{xtypo_dropcap}T{/xtypo_dropcap}ounda : Depuis 1991, vous êtes venu une quinzaine de fois à Mayotte pour des concerts. Qu'avez-vous réservé cette année au public mahorais ?

Salim Ali Amir : J'ai joué de la musique toirab vendredi dernier pour le lancement du festival. C'est une musique traditionnelle qui est jouée partout aux Comores à l'occasion des mariages. Mercredi en revanche, j'ai joué mon répertoire moderne, avec des chansons de mon dernier album qui s'appelle "Namwa yélé" ("Allez vous laver" en shicomori), un message aux politiciens comoriens…

 

Tounda : A travers le toirab, vous continuez de faire exister la musique traditionnelle comorienne. Aux Comores, il y a beaucoup de musiciens qui enregistrent leurs morceaux pour faire vivre ces traditions ?

SAA : Oui, la spécialité de la Grande-Comore, c'est le toirab. J'ai ouvert un studio d'enregistrement, Studio 1, en 1989, c'était le premier. J'y ai travaillé en tant qu'arrangeur et j'aidais beaucoup les jeunes artistes. Avant on le jouait un peu n'importe comment, mais les Comoriens ont compris que c'est une musique riche, qui n'est pas compliquée mais qui mêle les musiques, avec une sonorité arabe et des chants comoriens. Donc on a essayé d'aider les jeunes à enregistrer de la musique toirab et ça se vendait comme des petits pains. Il y a même des chanteurs de toirab qui sont partis chanter à Marseille, à Paris, à Mayotte…

 

Tounda : Dans votre répertoire, vous reprenez aussi des grands classiques comoriens…

SAA : Oui, c'étaient des vieilles chansons qui étaient mal enregistrées ou qui ont disparu. Dans mon album qui s'appelle "Mgodjo" ("Bâton" en shicomori, "Bankork" en shimaoré, ndlr), j'ai fait une chanson, comme un pot-pourri, où je reprends des chansons des années 60 ou 70 qui étaient chantées par les anciens et avaient disparues, en les arrangeant à la façon de Salim Ali Amir.

 

Tounda : Vous avez des maîtres qui vous ont appris cette musique ?

SAA : Quand j'étais jeune, à l'école coranique, on chantait le Coran en langue arabe. Dans les grandes manifestations publiques, j'étais devant, dès l'âge de 7 ans. J'ai commencé à aimer la chanson grâce aux chants religieux, mais ce n'était que de la musique arabe. Après j'ai commencé à regarder les gens jouer du clavier et j'ai essayé de jouer les mélodies de ma flûte dessus, mais ce n'était pas possible car c'était un clavier qui venait d'Europe et il n'y avait pas les gammes arabes. J'ai fini par apprendre et j'ai joué avec plusieurs groupes et découvert de la musique étrangère pour composer mes chansons. Toutes ces inspirations que j'ai eues quand j'étais jeune, je les ai encore en moi aujourd'hui, avec des chants bantous, des sonorités arabes et des arrangements occidentaux. Des mélodies orientales et des rythmes modernes…

 

Tounda : Justement, vous collaborez aussi avec des artistes modernes, comme le rappeur Rohff dans son dernier album cette année…

SAA : Oui, j'ai composé aussi pour pas mal d'artistes, par exemple la grande chanteuse de zouk comorien Chamsia Sagaf. J'ai chanté avec Rohff et aussi des jeunes, je chante même le rap, enfin je fais la musique !

 

Propos recueillis par Julien Perrot