Août 2009 – Lieu-dit M’tzamboro

 

{xtypo_dropcap}L’{/xtypo_dropcap}étymologie de M’tzamboro peut s’expliquer de deux manières différentes : la première viendrait de l’ethnie M’chambara ou M’zambara originaire du Mozambique et dont les premiers habitants du village proviendraient. La seconde viendrait de la composition de M’tsa (dimunitif de M’tsanga, plage en shimaore) et Boro (Mwalimu Boro, un des premiers rois de la localité). D’où la persistance de deux graphies différentes pour désigner la ville : M’tzamboro ou M’tsamboro.

Au 16e siècle, la capitale de Mayotte est transférée à Tsingoni. M’tzamboro aujourd’hui, c’est surtout en premier lieu pour les visiteurs, les îlots. Un lieu paradisiaque pour les amateurs de plongée, mais aussi pour les amateurs de bronzette, de bivouacs et de voulés, accessibles grâce aux barques des pêcheurs du village. Malgré une topographie étriquée, le village de M’tzamboro a de quoi attirer les curieux.

En ce moment, de nombreux Mahorais y viennent chercher des oranges juteuses et sucrées. La Poste et la gendarmerie maintiennent la présence d’un service public dans une zone isolée de Mamoudzou. Historiquement, M’tzamboro a longtemps été un grand village. Aujourd’hui, M’tzamboro (2.872 habitants au dernier recensement) est moins peuplé que Dzoumogné (3.286), Acoua (3.276) et M’tsangamouji (3.724) dans le Nord, mais reste dynamique.

Mayotte Hebdo s’est attardé dans ce village pour vous en présenter quelques personnages qui comptent, les activités qui s’y déroulent et même une légende. Alors laissez-vous entraîner vers M’tzamboro la septentrionale.

 

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Les origines du nom MtzamboroLes origines du nom Mtzamboro

{xtypo_dropcap}M{/xtypo_dropcap}ayotte, Mayotta d’après William Johnes, Aliola d’après Flacourt, Ayotta suivant quelques manuscrits et avec l’article, M’ayota, est connue depuis la fin du XVIe siècle sous le nom qu’elle porte aujourd’hui. A une époque très reculée qu’il serait téméraire de préciser, elle fut peuplée par des noirs venus de la côte d’Afrique. De quel point de la côte venaient ces noirs ? Quel était leur degré de civilisation ? Il est impossible de le dire. On ne trouve dans l’île, aucune de ces armes ni aucun de ces instruments de pierre, dont l’examen pourrait fournir de précieux renseignements. Les seuls indices de leur origine africaine sont 1) le nom de M’chambara ou M’zambara, donné par eux au nord de l’île, qui est le nom d’une peuplade considérable de la côte de Mozambique […]

 

Angazidja, Anjouan et Mohéli furent habités par des Arabes longtemps avant Mayotte. Ce n’est que vers le Ve siècle de l’Hégire, à la suite d’événements incertains, probablement la conquête d’Angazidja par les sultans de Kiloua, que quelques Arabes vinrent se fixer au Nord de Mayotte, au point appelé M’chambara dont ils firent M’zambourou. Vers l’an 600 de l’Hégire, dit un manuscrit, les îles d’Anjouan et de Mayotte ne formaient qu’un état il n’y avait pas de roi : des chefs commandaient dans les divers quartiers ; un chef avait le commandement des autres à Mayotte ; il habitait à M’zambourou. […] Ce noyau grossit avec le temps et au moment de la conquête de Mayotte par Mohamed-ben-Haïssa, l’île était divisée entre les Arabes, établis au Nord et au Centre, dans les villes de M’zambourou, Chingoni et Sada et les Sakalaves établis au Sud, de Koïlé à Sazileh.

 

Extrait d’“Essai sur les Comores” par A. Gevrey, 1870

 

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Il était une fois le sucre

 

Il était une fois le sucre

{xtypo_dropcap}L{/xtypo_dropcap}es M’tzamborois sont réputés à Mayotte pour être des amateurs plus qu’acharnés d’aliments sucrés. À tel point que quand on vous voit mettre des quantités excessives de sucre dans votre tasse de café ou de thé, on vous interpelle en vous disant “tu es de M’tzamboro ?”. Les M’tzamborois eux-mêmes ne réfutent pas ce fait et l’expliquent même par une légende.

