Le centre hospitalier de Mayotte a reçu successivement ce mois-ci un hélicoptère et un avion sanitaire pour évacuer rapidement au sein même de son territoire et à La Réunion les patients les plus critiques. Preuve que ces moyens de transport sont indispensables avec un homme victime d’une rupture d’anévrisme vendredi dernier.
Vendredi 22 mai au matin, le 15 reçoit un appel d’une famille depuis son domicile en Petite-Terre pour signaler un homme inconscient, qui ne se trouve pas en détresse respiratoire sur le coup. L’équipe du SAMU de la petite île se rend illico presto sur place pour lui prodiguer les premiers soins, rejointe en hélicoptère quelques minutes plus tard par celle du SMUR du centre hospitalier de Mayotte. “On est arrivés vers 8h30 pour le ramener à la zone de déchocage des urgences pour procéder à un scanner cérébral”, explique Mariam Viollet, le médecin qui a fait l’aller-retour ce jour-là. L’imagerie confirme alors la suspicion d’un saignement dans sa tête. “Un problème neurologique grave”, signale la jeune femme, qui affiche sur ses épaules une veste stipulant une expérience en Guadeloupe.
Plongé volontairement dans le coma par le personnel soignant, le quarantenaire se retrouve intubé pour être ventilé. En temps normal, ce type de patient monte immédiatement en réanimation pour être pris en charge. Mais son état critique contraint l’effectif en poste à faire son diagnostic au déchocage avant un possible transfert à l’étage, qui n’interviendra finalement pas. Plusieurs médecins de différentes spécialités le rejoignent pour prendre collégialement la meilleure décision. Certains revendiquent son départ à La Réunion avec l’avion qui doit décoller à 15h, tandis que d’autres affichent une certaine réticence en raison du timing serré. Finalement, le choix s’arrête sur la première option. Responsable du pôle URSEC, qui supplée ce jour le docteur Ludovic Iché en charge des évacuations sanitaires, Christophe Caralp contacte dans la foulée le neurochirurgien d’astreinte de Saint-Pierre pour l’avertir de cet envoi inopiné. “Plus on attend, plus son pronostic est engagé”, précise-t-il.
“On perdait 24 heures et son pronostic vital était engagé”
Ne reste plus qu’à le préparer en un temps record, soit 1h30 ! “L’une des techniques à réaliser était la pose d’un cathéter intraventriculaire cérébrale, c’est-à-dire un pique pour mesurer sa pression intra-crânienne et ainsi savoir s’il perfusait correctement son cerveau”, détaille Anne-Sophie Voarick, médecin en charge du patient. Rare, cette procédure invite plusieurs curieux à passer leur tête de l’autre côté du rideau pour y assister. “Personne n’en avait jamais vu auparavant”, admet-elle. À l’instar de Pauline Laudière, infirmière, qui vit à ce moment-là son deuxième jour en déchocage et qui se retrouve au milieu de ce dispositif spectaculaire. Sa mission ? Préparer les drogues d’induction, de sédation et d’entretien. “Je m’attendais à beaucoup plus de stress, mais on a la chance d’avoir une équipe soudée. Dans ce genre de situation, on se répartit les rôles dès le début et on communique beaucoup, sinon c’est source d’erreurs”, confie-t-elle, visiblement satisfaite du travail accompli, après avoir couru dans tous les sens toute la journée.
Une fois équipé, le patient s’envole direction l’aéroport où l’attend l’avion, déjà doté de deux autres civières et de trois autres personnes. “Sans l’hélicoptère, il ne partait pas. On perdait 24 heures et son pronostic vital était engagé”, insiste Christophe Caralp, qui revendique bec et ongles son utilité sur une île comme Mayotte. Exemple significatif : il faut compter 50 minutes pour rejoindre Bouéni par voie terrestre, contre 7 par les airs. “Sur un arrêt cardiaque, ça change tout !” Même son de cloche pour l’avion sanitaire, qui permet un aller-retour jusqu’à l’île Bourbon sur la journée et surtout un gain d’effectif. En cette période de crise, ces deux moyens de transport sont pour le moment loués jusqu’au mois de juillet. Ne reste plus qu’au chef de pôle à démontrer son importance vitale grâce à des données précises puis à convaincre les autorités de sauter le pas pour les pérenniser sur le long terme. En tout cas, vendredi dernier le justifie bien… “Le patient est arrivé à la bonne heure à La Réunion, il a eu cette chance-là ! Mais il n’est pas sorti d’affaires, le risque d’avoir des séquelles neurologiques graves est toujours présent”, tempère toutefois Anne-Sophie, qui ne s’attendait pas à une telle activité en se levant le matin même.
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