Alors que l’épidémie a atteint le stade 3 et que tout le département est touché, l’ARS, qui suit de près l’évolution des clusters, fait face à une augmentation préoccupante des cas dans les quartiers les plus précaires, notamment dans le grand Mamoudzou.
Fêter le 1er mai en télétravail n’aura pas suffi à freiner la propagation galopante du Covid-19, en ce qui concerne Mayotte. Ce lundi, c’est un total de 686 personnes qui ont été testées positives, soit 90 cas supplémentaires depuis samedi. Voire 91. La mort de Hadj Abdourahame Ben Omar, grand Imam de la mosquée de Mamoudzou, est venue grossir les rangs des patients décédés du fameux virus, même s’il faut attendre le résultat du test PCR pour l’intégrer aux six décès officiels déjà annoncés. “Le tableau clinique et le scanner sont typiques”, note toutefois Dominique Voynet, la directrice de l’agence régionale de santé, en cette fin d’après-midi. Deux décès supplémentaires concernant le département, annoncé vendredi au niveau national par le directeur général de la santé Jérôme Salomon, doivent encore faire l’objet de vérifications, car leurs tests étaient revenus négatifs. “Pour l’un, il y a un faisceau de symptômes qui pointent vers le Covid-19, pour l’autre, l’examen clinique n’est pas convaincant”, précise Dominique Voynet.
Voilà pour le tableau général. Mayotte confirme donc la trajectoire qui fait d’elle le seul département d’Outre-mer encore en rouge sur la carte. “Pas un seul village, ni une tranche de population, ni une tranche d’âge n’y échappe désormais”, confirme la responsable de l’autorité sanitaire, qui relève aussi une “augmentation rapide et brutale des nouveaux cas depuis le début du ramadan”. Entre le calendrier religieux, l’annonce du déconfinement et “des opérations spectaculaires de jeunes occupant l’espace public” – référence faite aux affrontements du week-end entre jeunes et forces de police -, le virus confirme son installation sur le territoire.
Des clusters dans des zones précaires
Mais une autre caractéristique préoccupe les experts sanitaires ces derniers jours : la circulation du virus dans certains clusters. “Il y a une concentration dans des zones précaires du grand Mamoudzou”, souligne la directrice. En cause, une moins bonne circulation des informations relatives à l’importance des gestes barrières et des règles de distanciation sociale, suppose-t-elle. Et c’est sans compter les attroupements qui ont pu être observés au moment des distributions alimentaires… Quoi qu’il en soit, cette situation rappelle l’importance du travail conjoint des équipes mobiles de l’ARS, qui sillonnent le territoire pour diffuser les bonnes pratiques et identifier les cas contacts, et des acteurs de proximité, communes, CCAS et associations.
Mayotte face à la vague
Pour faire face à cette situation, plusieurs dispositifs sont étudiés. En soutien aux équipes de l’ARS, une plateforme devrait être mise en place, gérée par l’Assurance maladie et des médecins libéraux volontaires. Objectif : effectuer un premier “screening” des cas contacts, et permettre à l’ARS de se concentrer davantage sur les clusters. Autre (bonne) nouvelle, l’arrivée de nouveaux respirateurs, confirmée ce lundi par Dominique Voynet. Sept respirateurs ont été livrés ce week-end, et 15 ou 16 autres sont à disposition à Paris, prêts à être envoyés si besoin, nous précise-t-on. Quant à la possibilité d’installer un EMR (équipement militaire de réanimation) en soutien au CHM, comme cela avait été le cas à Mulhouse au point fort de l’épidémie, elle sera sûrement adaptée à la réalité du territoire. Plutôt qu’un hôpital de campagne, c’est donc une aile du CHM qui doit être réaménagée pour y installer des lits supplémentaires. “Les dix premiers lits seront installés mi-mai, ce qui nous donnera des moyens supplémentaires en réanimation”, explique l’ancienne ministre.
Enfin, parmi les autres outils susceptibles d’être mobilisés, l’on retiendra notamment le recours aux évacuations sanitaires dans la région, la possibilité de faire évoluer l’internat de Tsararano en Soins de Suite et de Réadaptation (SSR), et le virage vers des soins ambulatoires. Bref, l’ARS se prépare et veut croire dans sa capacité à faire face à la vague qui se profile, alors que Mayotte accuse toujours deux semaines de décalage par rapport à la métropole. Mais un déconfinement total semble difficilement envisageable vu la situation actuelle. La date officielle, déjà décalée au 18 mai pour Mayotte, pourrait être renvoyée à plus tard, et un “point” sera fait le 14 mai, comme annoncé par Édouard Philippe devant le Sénat ce lundi… “Ne vous attendez pas à avoir des vacances d’été”, a plaisanté, en substance, la directrice de l’ARS.
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