 

M’tzamboro et le sucre, c’est une histoire d’amour qui dure depuis maintenant bientôt deux siècles. Les M’tzamborois n’hésitent pas à en faire référence autant qu’ils le peuvent. La principale équipe de football se nomme Abeilles et son slogan est “la force du miel”. L’un des groupes de musique a pour nom Mro Nguizi ("Rivière sucrée"). Les oranges produites sur l’îlot de M’tzamboro sont perçues unanimement par l’ensemble des Mahorais comme les meilleures de l’île puisqu’elles sont bien sucrées.

Pourtant, M’tzamboro ne possède pas plus de diabétiques que d’autres localités. Si les M’tzamborois avouent aimer le sucre, l’explication viendrait de la légende de la rivière sucrée. Celle-ci connaît plusieurs variantes. “À M’tzamboro, personne n’est capable de dire si c’est une histoire vraie ou une légende. Mais chaque M’tzamborois te dira qu’il l’a entendue de son père ou de sa grand-mère, mais personne n’est capable de la dater”, affirme Rastami Spelo.

Celui-ci l’a entendue la première fois par son père Soumaïla Mdallah Mcolo, qui lui-même la tenait de sa grand-mère. Ainsi, le président de Shime date l’apparition de la légende vers la fin du 19e siècle. “Ma mère est née en 1922 et elle dit l’avoir entendue par sa grand-mère. J’en conclus donc que l’apparition de la légende coïncide avec l’exploitation sucrière à Dzoumogné.”

 

Jeter vaut mieux que mal partager

 

Une des versions de la légende affirme que les M’tzamborois aiment tellement le sucre qu’ils ont voulu rendre perpétuellement sucrée leur rivière en y déversant des quantités incalculables. Cette version n’est pas privilégiée par Rastami Spelo, ni par les anciens Daoud Saanda et Ahamadi Issouf, dit Zafera. Ils avancent une autre histoire.

À l’époque de l’exploitation sucrière à Dzoumogné, de nombreux ouvriers agricoles originaires de M’tzamboro y travaillaient. Les colons avaient décidé de payer leurs employés avec des sacs de sucre. Mais il s’est avéré que le nombre de sacs pour les habitants de M’tzamboro était insuffisant.

“En fait, le chef de l’exploitation voulait semer la zizanie au sein du village de M’tzamboro. En fournissant une quantité insuffisante de sucre, le chef de l’usine voulait destituer le chef du village. Mais c’était sans compter sur la sagesse de celui-ci”, narre Rastami Spelo.

Devant organiser un mulidi, le chef du village a réuni sa communauté pour savoir comment partager le sucre. Ne trouvant pas de solution et ne voulant pas être injuste avec la population, il a décidé de renverser les sacs de sucre dans la rivière. Les habitants sont partis et le mulidi s’est très bien déroulé, à la grande fureur du chef de l’usine sucrière.

 

Du sucre comme engrais

 

“Cela a évité les disputes. On raconte même que la rivière est devenue sucrée et que les M’tzamborois buvaient à même la rivière”, explique pour sa part Zafera. Daoud Saanda a une version qui diffère un peu. Pour lui, seuls les habitants de M’tzamboro avaient accepté de ramener les sacs de sucre chez eux, les autres villages pensaient que le contenu des sacs était un poison.

“À l’époque, personne ne connaissait le sucre, ils ont cru que les Wazungu voulaient les empoisonner. À M’tzamboro, les gens ont déversé le sucre dans la rivière pour voir si tout ce qu’il y avait autour allait mourir. Ne remarquant rien de tel, les gens se sont dit que ce n’était pas du poison, mais au contraire un engrais qui rendait sucré tout ce qui était irrigué par l’eau de la rivière.” La fin de cette version est corroborée par une autre explication venue de Rastami Spelo.

“Aujourd’hui, on dit que le déversement du sucre s’est fait en saison sèche dans un puits et qu’à la saison des pluies tout a été poussé sous la terre, jusqu’à l’îlot de M’tzamboro. Ce serait ce sucre qui donnerait des oranges plus sucrées qu’ailleurs.” Zafera donne une explication plus pragmatique. “Si les oranges sont plus sucrées sur l’îlot, c’est dû au climat. Il n’y fait pas froid et les moustiques sont rares.”

