C’est un plaidoyer des plus fermes qu’est venu livrer Denis Chusserie-Laprée, procureur près la cour d’appel de Saint-Denis de La Réunion, dont dépend la juridiction de Mayotte. Plaidoyer de soutien envers le procureur Camille Miansoni – dont on apprend d’ailleurs le départ prochain -, mais aussi pour la justice. Celle de l’État de droit et contre celle, privée, dont l’apologie se fait de plus en plus courante.
C’est une chose peu commune pour un procureur général que de se faire avocat. “Mais les attaques dont j’ai pris connaissance à l’égard de Monsieur Miansoni sont tellement inacceptables que je ne pouvais imaginer être là pour lui apporter mon soutien”, explique Denis Chausserie-Laprée, le procureur général de La Réunion. Un soutien également apporté par “tous les procureurs de France, les 164”, assure par ailleurs le magistrat. Qui se fait donc l’avocat du procureur de la République à Mayotte, victime d’une campagne où se mêle “calomnie et propos racistes extrêmement graves” selon les mots de Denis Chausserie-Laprée qui n’a eu de cesse de vanter le travail effectué par Camille Miansoni à Mayotte. “Je suis donc venu dire très clairement l’entier soutien que j’apporte à Monsieur Miansoni qui a fait un excellent travail, au point que cet excellent travail est couronné par une promotion qui l’amènera à exercer pour la troisième fois la fonction de procureur”, a insisté le procureur général avant de préciser que le représentant du parquet à Mayotte prendra probablement la direction de Brest après un passage devant le Conseil supérieur de la magistrature qui doit statuer en dernier lieu sur cette promotion. Une promotion donc. Et gare à ceux qui verraient dans ce changement d’affectation une “victoire” après avoir réclamé le départ du procureur. “C’est aussi faux que si je disais que la terre était plate”, assure le représentant du ministère public indiquant que “cela faisait plusieurs mois que nous recherchions un poste à la hauteur de ses compétences”.
“Incitations à la justice privée insupportables”
Mais au-delà de la défense de Camille Miansoni, c’est bien celle de la justice qu’est venu assurer à travers son déplacement à Mayotte le procureur général. Car “en 32 ans de carrière, je n’ai jamais vu ça”, se désole-t-il. “Ça, ce sont les incitations à la justice privée qui sont tellement insupportables compte tenu des dangers que nous savons lui être systématiquement associés.” C’est aussi “la violence des commentaires qui ont été faits sur l’action du ministère public que je représente”. C’est, de manière générale, appeler à travers différents textes ou propos “à se tourner vers des méthodes que je ne pensais plus jamais rencontrer”, déroule le magistrat.
Un texte, en particulier, a fait bondir le procureur général. “La loi du talion contre l’impunité des criminels.” Un écrit diffusé sur les réseaux sociaux et qui va “à ma demande, donner lieu à la recherche de celui qui en est l’auteur qui de mon point de vue est non seulement constitutif d’un certain nombre d’infractions à la loi sur la presse sous la forme de diffamation ou d’injures à caractère racial, mais qui est également constitutif de mon point de vue de ce que la loi incrimine en tant qu’apologie de la violence. C’est tout simplement passible de cinq ans d’emprisonnement”, martèle le magistrat. “Je suis toujours surpris que ceux-là mêmes qui prétendent vouloir lutter contre l’insécurité, la première chose qu’ils font est de commettre différentes infractions”, insiste-t-il. Le ton est cinglant. À la hauteur du choc qu’a pu provoquer la lecture de différents textes chez ce serviteur de la justice, dénonçant avec force “l’ignorance terrible des mécanismes de notre justice”, dont on fait preuve selon lui leurs auteurs. L’occasion de rappeler que le procureur est en charge de “poursuites et des accusations, mais il n’est pas toute la justice. Et parce que les choses sont ainsi équilibrées, il y a aussi les décisions prises par les magistrats du siège. Et que ce soit à Lille ou à Toulouse, il n’est pas rare que ceux-ci prennent des décisions de relaxe. Ce n’est en aucun cas la démonstration d’un procureur qui aurait mal fait son travail, mais c’est tout simplement la règle procédurale. Et quoi qu’il en soit, ce n’est pas un homme qui décide, c’est une institution, Monsieur Miansoni sera remplacé par une personne qui, je l’espère fera le même travail et ce n’est pas les cris des uns et des autres qui y changeront quoi que ce soit. Car nous, nous agissons dans le cadre de la loi”.
Laxisme : “une accusation tout simplement fausse”
L’occasion aussi, pour le procureur général de remettre les choses à leur place quant à un supposé laxisme de la justice. “On parle de l’impunité ici, mais est-ce que vous savez aujourd’hui que sur tout le ressort de la cour d’appel de Saint-Denis, c’est le centre pénitentiaire de Majicavo qui est le seul à connaître un taux d’occupation au-delà des 100 % ? Les accusations qui sont portées contre l’institution judiciaire et le ministère public sont tout simplement fausses”, martèle le procureur général tout en précisant “qu’il y a un évident problème d’insécurité” sur le territoire. “Je ne dis pas qu’il n’y a pas de violence, je ne dis pas qu’il n’y a pas de cambriolages qui sont commis et évidemment qu’ils sont trop nombreux, évidemment que c’est compliqué pour nous d’identifier tous les acteurs. Mais croyez-moi, à chaque fois que le parquet de Mayotte considère que des éléments de preuve sont suffisamment établis, des poursuites sont engagées, quelle que soit la nature de l’infraction.”
Attaques ad hominem, régulièrement racistes, remise en cause de la justice, incitation à la violence, “tout cela est trop grave” pour Denis Chausserie-Laprée venu rappeler ici que “c’est inacceptable dans un État de droit”. Et son jugement est sans appel : “Mayotte est un jeune département, qui n’a cessé de rappeler son attachement à la France, mais Mayotte ne pourra se construire que dans le respect de la loi.
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