Cela fait maintenant une semaine qu’une large partie du personnel du laboratoire privé de Mayotte est en grève illimitée. Une situation qui ne va pas en s’améliorant puisque le dialogue avec la direction est complètement rompu. Les salariés ont l’intention de se faire entendre coûte que coûte et qu’importe le temps qu’ils passeront dans les rues.
Les salariés du laboratoire privé de Mayotte sont tous les jours dans la rue depuis le mercredi 15 juillet, et ce malgré le silence assourdissant de leur direction. “Nous avons décidé de nous mettre en grève illimitée car en avril 2019 nous étions déjà en grève et avons signé un protocole qui n’est pas respecté aujourd’hui”, indique Ben Housman Abdallah, représentant du personnel et co-secrétaire général du syndicat Sud santé sociaux Mayotte. Selon ce dernier, le protocole garantissait l’application intégrale des grilles des salaires de la convention nationale des laboratoires. Mais après plus d’un an, rien n’a changé, les salaires sont les mêmes. Les grévistes demandent également des locaux pour installer leur CSE, une augmentation de la primé d’activité et surtout de meilleures conditions de travail. Ce dernier point est très délicat car le climat qui règne au sein de l’entreprise serait très pesant depuis la grève de 2019, selon les employés. “Au lieu d’apaiser les tensions, la direction a procédé à des représailles. Il y a un gros malaise, le lien est rompu. Des agents ont été rétrogradés, d’autres ont été poussés vers la sortie”, dénonce Ben Housman Abdallah. Des propos confirmés par une ancienne salariée du laboratoire qui manifeste également dans la rue pour soutenir ses anciens collègues. Elle a travaillé au laboratoire privé de 2015 à 2019 et a préféré démissionner après la grève de 2019. “Une prime de déménagement m’a été versée au début de l’année 2019, et suite à ma participation à la grève d’avril de l’année dernière, le directeur a retiré la prime précédemment versée de mes paies d’avril et mai, sans préavis et en plus j’étais enceinte et j’allais partir en congé de maternité. Et comme explication de sa part: « je vous rends la monnaie de votre pièce. J’ai tellement subi que j’ai fini par accoucher prématurément et j’ai dû démissionner par crainte de subir encore plus.
” Elle fait partie des trois techniciens qui ont quitté leurs fonctions en l’espace d’un an. Aujourd’hui, ils ne sont plus que cinq au lieu de huit, car les démissionnaires n’ont pas été remplacés. “La charge de travail a augmenté puisqu’ils refusent de remplacer les démissions et les congés maternités. Cette situation fait des dégâts, les gens sont usés psychologiquement”, alerte le représentant du personnel.
Mettre fin à la situation de monopole
Ce lundi, les grévistes ont sillonné les rues de Mamoudzou jusqu’aux locaux de l’ARS à Kaweni où ils ont été reçus par une délégation, en l’absence de Dominique Voynet. Ils ont fait part de toutes leurs revendications mais la réunion était motivée par un point crucial : la situation de monopole dont bénéficie l’unique laboratoire privé de l’île. “Si notre direction se permet tout cela et ne cherche pas à entamer des discussions avec nous c’est tout simplement parce qu’elle a le monopole à Mayotte. Ils n’ont pas de concurrents et donc rien à perdre”, affirme Ben Housman Abdallah. Les salariés souhaitent que l’ARS mette fin à cette situation et favorise l’installation de d’autres laboratoires privés sur le territoire. “Il est vrai que la concurrence aide à la qualité de service et à se remettre en cause. Mais pour l’instant, aucun investisseur ne s’est manifesté pour ouvrir un deuxième laboratoire privé à Mayotte”, indique Christophe Leikine, directeur de cabinet de l’ARS Mayotte. L’agence serait favorable à l’installation d’un nouveau laboratoire, mais s’agissant d’un domaine privé, elle ne peut être à l’initiative. “Il faut que des investisseurs se lancent d’eux-mêmes, ce n’est pas à l’ARS de le faire”, rappelle Christophe Leikine.
Une chose est sûre, les salariés grévistes sont soutenus par les patients et par les infirmiers libéraux de l’île qui ont pris part à la manifestation de lundi. “Nous sommes solidaires car nous souhaitons qu’il y ait une issue rapide à ce conflit. Installons un nouveau laboratoire ou alors que le laboratoire actuel développe mieux ses prestations pour que tout le monde soit satisfait”, souhaite Éric Roussel, secrétaire général du syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (SNIIL) de Mayotte. Cette grève ralentit le travail des libéraux car il est impossible d’établir certains diagnostics. Elle a également un impact sur les tests Covid-19. Suite à cela, le directeur du cabinet de l’ARS affirme que la capacité de tests au CHM “a considérablement été augmentée, mais on a besoin du laboratoire privé”. La direction du laboratoire n’a pas souhaité communiquer sur le conflit social au sein de l’entreprise, mais elle signale avoir repris son activité. “Nous nous sommes organisés en interne, nous accueillons le public, il n’y a aucun souci.” Un comportement qui agace d’avantage les grévistes. Ces derniers ont décidé de bloquer l’entrée principale du laboratoire tant que les directeurs ne les écouteront pas.
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