Quoi qu'il en soit, quelle que soit la version de la légende à laquelle vous croyez, sachez qu’un amateur de sucre sera toujours associé au village de M’tzamboro.

 

Faïd Souhaïli

 


 

M'tzamboro, capitale de l’orange

M’tzamboro est connu à Mayotte pour abriter les meilleures oranges de l’île. Celles-ci sont cultivées sur l’îlot de M’tzamboro. Les villageois se rendent en barque pour entretenir les orangers et ramener les agrumes par sacs d’une vingtaine de kilos; la culture de la mandarine et des pamplemousses se développe d’année en année.

Dès que les producteurs débarquent sur la plage du village, les revendeuses s’agglutinent autour de ceux-ci pour être sûres d’avoir des fruits à acheter. Les marchandes se procurent le paquet de 8 oranges à 1 €. Dans la commune de M’tzamboro, elles sont revendues à 1 € les 6 et au marché de Mamoudzou 1 € les 4.

Une Fête de l’orange a été instituée depuis plusieurs années, attirant de nombreux touristes dans le village nordiste. Mais depuis l’an dernier, elle n’a pas pu se faire faute de financement. Cette année, elle pourrait avoir lieu en septembre, si le conseil général décide d’attribuer une subvention. La récolte de septembre est moins abondante que celle de juillet et les organisateurs semblent plutôt pessimistes. Mais, si vraiment vous voulez goûter aux oranges (vertes ou jaunes) délicieuses de l’îlot, faites le déplacement jusqu’à M’tzamboro. En plus d’avoir des fruits savoureux, vous serez peut-être tentés de pousser la balade jusqu’aux îlots Choizil ou sur l’îlot de M’tzamboro.

 

 {mospagebreak title=Musique : Nyamoja} 

 

Comme tout M’tzamborois qui se respecte, le groupe Nyamoja fait référence à l’orange dans l’une de ses chansons.

Nyamoja, l’union née de la division

{xtypo_dropcap}P{/xtypo_dropcap}endant longtemps, le paysage musical à M’tzamboro a été dominé par le groupe Mro Nguizi. Depuis 2004, une autre formation a vu le jour. Nyamoja, dont certains membres appartenaient à Mro Nguizi, est aujourd’hui le groupe musical le plus en vue du village.

 

Il n’existe pas de bon mariage sans soirée dansante ni mbiwi. A cette époque de l’année, toutes les formations musicales sont sollicitées par les couples célébrant leur union, afin de divertir leurs invités. Lundi dernier, la formation Nyamoja déplaçait tout son matériel de son vétuste banga au centre-ville de M’tzamboro, dans un camion.

Congas, claviers, batteries, guitares, tout était débarqué pour deux concerts : le premier à Sada pour des mbiwi en fin d’après-midi, et le deuxième pour une soirée dansante à Combani dans la nuit. Avec décontraction, mais tout de même avec empressement, les 7 membres du groupe vérifient que les cordes tiennent bien le coup.

Le groupe repart sur les routes après une tournée hexagonale de 2 mois en décembre 2008, qui a mis à jour des tensions entre les membres de Nyamoja. Certains d’entre eux ont été écartés et le groupe était tombé en léthargie. Pourtant, Nyamoja ("union" en shimaore) était née en 2004 avec un objectif précis : rester unis et soudés.

Miskani Ben Yahaya fait partie des membres mis de côté. Membre autrefois de Mro Nguizi qui s’est produit au wadaha du festival Donia de Nosy Bé en 2006, il aspirait avec le président actuel Bathenay de proposer des chansons aussi bien, voire meilleures que celles de Mro Nguizi. “Nous nous sommes séparés, mais nous voulions montrer que nous aussi on pouvait faire danser les gens. On a décidé de faire du m’godro”, explique Miskani Ben Yahaya.

 

“Nous donnons du bonheur aux gens”

 

Nyamoja y est parvenu puisque désormais c’est l’un des groupes les plus demandés pour les soirées, au même titre que les indétrônables Vikings de Labattoir ou Tama Music de Bandrélé. Les débuts ont été difficiles. Peu connus, il a fallu que chacun fasse des sacrifices financiers pour s’équiper en instrument de musique.

