{xtypo_dropcap}T{/xtypo_dropcap}ounda : Vous avez passé plusieurs jours sur l'île. Quel est votre sentiment sur Mayotte ?
Winston Mc Anuff : Je n'étais jamais venu ici avant. C'est un endroit très beau qui me rappelle mon pays. La végétation, les gens, la vraie vie… Ca rassemble beaucoup à la Jamaïque.
Tounda : Mais Babylone (le nom que les rastas donne à la société de consommation, ndlr) est peut-être plus prégnante ici, comparé à la Jamaïque ?
WMcA : Nous sommes dans un système où nous sommes soi-disant indépendants, mais ça ressemble à ici. Sauf qu'en Jamaïque, nous n'avons pas de sécurité sociale. C'est bien que quelqu'un t'apprenne comment pêcher un poisson, pour ne pas être dépendant de quelqu'un pour se nourrir. Mais vivre dans l'indépendance, je pense te fait perdre ta dignité. D'après mon expérience, ça ne te donne pas l'opportunité d'essayer par toi-même parce que l'école ne t'avertit pas sur le système en place.
Tounda : Durant votre séjour, vous avez rencontré des rastas mahorais. Que pensez-vous du mouvement rasta ici ?
WMcA : J'ai rencontré beaucoup de gens ici qui vivent leur culture. Ils vont toujours de l'avant. Ils parcourent des milliers de kilomètres depuis le premier pas. D'après ce que je vois, c'est comme en Jamaïque où les gens vivent selon les principes de l'école rasta. Ils sont musulmans et même si tu ne le vois pas avec tes yeux, tu peux voir des rastaman qui te parlent de Bob Marley, de rastafarisme, c'est un état d'esprit. C'est bien de voir les gens vivre leur culture, une vie près de la Nature, dans la réalité. C'est positif. Nous prenons tous un bateau dirigée par Sa Majesté (Jah, le dieu des rastas, ndlr) et essayons de vivre avec nos frères et nos sœurs. La vie des rastas, c'est être contre la négativité.
Tounda : Que pensez-vous de la nouvelle vague du reggae jamaïcain avec Buju Banton, Damian Marley ou Elephant Man et de leurs paroles qui s'éloignent de l'esprit antimatérialiste des rastas ?
WMcA : La musique reggae est comme un arbre, avec des racines, un tronc, des branches et des feuilles. Ces artistes sont comme les feuilles, ils ont besoin des branches, du tronc et des racines pour exister. Il n'y a rien de mauvais pour moi. Dans notre vaste monde, c'est normal de voir beaucoup de négatif, car tu as besoin d'encore plus de positif pour le contrebalancer. Certains écrivent des paroles "sales" comme Buju Banton ou Beenie Man, mais ils sont toujours des rastas dans notre vaste monde. Bob Marley et Peter Tosh ont créé une musique qui a engendré différents types de musiques. Tu peux gagner de l'argent avec cette musique, mais si l'âme n'y est pas des mauvaises paroles peuvent rendre les gens pire. Il y a certains points de vue qui me rendent malade, mais c'est à partir de nos erreurs que l'on apprend.
Propos recueillis et traduits par Julien Perrot
Petite biographie
Un vieux rasta qui s'implique sur la scène rock française
Winston Mc Anuff, aussi connu sous le nom d'Electric dread, est un chanteur et compositeur de reggae jamaïcain né en 1957 d'une famille de pasteurs. Ce rasta peu connu en France jusqu'au début des années 2000 est l'auteur du titre "Malcolm X" du chanteur Earl Sixteen, considéré comme son meilleur titre. Malgré quelques albums, connus uniquement des grands amateurs de reggae roots, ce n'est qu'une vingtaine d'années plus tard qu'il sera connu en France grâce au label français Makasound. Les deux créateurs du label ont réédité ses deux premiers albums "What the man A deal with" et "Pick hits to click", mais aussi sorti une compilation, "Diary of the silent years".
En 2005, il fera naître avec le label divers projets impliquant des acteurs de la scène rock française. Tout d'abord avec le musicien Camille Bazbaz. Les deux artistes s'étaient rencontrés lors d'un concert de Derrick Harriott : l'un était spectateur et l'autre présent pour le warm-up. Cette collaboration donnera naissance à l'album "A drop", un mélange de rock électronique et de reggae.
Fin 2006, est sorti "Paris' Rockin", une collaboration entre McAnuff et la section instrumentale du groupe Java, mais avec aussi M à la guitare, Cyril Atef de Bumcello à la batterie, et la participation de plusieurs musiciens français. Cet album au son très varié s'éloigne encore un peu plus du reggae avec une rythmique rappelant parfois la funk.
Discographie
- 1978 : "Pick hits to click", sur le label Crystal, réédité en 2006 par Makasound
- 1980 : "What the man A deal with", sur le label Top Ranking, réédité en 1995 par Crocodisc sous le nom de "One Love" et en 2004 par Makasound sous le nom de "What a man A deal with"
- 1986 : "Electric dread"
- 2002 : "Diary of the silent years" (compilation)
- 2005 : "A drop" avec Camille Bazbaz
- 2006 : "Paris' Rockin" avec le groupe Java
- 2008 : "Nostradamus"
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