils appliquent ses consignes. Mais parfois, c’est leur entourage qui peut être facteur de transmission. Alors l’infirmière sait être stricte pour rappeler les règles de distanciation sociale, même en dehors de ses heures de travail. “Je peux faire le gendarme, si je repasse vers chez eux et que j’en vois dehors”, souligne l’infirmière, que l’on imagine bien, sourcils froncés et doigt réprobateur, derrière son volant alors qu’elle sillonne les routes entre Kawéni et Tsoundzou 2.

Moisissures et manque de protections

Mais Zarianti vit non loin du plus grand bidonville de France, et malgré toutes ces précautions, elle sait bien que ses recommandations ne peuvent pas être suivies par tout le monde. “Il y a le confinement, certes, mais beaucoup vivent dans des taudis”, soupire-t-elle. “Cela fait mal au cœur, quand je vois ces attroupements vers 20h, 21h, les gens ici sont complètement dans le déni de la maladie”. Alors pour protéger au mieux ses patients, l’infirmière donne parfois quelques masques à leurs proches, quand elle sait pertinemment qu’ils iront dehors, pour fuir la chaleur d’un “taudis” ou se réapprovisionner. Pourtant, Zarianti ne roule pas sur les protections, denrées rares en ces mois de confinement. “J’ai l’impression que nous, les infirmiers libéraux, on est un peu les grands oubliés”, déplore-t-elle. “Au début, on avait été convié à une réunion d’information de l’ARS, je me souviens avoir beaucoup entendu parler de l’hôpital, un peu moins de nous”. Même si elle reconnaît certains efforts dans la livraison de masques, Zarianti regrette les difficultés pour s’approvisionner en blouses, surblouses, ou couvre-chaussures. Et rapporte, comme d’autres avant elle, la présence de moisissures sur certains FFP2 livrés au début du confinement. “Dans cette crise, moi je suis perdue. C’est comme les masques, au début on nous disait que cela ne protégeait pas, maintenant il faut tous en avoir. Et je me rappelle bien de mes cours d’infirmière, sur l’utilisation des masques et sur le respect des dates de péremption…” À bon entendeur.

 

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