Au début, les répétitions se faisaient dans une salle d’école libre. Aujourd’hui, c’est dans un banga en tôles délabré que Nyamoja joue son répertoire. “Nous sommes une association qui donne du bonheur aux gens et on ne nous donne même pas de subvention ! Récemment, une dame après un chagrin d’amour pensait mettre fin à ses jours. Mais en écoutant l’une de nos chansons, elle a changé d’avis. Rien que pour ça, on mériterait d’avoir un meilleur local”, insistent les membres de Nyamoja.

La saison des mariages est importante, car elle permet de faire de nombreux spectacles et d’engranger des recettes. Pour un mbiwi il faut compter 400 € et 450 € pour une soirée dansante. Quand on joue tous les week-ends, cela permet de se faire un bon petit trésor de guerre pour le reste de l’année.

Le groupe n’a pas encore eu l’occasion d’enregistrer un CD, mais les chansons passent fréquemment sur les ondes radiophoniques. Certains villageois les ont même sur clé USB, faisant ainsi la promotion du groupe. Les titres de Nyamoja évoquent la vie quotidienne des Mahorais, parlent de problèmes de société (chikungunya) et n’oublient pas non plus l’un des thèmes les plus chers aux M’tzamborois : les oranges !

 

Faïd Souhaïli

 

 {mospagebreak title=Rastami Spelo, défenseur des langues locales}  

 

Rastami Spelo se dit être un M’tzamborois comme les autres. “Je suis chez moi partout à Mayotte, toutes les équipes de vétérans m’invitent pour jouer avec elles”, affirme-t-il non sans fierté.

 

Rastami Spelo, défenseur des langues locales

{xtypo-dropcap}A{/xtypo_dropcap}ctuellement dans l’équipe des conseillers du président Douchina, Rastami Spelo s’est fait connaître à M’tzamboro puis à Mayotte pour son action associative, notamment au sein de l’association Shime. Celle-ci essaie de promouvoir la pratique du shimaore et du kibushi, en créant notamment des supports écrits et en enseignant ces langues aux non-natifs de l’île.

 

Les habitants de M’tzamboro aiment à dire qu’ils font partie des rares villages mahorais à parler le shimaore “mnofu” ("pur", "véritable"). Né dans ce village, Rastami Spelo ne fait pourtant pas partie de ceux-là. “Il existe des variantes qui sont toutes valables. Certes, quelqu’un de M’tzamboro n’emploiera pas le vocabulaire identique à quelqu’un de M’tsapéré, mais du moment que tout le monde se comprend, c’est l’essentiel”, explique-t-il. Ce n’est qu'en 1999 qu’il a intégré l’association Shime (Shimaore méthodique ou encore "courage" en shimaore) qu’il préside aujourd’hui.

Son engagement associatif a commencé bien plus tôt, dans les années 80, dans différents quartiers de M’tzamboro et plus particulièrement à Ndzaudze (Dzaoudzi) et Fumbani. “Depuis longtemps, on allait au murenge (mourengué) et je faisais partie des organisateurs. J’ai fait partie aussi des créateurs de l’organisation des jeux ramadan (OJR) à M’tzamboro, puis ensuite à Hamjago et M’tsahara”, se souvient Rastami Spelo.

Il a également mis en place le premier tournoi de football communal, mais celui-ci s’est mal terminé pour une sombre histoire d’arbitrage. Au collège, il était le “délégué” des élèves dans les bus qui le transportait de M’tzamboro à Mamoudzou, quand il y avait des problèmes. Quand il obtient son bac au début des années 90, il s’envole pour la Réunion où il fera partie du bureau de l’Union culturelle des jeunes Mahorais de la Réunion, qui laissera plus tard la place à la Maison de Mayotte à la Réunion.

Etudiant en anglais, il part en France en 1995. Là-bas, il a été initié à la linguistique comparée et s’est évertué à l’appliquer au shimaore et à la langue anglaise.

 

Fundi awu mwana shoni ?

 

"On me disait que la langue appartient à ceux qui la maîtrise. J’avais des amis comoriens qui devaient passer des examens d’anglais et j’ai appliqué la linguistique comparée pour leur faire comprendre notamment le présent, le present perfect et le présent progressif, qui ont un équivalent en langue comorienne. Ils ont eu la moyenne et ça m’a encouragé à aller plus loin.”

