Mosquées ouvertes à Mayotte : la foi des fidèles prime sur le danger sanitaire

Aucun lieu de culte n’est autorisé à ouvrir pendant le confinement. En théorie. En pratique, à Mayotte, certaines mosquées n’arrivent pas à se résigner à cette mesure et accueillent clandestinement les fidèles malgré les restrictions. Une situation qui dépasse les autorités compétentes. 

Il est 12h, l’imam de la mosquée de vendredi d’Acoua crie le adhan pour rappeler aux fidèles l’heure de la prière. Un rite qui est encore toléré dans les mosquées de l’île pendant le confinement, à condition qu’elles n’accueillent pas de public. Mais certaines semblent passer outre cette mesure et ouvrent leurs portes à ceux qui souhaitent faire leur prière comme à l’accoutumée. Nombreux sont ceux qui se rendent encore à la mosquée de vendredi d’Acoua. Leur foi prend le dessus sur tout le reste. “Oui je viens prier à la mosquée parce que c’est plus bénéfique, à la maison ce n’est pas pareil. Mais je prends mes distances par rapport aux autres”, témoigne Youssouf*, un fidèle. Il n’est pas le seul à tenir le même discours dans cette mosquée. Si Youssouf affirme être conscient des risques qu’il encoure, d’autres semblent les ignorer. “La mosquée est un lieu sacré. Rien de mauvais ne peut y entrer. Je suis confiant”, indique un autre croyant. Les fidèles qui se rendent à la mosquée de vendredi d’Acoua disent ne pas enfreindre la loi puisqu’ils auraient reçu d’autres instructions de la gendarmerie nationale. “Il y a quelques jours, deux gendarmes sont venus nous voir. Ils nous ont dit qu’on pouvait faire la prière à la mosquée si on se limitait à un groupe de 20 personnes, et si on mettait de la distance entre nous,” informe Youssouf. Des propos confirmés par le maire d’Acoua, Ahmed Darouechi, qui indique avoir reçu le même discours de la part de la gendarmerie. 

“Il faut verbaliser les plus réfractaires afin de dissuader la population” 

Les autorités compétentes savent que certaines mosquées ne respectent pas l’interdiction, mais elles semblent dépassées par la situation. “On a essayé de travailler avec la gendarmerie, mais elle me dit qu’ils ont les mains liées parce qu’il s’agit d’un sujet sensible”, allègue le maire d’Acoua. Ce dernier affirme avoir tout fait pour sensibiliser ses administrés, aujourd’hui il souhaiterait que des mesures exemplaires soient prises. “Il faut verbaliser les plus réfractaires afin de dissuader la population. Nous avons assez sensibilisé.” Un point de vue partagé par les collaborateurs du grand cadi. “Nous sommes face à une population qui n’est pas disciplinée, il faut le dire. Alors nous devons nous concerter afin de prendre des mesures plus sévères pour éviter la propagation du virus”, déclare Younoussa Abaine, membre du conseil cadial. 

Dans un territoire où la quasi-totalité de la population est musulmane, les autorités constantes désemparées, qu’il est plus difficile de faire respecter l’interdiction d’ouverture des mosquées. Certains croyants avancent même la théorie du complot. “Des habitants m’ont dit que cette mesure a été prise uniquement pour les empêcher de pratiquer leur religion”, raconte Ahmed Darouechi. Mais la prière en groupe n’est pas obligatoire, et les prières surérogatoires peuvent être faites à domicile en comité restreint. “Initialement, l’objectif des prières en groupe est de faciliter la cohésion sociale, mais elles ne sont nullement obligatoires, encore moins lorsque des vies sont en danger”, rappelle Younoussa Abaine. 

Désormais, une question se pose, comment les musulmans de Mayotte vivront la grande prière de l’aïd el-Fitr qui marque la fin du Ramadan ? Le maire d’Acoua semble avoir la réponse, malgré lui. “Je sais pertinemment que les gens iront faire la prière de l’aïd à la mosquée”, dit-il résigné. 

 

*Le prénom a été changé

 

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