Les nouveaux assesseurs du Pôle social ont prêté serment au Tribunal judiciaire de Mamoudzou. Cette audience a marqué les débuts d’une jeune juridiction à Mayotte, compétente en matière de contentieux de la protection sociale.
Ils sont postés en rang d’oignon à un mètre de distance les uns les autres dans cette salle d’audience du Tribunal judiciaire de Mamoudzou. “Je le jure”, lance timidement le premier appelé, en levant le doigt d’un air mal assuré. Avant d’opter pour la paume de sa main, devant le regard amusé de ses congénères. Ce jeudi, une vingtaine d’assesseurs étaient appelés devant le juge Pascal Bouvard pour prêter serment en vue de leur désignation au sein du Pôle social. Cette nouvelle juridiction hybride, née de la loi de modernisation de la justice de 2016, et qui doit traiter l’ensemble du contentieux de la protection sociale, fait ainsi ses premiers pas à Mayotte.
Pour la plupart de ces juges non professionnels, c’était aussi un peu une nouveauté. Proposés par les organisations syndicales des employeurs – Medef, Capeb, CPME, FMBTP – et des salariés – CGT, FO, CFDT, CFE-CGC – ces personnes issues de la société civile ont été désignées par le Premier président de la cour d’appel de Saint-Denis. À l’issue de l’audience solennelle qui se tenait ce jeudi, elles devront effectuer une courte formation avec l’École nationale de la magistrature, “dématérialisée, par les temps qui courent”, précise le juge Bouvard. Et dès septembre, ces représentants du monde professionnel pourront siéger aux côtés d’un magistrat professionnel. “En ce qui concerne le monde économique, il est très important de désigner des personnes de la société civile, qui ont des connaissances des métiers”, déroule le juge devant une audience attentive. “J’ai remarqué en général que, très vite, les assesseurs ont presque plus de connaissances que moi sur le droit substantiel, en revanche, les questions de procédure leur sont naturellement moins familières”, poursuit-il pour justifier cette juridiction à trois têtes : celle du magistrat professionnel, celle du représentant de l’employeur, et celle du représentant du salarié.
Une piqûre de rappel sur la déontologie
C’est d’ailleurs pour cette raison que les nouveaux assesseurs devront suivre une formation qui leur enseignera le “béaba du droit et de la déontologie”. Présent lors de l’audience, le procureur de la République Camille Miansoni, a d’ailleurs profité de son allocution pour en poser les premiers jalons : “Je voudrais vous adresser toutes mes félicitations et vous rappeler la nécessité de faire valoir d’abord et en toutes circonstances le droit, la règle commune sans laquelle aucune vie sociale n’est possible.” “Il faut être capable de dépasser ses subjectivités, ses préjugés, ses convictions personnelles pour dire le droit. C’est un exercice compliqué, et parfois incompris”, développe-t-il. Une parole qui prend d’autant plus de sens alors que les décisions du procureur – dans l’affaire du rapt d’un jeune homme en Petite-Terre notamment – ont récemment suscité un flot de critiques à son encontre dans la population.
En attendant les prud’hommes
Du côté du justiciable, ce Pôle social sera désormais compétent pour juger tous les contentieux de la protection sociale, de l’employeur qui n’a pas payé ses cotisations sociales aux accidents de travail les plus graves. Il reprend de fait les compétences des anciens tribunal aux affaires de la sécurité sociale (TASS), tribunal du contentieux de l’incapacité (TCI), et de la commission départementale d’aide sociale (CDAS), au sein d’une juridiction hébergée par le Tribunal judiciaire. Compatible avec une procédure pénale menée en parallèle, le Pôle social prononce des décisions civiles, pouvant aller jusqu’à de lourdes indemnisations en fonction du préjudice. Pour Pascal Bouvard, qui arbore une mine ravie devant ses nouvelles ouailles, “c’est un vrai plaisir de faire prêter serment aux assesseurs du Pôle social car c’est un vrai pas vers la normalisation de la vie judiciaire à Mayotte”. Après le tribunal mixte de commerce en 2017, il ne manquera donc plus que le tant attendu conseil des prud’hommes, qui devrait voir le jour fin 2021. “Alors nous aurons tous les outils pour travailler efficacement”, prédit Pascal Bouvard.
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