Plus loin, c’est la maîtrise en 1997 à Aberdeen en Ecosse. Il y effectuera un mémoire sur l’enseignement de l’anglais à Mayotte. “Il fallait présenter Mayotte et ses langues. C’est comme ça que j’ai appris à présenter le shimaore. C’est là que j’ai découvert que si le shimaore est ma langue, on ne me l’avait jamais apprise.”

En 1999, il rentre donc dans l’association Shime et y enseigne le shimaore. L’écho du travail commence à porter, notamment chez les jeunes M’tzamborois. “A chaque fois, ils me testent pour savoir si j’arrive à trouver une expression mahoraise ou le sens d’un mot. On m’appelle fundi ("maître"), mais je préfère me voir en mwana shoni ("élève")”, précise avec modestie celui qui s’est donné pour mission de promouvoir et sauvegarder le shimaore et le kibushi.

En effet, une partie de sa famille provient de Nosy-Bé et il maîtrise également le kibushi. Ce passionné de langues est entré en politique en 1993 au sein du RPR. Aujourd’hui, il fait partie des figures incontournables de l’UMP à M’tzamboro. Son activisme enthousiaste l’a mené au cabinet d’Ahamed Attoumani Douchina, également membre de l’UMP.

En tant que défenseur des langues locales, Rastami Spelo avait suggéré la création d’un organisme chargé de codifier les langues locales, à l’image du Bakita (Baraza la kiswahili la Taifa) en Tanzanie pour le swahili. Pour l’instant il n’a pas été entendu, mais peut-être que sa présence au sein de l’exécutif décentralisé pourra influer le cours des choses.

 

Faïd Souhaïli

 

 {mospagebreak title=Zafera, le militant 100% Soroda}   
 
 

Zafera n’a pas reçu une éducation scolaire, mais a su gagner le respect de ses concitoyens grâce à un dévouement total au MPM, puis au MDM.

Zafera, le militant 100% Soroda

{xtypo_dropcap}S{/xtypo_dropcap}i M’tzamboro a vu un nombre conséquent de ses enfants compter sur l’échiquier politique mahorais, à l’image de l’ancien député de l’assemblée territoriale des Comores Younoussa Ben Ali ou encore d’Inzoudine M’kadara, ex-assistant-parlementaire de Mansour Kamardine, le village a également accouché de personnes plus modestes, mais tout aussi influentes et respectées que ces élus. C’est le cas d’Ahamadi Issouf, alias Zafera, qui se définit comme un serviteur de la cause Mayotte française.

 

Les livres d’histoire retiennent souvent les noms des dirigeants qui ont pesé sur le destin d’une nation ou d’une ville. La grande majorité des exécutants est jetée aux oubliettes. À M’tzamboro, un homme, modeste et qui vit en toute simplicité, bénéficie pourtant d’un statut à part. Il s’agit d’Ahamadi Issouf, plus connu sous le surnom de Zafera.

Aujourd’hui, l’homme travaille au parc public de la pointe Mahabou à Mamoudzou. Tous les matins, il fait le trajet entre M’tzamboro et Mamoudzou pour s’y occuper de l’entretien des espaces verts. Ce métier ne s’éloigne pas trop de l’agriculture, métier qu’il a dû apprendre très tôt dans son enfance.

“Je n’ai pas eu la chance d’étudier et en plus il était difficile de manger, donc je ne suis pas resté très longtemps à l’école”, se justifie ce sexagénaire. Cela ne l’a pas empêché d’intégrer très jeune le Mouvement populaire mahorais (MPM), le parti des Soroda (Soldats) et des partisans du maintien de Mayotte au sein de la République française.

“Vous savez, dans le temps c’était bien différent d’aujourd’hui où cohabitent plusieurs partis politiques. À mon époque, il n’y avait que le MPM. Tout le monde y entrait pour défendre les intérêts de Mayotte et on a tous suivi”, se rappelle Zafera. Se définissant comme un “100% Soroda”, l’homme se souvient des années ayant conduit à la séparation de Mayotte des autres îles de l’archipel des Comores.

