La découverte du volcan sous-marin au large de Mayotte célèbre sa première année. À cette occasion, et alors que les dernières campagnes scientifiques en date ont quitté le lagon le mois dernier, Flash Infos donne, tout au long de cette semaine, la parole à ceux qui, de près ou de loin, œuvrent pour une meilleure connaissance de ce phénomène naturel qui évolue, chaque jour, sous le regard des Mahorais. Mais avant cela, retour sur l’histoire d’une découverte exceptionnel.
C’était il y un an, déjà. En mai 2019, la communauté scientifique annonçait à Mayotte et au monde la découverte d’un jeune volcan sous-marin, à seulement 50 kilomètres à l’est de Petite-Terre et à quelque 3.500 mètres de profondeur. Un « petit » nouveau-né de cinq km de diamètre – soit la moitié de la surface de Paris – pour 800 mètres de haut, qui se serait formé en cinq ans tout au plus, la dernière cartographie de cette zone remontant jusqu’alors à 2014. Pour la première fois de son Histoire, l’humanité assiste en direct à la naissance d’un volcan. Pour les Mahorais, c’est aussi, enfin, un début d’explication au phénomène d’essaim de séismes qui secoue le département depuis alors une année. Le 14 mai 2018, presque un an jour pour jour avant la découverte du volcan, un premier tremblement, de terre, de magnitude 5, avait frappé Mayotte, puis un second, le lendemain, avec cette fois une magnitude de 5,8, la plus puissante jamais enregistrée localement. Depuis, plus d’un millier de secousses, majoritairement imperceptibles pour la population, sont enregistrées chaque mois.
Pourtant, dès le mois de janvier, les appareils déployés dans la région avaient détecté à une vingtaine de kilomètres de Mayotte des centaines d’ondes à basse fréquence qui, pendant 20 minutes, se sont propagées jusqu’en Afrique, puis en Amérique du Sud et même jusqu’à Hawaï. Le phénomène parti des profondeurs mahoraises a ainsi parcouru 18.000 km, sans que personne ne ressente la moindre secousse. Très vite, la communauté scientifique s’interroge quant à l’origine de ces ondes et à la cause de leur propagation à travers le monde. Pendant que, pour tromper la peur, la population ironise sur de possibles forages de pétrole aux Comores, l’hypothèse d’une éruption volcanique sous-marine grandit. Sans que nous le sachions encore, le volcan aussi. Dans le même temps, des émanations de gaz sont observées sur le littoral de Petite-Terre, et les pêcheurs constatent, au large, d’importantes quantités de poissons morts flottant à la surface ainsi qu’une odeur qu’ils comparent à celle du souffre. Déjà de possibles témoignages de l’activité volcanique en cours, à plusieurs milliers de mètre de profondeur.
Dans ce contexte, la première mission scientifique Mayobs s’organise en février 2019 sur le Marion Dufresne, et embarque avec elle des chercheurs du monde entier. L’objectif : récupérer les six sismomètres de fond de mer déployée à l’est de l’île une poignée de mois plus tôt pour mieux comprendre l’origine de l’essaim de séismes. Finalement, des panaches de fluides volcaniques sont détectés, parfois même sur deux kilomètres de haut, mais sans jamais percer la surface de l’eau. Alors, les nouveaux relevés de fond sont comparés avec ceux acquis en 2014 dans le secteur, et le résultat est sans appel : un nouveau volcan est bel et bien en formation au large de Mayotte.
Phénomène naturel de subsidence
En formation, oui, mais surtout en activité. À tel point que le phénomène constitue la plus importante éruption sous-marine observée depuis plus de 200 ans. Si les analyses de la mission Mayobs 13 qui s’était déroulée en mai dernier sont toujours en cours pour mesurer le volume des récentes coulées, le volcan a, dans ses onze premiers mois de vie, produit « au moins 5 km3 de lave, soit un flux de 150 à 200 m3 par seconde », estime l’Ifremer, l’un des pilotes des missions Mayobs.
À titre de comparaison, ce débit suffirait à remplir une piscine olympique en seulement 20 secondes. Avec un volume de 3,4 km3, nichés à 30 km de fond dans le manteau terrestre, la poche magmatique du volcan de Mayotte serait la plus profonde et la plus vaste jamais détectée dans cette couche, selon une étude allemande publiée dans Nature Geoscience. Problème, sous l’effet de la vidange de cette énorme poche, le phénomène naturel de subsidence l’île s’est considérablement accéléré. En un an, l’île s’est enfoncée, selon les sites, de 9 à 17 cm, contre 1 mm en moyenne avant que le volcan ne se forme. Dans le même laps de temps, Mayotte s’est déplacée vers l’Est à raison de 21 à 23 cm. Fait rassurant toutefois, la morphologie du volcan n’aurait pas connu d’évolution majeure depuis sa découverte, selon les premières conclusions de la dernière mission Mayobs.
S’ils sont difficilement mesurables, les risques pour Mayotte et sa population sont toutefois réels. Bien que les séismes aient diminués à la fois en nombre et en puissance, ils demeurent susceptibles de provoquer des glissements de terrain sous-marins et peuvent ainsi former un tsunami. « Les configurations des fonds marins au large de Mayotte ne favorisent pas l’amplification d’éventuelles ondes de tsunamis (grâce à l’augmentation brutale de la profondeur de l’eau après la barrière de corail) », tempère tout de même le bureau d’étude géologique et minière. « Mais l’évaluation du risque tsunami est à l’étude en tenant compte des différentes sources envisageables. » Une mission confiée au réseau de surveillance volcanologique et sismologie de Mayotte, ou Revosima, créé en début d’année pour mieux suivre et comprendre le phénomène naturel exceptionnel apparu aux larges de nos côtes.
Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.