26/06/2009 – Tribune libre

 

{xtypo_dropcap}T{/xtypo_dropcap}rois principaux éléments peuvent retenir l’attention de l’opinion mahoraise : d’abord la modernisation du statut de droit local par voie d’ordonnances après habilitation du gouvernement. Ici le gouvernement veut aller plus vite. Ensuite le processus législatif qui s’ouvre avec l’adoption du projet de loi organique érigeant Mayotte en Département d’Outremer dès le mois de juillet prochain. C’est la prochaine phase. Elle sera suivie de l’adoption de la loi ordinaire destinée à proposer les solutions économiques et sociales.

 

Elle permettra aussi d’adopter la loi électorale connue sous le nom du mode de scrutin. Sur ce point de la loi électorale, trois propositions sont adressées au gouvernement. Il y a :

 

1. la proposition du conseil général ou plus exactement celle du comité de suivi de la départementalisation. Elle consiste à maintenir le mode de scrutin actuel dit de scrutin uninominal à deux tours. Ce mode a fait ses preuves à Mayotte et a montré ses limites à savoir que depuis 2001, il ne permet plus de dégager des majorités stables qui sont nécessaires à l’accompagnement du développement dont l’île a besoin.

Au contraire, il est source de divisions, provoque une instabilité politique, développe la corruption intellectuelle et démocratique des élus. Bref, il soumet à des chantages inacceptables les exécutifs. Chacun se souvient des conditions d’élection de Saïd Omar Oili à la présidence du conseil général en 2004. Nous avons encore en mémoire les conditions dans lesquelles M. Douchina a été élu président du conseil général

A chaque fois, il a fallu après plusieurs nuits de tractations, enfermer dans un lieu tenu secret la veille de l’élection des élus favorables à la candidature de la personne pressentie, portables éteints et retirés de leurs propriétaires. C’est une honte à la démocratie. C’est une véritable corruption sans nom à la démocratie. La loi électorale à venir doit tenir compte de ce fait.

 

2. La deuxième proposition sur la table du gouvernement est celle de la mairie de Mamoudzou qui revendique que soit pris en compte son poids démographique.

 

3. La troisième est celle de l’UMP qui, faute d’avoir été prise en compte par le comité susvisé, a décidé de faire cavalier seul et de saisir directement le gouvernement. Celle-ci propose en effet une loi électorale en quatre points :

– fixer à 43 membres la composition de la prochaine assemblée du conseil général

– redécouper les cantons de Mamoudzou, Koungou et Dzaoudzi-Labattoir pour tenir compte de leur poids démographique en leur allouant respectivement 2, 1 et 1 conseiller (s) de plus

– ensuite, faire élire dans les 23 cantons comprenant les 5 de Mamoudzou, les 2 de Koungou et les 2 de Dzaoudzi-Labattoir au scrutin uninominal à deux tours

– enfin faire élire au scrutin de liste à la proportionnelle à la plus forte moyenne les 20 autres élus en y instaurant la parité homme/femme

Face à ces trois propositions, le gouvernement a décidé de ne pas décider dans la précipitation. Il a décidé d’envoyer une mission à Mayotte en vue de rechercher une possible solution de compromis qui satisfasse tout ce monde.

Pour ma part, je voudrais saluer la solution préconisée par l’UMP pour des raisons facilement compréhensibles qui, je l’espère, traduisent l’intérêt général qui doit nous animer, même si cette proposition peut souffrir d’amendements. Elle est, en effet, la mieux à même de s’inscrire dans le sens de l’histoire démocratique de Mayotte d’aujourd’hui et de demain.

D’abord parce qu’elle permettra de faire une place aux femmes dans le cadre de la parité – point qui m’est plus que sensible – chacun sait que pour moi la place de la femme est à côté de celle de l’homme. La prochaine assemblée locale doit faire de la place aux femmes.