 

Cinq heures de marche pour aller assister aux réunions du MPM

 

“J’avais 27 ans quand le gouvernement comorien d’Ahmed Abdallah a déclaré unilatéralement l’indépendance. A l’époque, j’étais chargé par le MPM de M’tzamboro de faire le relai entre Mamoudzou et notre village. Je partais là-bas à pied tôt le matin, j’assistais aux réunions de l’état-major du parti et je revenais le lendemain pour en faire le compte-rendu aux M’tzamborois."

Aujourd’hui, après la consultation du 29 mars, Zafera est plutôt satisfait du chemin parcouru par Mayotte. “C’est ce qu’on voulait, le département, pour avoir une meilleure vie. On va avoir les avantages de ce statut, mais aussi les inconvénients et ça il faut l’accepter aussi”, lâche-t-il avec philosophie.

Ce combat n’a pas été tranquille. Zafera se souvient avoir fait 6 mois de prison pour avoir attaqué le village d’Acoua, défendu par feu Saïd Toumbou, figure mythique des Serrez-la-main (partisans de l’indépendance avec les Comores). “On était parti là-bas pour essayer de discuter et leur demander de soutenir la cause de Mayotte française. Ils ne l’ont pas voulu et je me suis fait arrêter par la suite. Je suis même passé deux fois au tribunal à Ngazidja”, explique le M’tzamborois. Pour toutes ces raisons, Zafera occupe une place primordiale au sein de la section MDM de M’tzamboro.

 

“Le bomo a complètement disparu”

 

“Encore aujourd’hui, on vient toujours me consulter quand il y a une décision importante à prendre”, dit-il, pas peu fier d’être considéré comme un rouage important du parti départementaliste. Si Zafera est une personnalité de M’tzamboro, c’est également parce qu’il fut un grand combattant de mourengué, mais aussi un danseur hors pair.

“Avant, il n’y avait pas toutes ces distractions qu’ont les jeunes. Nous on s’amusait dans les mourengués, les chigomas, le ngoma ya nyombe (tam-tam bœuf) et le bomo. Le bomo, ça a complètement disparu. Le tam-tam spécial ne se fait plus et personne n’est capable de refaire ça”, fait-il en se mettant à danser en sautillant. Il regrette qu’à M’tzamboro il n’y ait pas d’association, à l’instar de Kinga Folk de Labattoir, pour essayer de remettre les danses traditionnelles au goût du jour et surtout transmettre cet héritage aux générations futures.

Autrefois, les M’tzamborois étaient réputés comme des combattants redoutables au mourengué. “On ne faisait que répéter les gestes des plus grands”, explique un autre ancien, Daoud Saanda. Une consigne que Zafera a faite sienne et qui lui a permis de se faire respecter par tout son village.

 

Faïd Souhaïli

 

 {mospagebreak title=Le tourisme, seule voie évidente de développement}

 

A côté des pavés, la plage... La place de la mairie, refaite avec des pavés, donne un aspect attractif pour les touristes qui flânent sur le front de mer de M’tzamboro.

Le tourisme, seule voie évidente de développement

 

{xtypo_dropcap}L{/xtypo_dropcap}e village de M’tzamboro est situé à une quarantaine de kilomètres de Mamoudzou, centre économique et administratif de l’île. Coincé entre la réserve des crêtes du Nord et la mer, isolé, le village de M’tzamboro n’a pas assez d’atouts pour développer des zones commerciales ou industrielles. En revanche, la présence des îlots Choizil et de l’îlot de M’tzamboro en font un environnement propice au développement du tourisme. La municipalité de Mohamadi Soulaïmana l’a bien compris et le futur PLU de la commune prend largement en compte cette dimension.

 

Quand on est situé loin de Mamoudzou, il est difficile d’envisager pour l’instant un développement économique basé sur l’installation de grandes zones commerciales ou industrielles. La topographie du village (et de la commune) de M’tzamboro n’est pas très favorable à ce genre de projets. En effet, à M’tzamboro plus qu’ailleurs, le manque de foncier se fait sentir.

“Nous sommes coincés entre la montagne et la mer”, constate Sudine Abdallah, directeur des services techniques de la commune de M’tzamboro. Les zones d’extension des villages de Hamjago, M’tsahara et M’tzamboro sont donc réduites. Pour le chef-lieu de la commune, la seule zone envisagée est le sud-ouest en direction de M’tsangadoua.

