Dans son dernier avis, le conseil scientifique estime que le 101ème département présente des risques “particulièrement élevés associés à la campagne électorale”. Mais alors qu’en théorie, le second tour des élections municipales devrait se dérouler le 28 juin, les candidats sont toujours sur le pied de guerre, pendant que les mairies, elles, s’apprêtent à prendre des dispositions exceptionnelles.
Le sort des élections municipales est, plus que jamais, incertain. Vendredi dernier, l’Assemblée nationale adoptait le projet de loi permettant, notamment, d’annuler la tenue du second tour le 28 juin dans certains territoires où l’épidémie de Covid-19 serait toujours active. Un article modifié ce mercredi par la commission des lois du Sénat, préconise un report du vote dans les clusters actifs uniquement, dans un nombre de communes très limité, sous réserve qu’un décret spécifique soit pris par le conseil des ministres et que de nouvelles élections puissent se tenir avec le 31 octobre prochain.
Mais alors que le texte n’est pas encore entériné, le conseil scientifique pointe du doigt, à travers la publication de sa dernière analyse dévoilée lundi, “l’importance des risques particulièrement élevés associés à la campagne électorale”. “Même si elle est limitée par de strictes mesures sanitaires, et qu’elle bénéficie d’un sens élevé des responsabilités des candidats et de leurs équipes, une campagne électorale est de nature à multiplier les contacts sociaux, voire physiques (démarchage, réunions, marchés, attroupements…).” Des pratiques d’autant plus risquées dans le cas de Mayotte, où les cas sont encore en “forte augmentation”, avec un taux de positivité de 30 % malgré la baisse du nombre de prélèvements. Deux inquiétudes particulières subsistent : “l’ostracisassions des cas”, qui entraîne un frein à l’investigation, et “les rassemblements de population observés à l’occasion de la célébration de la fin du ramadan”. Concernant cette dernière, le conseil scientifique juge d’ailleurs “indispensable de surveiller l’évolution de la situation dans les jours à venir”.
Et si les méthodes de proximité employées pour le rabattage électoral sont au cœur des préoccupations, les candidats au trône de maire n’ont pas prévu de marquer le pas. Dans le chef-lieu, la liste Réussir Ensemble, portée par Ambdilvahedou Soumail, rejoint par M’colo Mainty et Hamidani Magoma, vient même de lancer le départ de sa caravane de campagne, qui sillonnera Mamoudzou, de Kawéni à Tsoundzou en passant par Vahibé jusqu’à la mi-juin. Une sorte de meeting itinérant, le rassemblement physique en moins. “L’idée c’est de ne pas s’arrêter, mais plutôt de circuler dans les villages avec micro, sono et message pré-enregistré sans aller directement au contact de la population, il n’y a pas de rencontres puisqu’ils pourront nous entendre depuis chez eux”, détaille la communication du mouvement. “C’est déjà une forme de geste barrière en soi”. À condition toutefois que l’agitation n’incite pas les gens à sortir, à l’heure où les nombreuses places publiques ont été réinvesties comme si le Coronavirus n’y était jamais passé.
Du côté adverse, Elyassir Manroufou, candidat de la liste Mamoudzou C’est Nous, aurait préféré “que les élections ne se fassent pas maintenant”. Mais pas question d’abandonner à quelques semaines du second tour. Alors, pour “montrer [sa] présence sur le territoire”, l’équipe de campagne, masque au nez et gel hydroalcoolique en main – mains qui ne sont d’ailleurs plus serrées –, a décidé de poursuivre ses opérations de porte-à-porte, en prenant soin de rester à l’extérieur des habitations. Et pour maintenir la proximité avec de potentiels électeurs, Mamoudzou C’est Nous investit par ailleurs les réseaux sociaux. “Mais tout le monde n’a pas accès au numérique”, reconnaît Elyassir Manroufou. Ainsi, une marche d’1,5 kilomètre est prochainement envisagée pour rallier Mamoudzou à Passamaïnty, le tout par groupe de dix personnes maximum. “Nous attendons le prochain avis du conseil scientifique, le 14 juin, pour décider des prochaines opérations”, explique encore le mouvement.
Quid du scrutin ?
Si la date du 14 juin sera effectivement décisive concernant la tenue du scrutin selon les territoires, le conseil scientifique indique qu’à Mayotte et en Guyane, où les risques sanitaires sont particulièrement élevés, “il appartient aux autorités publiques de choisir les dispositions qu’elles décident de mettre en œuvre”. À ce stade, la préfecture s’est prononcée en faveur du maintien du second tour au 28 juin, et mobilise déjà les communes, avec l’aide de l’ARS, pour que les gestes barrières soient strictement observés lors du passage à l’urne. Plusieurs réunions sont ainsi prévues avec les maires dès la fin de semaine pour envisager les aménagements spécifiques à déployer dans chaque bureau de vote.
Dans un premier avis, émis cette fois le 18 mai, le conseil scientifique dressait une série de recommandations à observer en sus des gestes barrières déjà de mise pour minimiser les risques de propagation du virus le 28 juin. Parmi elles, la mise en place d’une file réservée aux personnes à risques du fait de leur âge ou de leur état de santé – il est par ailleurs déconseillé qu’elles soient membres de bureau de vote – ; l’aération régulière des locaux et l’interdiction de manipuler les rideaux des isoloirs, bien qu’aucune marche à suivre ne soit indiquée ; l’installation d’une paroi en plexiglas ou équivalent ; le port du masque pour tous (chirurgicaux et visières de protection pour les membres du bureau et les organisateurs, grand public à minima pour les électeurs) ; la mise à disposition de solution hydroalcoolique ; le nettoyage régulier des machines à voter et l’utilisation d’un stylo strictement personnel. Aussi, “les personnes présentant des symptômes sont supposées être en situation d’isolement au domicile ou dans un lieu adapté”, rappelle le conseil scientifique.
Autant de contraintes auxquelles se prépare déjà, comme beaucoup d’autres, le maire de Bandrélé, l’un des premiers clusters identifiés localement depuis le début de la crise sanitaire. “Nous avons prévu la présence de la police municipale et des associations de prévention”, assure Ali Moussa Moussa Ben. Déjà lors du premier tour, l’édile avait pris ses dispositions : marquage au sol, distribution de gel hydroalcoolique, port du masque pour les membres du bureau… Pour ne pas faire attendre les gens massés dans les locaux, un isoloir supplémentaire avait également été installé. “On avait même anticipé !”, revendique le premier élu de la commune. “Depuis plusieurs années, nous avons scindé nos bureaux de manière à limiter le nombre de personnes. On constatait que parfois, 600 électeurs étaient réunis au même moment et les gens attendaient trop.” Mais, s’il est maintenu, le second tour des élections municipales connaîtra-t-il une telle affluence, alors que beaucoup d’électeurs risqueraient de s’abstenir par peur de s’exposer au virus ? Rien n’est moins sûr.
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