Le contact tracing, le travail de fourmis des enquêteurs et des médecins de l’ARS de Mayotte

Au quotidien, médecins de l’équipe médicale de suivi et enquêteurs de la brigade de contact tracing de l’agence régionale de santé s’activent pour retrouver les cas contacts des habitants positifs au Covid-19. Une démarche qui demande de la patience et de la persuasion, tant la maladie n’est pas systématiquement prise au sérieux par une partie de la population. 

“Bonjour […]. La recherche du covid est revenue positive : vous êtes porteur du Coronavirus.” Chaque jour, pendant une vingtaine de minutes, c’est le même refrain pour Maxime Jean, infectiologue au CHM, et Salimata Diall, médecin de santé publique au réseau périnatal, tous deux détachés de leurs postes respectifs pendant la crise sanitaire pour renforcer l’équipe médicale de l’agence régionale de santé. Au moment de dévoiler le verdict du dépistage, l’un comme l’autre parcourt tout un questionnaire pour mettre à l’aise l’interlocuteur au bout du fil et surtout mieux connaître son environnement pour savoir si un isolement au domicile est possible. “Quand nous annonçons le résultat, nous le faisons en douceur, car il espère, bien évidemment, qu’il sera négatif.” L’empathie est alors le mot d’ordre ! Après avoir instauré une relation de confiance, s’ensuit une avalanche de préconisations comme les risques pour l’entourage, notamment les personnes âgées, celles qui présentent des comorbidités, c’est-à-dire des pathologies chroniques, ou les femmes enceintes. “Nous lui demandons de rester au maximum en dehors du cercle familial et de porter un masque dès qu’il sort de sa chambre.” 

Au troisième, tout comme au septième jour, un nouveau contact s’établit pour évaluer une détérioration ou une amélioration de l’état de santé. “Les habitants se sentent abandonnés par le CHM et l’ARS alors que nous suivons les réglementations nationales du ministère de la Santé. Mais il faut insister sur l’auto-surveillance car il s’agit d’une maladie qui se guérit facilement en temps normal”, développe Maxime, qui regrette les attaques incessantes à l’égard des deux institutions sanitaires de l’île. Même si le Covid-19 est semblable, pour une grande majorité, à une grippe saisonnière, il est possible de développer des formes graves, qui nécessitent une hospitalisation. Et en cas de complication, à l’instar d’un essoufflement ou des difficultés respiratoires, les deux collègues recommandent d’appeler le 15 sans plus tarder et non pas l’ARS comme beaucoup le pensent. “Il ne faut pas attendre”, martèle Salimata, qui qualifie son “job” de télémédecine. 

Mettre le grappin sur les cas contacts 

Mais cet échange régulier a aussi et surtout pour objectif de traquer les cas contacts, qui oscillent entre 5 et 20 pour un cas positif… “Ils nous intéressent pour deux raisons : la première est qu’ils sont susceptibles d’avoir reçu le virus et qu’ils sont en phase d’incubation avec un risque de contracter une forme sévère ; la seconde est que lorsqu’ils développent des symptômes le 25 du mois par exemple, ils vont être transmetteurs ou contaminants à partir du 23”, détaille Maxime. Ainsi, le but du jeu est de leur mettre la main dessus pour bloquer la chaîne de transmission. “Nous passons un temps fou à leur faire comprendre qu’ils participent à la diffusion du virus. Nous nous en fichons de savoir s’ils ont rompu le confinement !” 

Justement, pour mettre le grappin sur ces individus, l’équipe médicale de suivi peut compter sur le soutien de la brigade de contact tracing qui regroupe une dizaine d’enquêteurs métropolitains et mahorais. Un mix indispensable pour régler les éventuels problèmes linguistiques, comme cela a pu se présenter au milieu de l’épidémie lorsqu’une majorité des cas ne parlaient pas ou peu le français… Indépendamment de la barrière de la langue, plusieurs autres obstacles se mettent en travers de leur route. En effet, quelques-uns ne répondent pas au téléphone. La raison ? “Il y a beaucoup d’erreurs de numéros alors qu’une confirmation est demandée lors du prélèvement. La proportion de personnes injoignables s’élève à environ 10 %. Si nous essayons de passer par le bureau des entrées du CHM pour les retracer, un certain nombre de dossiers sont classés sans suite”, révèle le docteur Genneviève Dennetière, responsable du service de veille et de sécurité sanitaire. D’autres refusent de divulguer des informations. “Pour eux, le Covid est une maladie honteuse. Ils préfèrent nier son existence”, explique-t-elle. “Les gens ont du mal à dire avec qui ils vivent et où ils travaillent. Ils ont peur du regard de leur voisinage ou de leur famille. Nous avons même rencontré certains d’entre eux à l’extérieur du village pour ne pas montrer la voiture de l’ARS.” 

Depuis le 13 mars, les enquêteurs issus des différents services sont sur le qui-vive et s’emploient sept jours sur sept à “éduquer” la population aux risques de contamination. Et leur abnégation commence à payer au regard de l’évolution de la courbe de ces derniers jours selon Genneviève Dennetière. “Nous espérons arriver à la fin d’une circulation massive et ainsi uniquement gérer les clusters et la survenue de cas groupés.” En tout cas, l’ARS va pouvoir envisager un retour à la “normale” dès les prochains jours grâce au recrutement d’une quinzaine de personnes par l’assurance maladie pour continuer le contact tracing. Un bol d’air synonyme de reprise progressive ? L’avenir nous le dira…

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