Cette zone comprend les plages de M’tsanga Tsoha et Foumbouni. La première est inscrite dans le Padd comme l’un des 9 sites susceptibles d’accueillir une infrastructure hôtelière d’envergure sur Mayotte. La seconde avait été intégrée au projet de la famille Rovero pour la construction d’un ensemble hôtelier comprenant des bungalows de luxe. Ce projet de 17 millions d’euros s’étendant sur 8 hectares et qui prévoyait d’embaucher du personnel de la commune (plus d’une centaine de personnes), s’est heurté à l’hostilité d’un collectif dénommé Haqui za M’tzamboro.

Un autre projet, initié par Patrick Varela, convoite le site pour un écolodge. Auparavant bloqué par la non-validation du Padd par le Conseil d’Etat, ces projets sont désormais réalisables, à condition d’obtenir une AOT de la préfecture, mais surtout d’obtenir l’aval du conseil général qui a envisagé de lancer un appel à candidatures pour l’exploitation du site de Tsoha.

Il faudra ensuite convaincre la municipalité et surtout les M’tzamborois eux-mêmes de l’intérêt d’une structure hôtelière à Tsoha, eux qui ne veulent pas entendre parler de l’occupation de la plage de Foumbouni, estimant que cette zone est la seule à pouvoir accueillir l’extension du village.

 

Rien de neuf pour l’hôtel à Tsoha

 

Le maire UMP actuel a été élu notamment parce que son adversaire et prédécesseur MDM Ali Mohamed était favorable à l’installation d’un hôtel. Selon Suldine Abdallah, rien n’a été décidé concernant Tsoha. En revanche le PLU (Plan local d’urbanisme), qui est encore en cours d’élaboration, pencherait pour une vocation touristique de la commune.

“Nous avons effectué la phase diagnostic avec le bureau d’études. Là nous sommes dans la deuxième où l’on appelle les habitants pour leur exposer les diagnostics et recueillir leurs remarques. Mais avec la présence des îlots qui attirent beaucoup de touristes, on se dirigerait vers une orientation touristique”, affirme Suldine Abdalla

Le service politique de la ville pousse aussi dans ce sens là, en essayant de donner un coup de pouce aux projets de restauration, de petits commerces ou de bungalows en lien avec le tourisme. Tout cela serait accompagné par la revalorisation du front de mer, déjà entamée avec une promenade en bois sur pilotis qui s’étend de la place de la mairie à la MJC.

Non loin de là, la RHI (résorption de l’habitat insalubre) Gnambo est en cours. Réseaux d’assainissement, d’eaux pluviales, d’eaux usées, parkings, allées piétonnes et voiries nouvelles ont été créés dans ce quartier central où sont installés le plateau, la MJC, la Poste, l’association des Mamas confitures et la Snie.

Le projet total de la RHI, qui se déroule en plusieurs phases, doit s’élever à 2,23 millions d’euros, financé à 80% par l’Etat, 10% par le conseil général et 10% par la commune. De quoi redonner un aspect plus séduisant à l’image de la place de la mairie pour attirer de nouveaux visiteurs.

 

Faïd Souhaïli

NB : Pour plus d’informations sur les projets d’hôtels, voir les n°238, 267, 308 et 412 de MH.


 

Les autres projets prévus

La municipalité de M’tzamboro a prévu pour les mois qui viennent des projets structurants améliorant la qualité de vie des habitants. Ainsi, un lotissement est prévu dans le quartier de Hajamboué. Celui-ci fera la liaison entre les deux quartiers Madiana, Haut et Ouest, situés dans les hauteurs du village à l’entrée Sud.

Le terrain de football est en train d’être clôturé et éclairé, ce qui permettra aux Abeilles et au Guinée Club de s’entraîner la nuit et d’évoluer à M’tzamboro, même en cas d’accession en DH. Enfin, la station d’épuration communale devrait être construite par le Sieam près de la plage de Jiva, entre M’tzamboro et Hamjago.

 
 {mospagebreak title=Zamfi, citadelle (presque) imprenable du volley mahorais} 
 
 

Zamfi, citadelle (presque) imprenable du volley mahorais

Zamfi, citadelle (presque) imprenable du volley mahorais

{xtypo_dropcap}C{/xtypo_dropcap}réé en 1993, le Zamfi club de M’tzamboro est devenu en moins de 15 ans le club de volley le plus titré de Mayotte chez les hommes. Aujourd’hui, le village se fait connaître à l’extérieur de l’île grâce aux volleyeurs et il a ajouté une dixième couronne de champion à son palmarès.

 

Se déplacer à M’tzamboro pour y affronter Zamfi est toujours un long déplacement pour les équipes de volley mahoraises, à part pour les voisins de M’tsangadoua et Acoua. Ce voyage est d’autant moins apprécié que pour la plupart des cas cela rime avec défaite, du moins pour les adversaires de l’équipe première masculine.

Titulaire de 11 coupes de Mayotte et de 10 championnats, l’équipe de Zamfi est une redoutable mécanique. Portés par “la force de l’orange” (devise du club et fruit emblématique du village), les M’tzamborois ne laissent que des miettes à leurs adversaires, à la grande joie de leurs fervents supporters.

L’aventure a débuté en 1992, quand Fahardine Soyif, alias Wé, a commencé à introduire le volley pour occuper les jeunes de ce village septentrional. Le club s’affilie officiellement à la FFVB en 1993 et se charge de monter une équipe avec les jeunes du cru. “Les responsables du club ont misé sur la formation de nos jeunes sous la houlette de Wé qui était président et homme à tout faire du club”, indique l’actuel président Laïthidine Ben Saïd.

Celui-ci affirme qu’étant étudiant dans l’Hexagone, il recevait le Journal de Mayotte et celui-ci ne parlait de M’tzamboro que pour évoquer le volley. Revenu en 1998 à Mayotte, il prend la présidence de Zamfi à la place de Wé, jugé trop autoritaire par les volleyeurs. Cependant, cela n’entraînera pas de révolution puisque la politique de formation des joueurs du village va s’amplifier.

“A M‘tzamboro, tous les jeunes touchent à un ballon de volley. Quand il y en a un qui part, il y en a toujours un en réserve pour le remplacer et cela n’a jamais nui aux résultats. La preuve, chaque année on ramenait des titres dans toutes les catégories ! Le premier joueur originaire d’un autre village à jouer à Zamfi a été Assadellah Mohamed, dit Boudra, de Barakani, qui est arrivé il y a deux saisons”, explique Laïthidine Ben Saïd.

 

Une équipe féminine performante dans 2 ou 3 ans

 

Si pour les garçons, la machine fonctionne bien, cela a été plus difficile pour l’équipe féminine. “On l’a relancée l’an dernier. Nous avions déjà essayé auparavant, mais avec la concurrence du foot, les départs pour les études et puis le fait qu’une fois mariées peu reviennent au terrain, nous avons été contraint de la supprimer par manque d’effectif”, déplore le dirigeant de Zamfi.

L’équipe féminine actuelle a été reléguée en régionale 2 après une saison dans l’élite, mais le président n’est pas inquiet. “Nous avons des jeunes sur lesquelles nous misons et je vous donne rendez-vous dans 2 ou 3 ans”, avance-t-il. L’année 2009 aurait pu être l’occasion pour les supporters de Zamfi d’aller encourager leur équipe au gymnase de Kavani pour l’édition de la Coupe des clubs champions de l’océan Indien de volley-ball, mais la ligue a préféré se désister, estimant que Mayotte ne possédait pas encore les infrastructures nécessaires à l’organisation d’une telle compétition.

Les M’tzamborois, habitués de cette épreuve, tout comme du match qualificatif de Nationale 3 contre les Réunionnais (perdu cette année à Kavani contre le VBC Saint-Leu) avaient commencé à supplanter dans le cœur des sportifs les footballeurs des Abeilles et du Guinée Club.

Mais en juin dernier, Zamfi s’est incliné en demi-finale de la coupe de Mayotte contre son rival du VC M’tsapéré. A l’issue du match, les arbitres ont été agressés et une sanction privant Zamfi de terrain la saison prochaine a été prononcée. “Loin de notre terrain, je crains que l’engouement que nous avions créé retombe”, s’inquiète Laïthidine Ben Saïd.

Si la passion pour le volley ne s’éteint pas, il n’y a pas de raison que tout ce qui a été construit en plus de 15 ans ne s’écroule en une saison, d’autant que Zamfi ira encore représenter Mayotte à la CCCOI en novembre prochain à Maurice.

 

Faïd Souhaïli

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