Cette conviction m’anime depuis toujours. Elle m’est irréfragable depuis la dernière campagne de la consultation. Qui peut honnêtement nier le rôle prépondérant pris par les femmes mahoraises dans les résultats de la consultation du 29 mars 2009 ? Sur 10 personnes présentes aux meetings, 8 à 9 étaient des femmes. Pourquoi continuer à les exclure dans le partage des responsabilités ! Elles étaient responsables dans l’animation de la campagne, elles doivent avoir toutes leurs places dans la conduite des affaires du futur département. Et l’argument qui consiste à affirmer leur indisponibilité sans les y avoir interrogées n’est ni pertinent ni recevable.

Le deuxième argument qui milite en faveur de la place pour les femmes tient au fait que c’est surtout seulement depuis 1999, avec l’entrée en vigueur de la loi sur la parité, que les femmes participent à l’animation des municipalités. Elles sont maires, officiers d’état civil, etc, au bonheur des populations.

Une étape doit être franchie avec leur accueil dans la future assemblée du conseil général dont la singularité de ses compétences départementales et régionales peut justifier l’adoption d’un scrutin mixte, voire de liste intégrale.

Le troisième motif qui me conduit à l’adoption de la proposition UMP tient aux orientations du Pacte pour la départementalisation qui propose l’invention d’un statut de département très singulier pour Mayotte afin d’éviter les erreurs commises ailleurs. L’exclusion des femmes dans le jeu politique est une des erreurs à ne plus commettre.

Enfin, cette proposition me parait responsable et pertinente. Elle s’inscrit pleinement dans les orientations qui se dessinent au plan national depuis le rapport Balladur relatif à la réforme des collectivités locales. Je veux en cet instant formuler le vœu que tous ceux qui croient et qui aiment Mayotte fassent le pas pour favoriser ces orientations responsables et de bon sens.

 

Le second point évoqué avec Madame Michèle Alliot-Marie et Monsieur Yves Jégo a trait aux Etats généraux de l’Outremer dans sa version mahoraise. Je dois ici avouer mon embarras à entendre les interventions de certains responsables politiques évoquant à l’endroit du gouvernement des dossiers relevant de la compétence du conseil général.

Je pense particulièrement à la régularisation foncière dont le service est plus que sinistré depuis plusieurs années. Voici un service d’une brigade de plusieurs personnes qui, depuis 5 ans demandent à servir et n’ont pas réussi à régulariser aucune parcelle. Et pour cause… outre les conflits de chefferie, il manque les moyens permettant aux agents de se mettre au travail; ils en souffrent. C’est la conséquence d’une absence de définition politique des objectifs qui remonte au temps de la précédente mandature et continue avec l’actuelle. Or, sans maîtrise de la matière foncière, point d’organisation d’impôts locaux, point de politique de logement social, point de développement touristique, etc…

D’autres dossiers de même acabit ont été évoqués. Je n’insisterai point davantage si ce n’est pour évoquer les demandes insistantes de la part de Monsieur Yves Jégo, secrétaire d’Etat à l’Outremer qui demande instamment au conseil général l’élaboration des projets susceptibles de recevoir un financement par le Fonds mahorais de développement. L’exemple le plus criant est celui du plan de lutte contre l’illettrisme en langue française des adultes, plan qu’il réclame depuis plusieurs mois.

L’on peut évoquer sans risque d’un démenti pertinent l’incapacité du conseil général à mobiliser les fonds européens destinés au développement de l’île. Ces manques de rigueur sont gravement préjudiciables à la suite des événements et des débats relativement aux Etats généraux pour Mayotte.

 

C’est le troisième point évoqué à Paris. Sur ce dernier point, chacun doit avoir à cœur que ces Etats généraux soient un succès au service du développement économique et social de l’île. C’est pourquoi je considère que le gouvernement de Monsieur Fillon qui est très mobilisé sous l’autorité du Président de la République Nicolas Sarkozy doit envoyer au-delà du message relativement au calendrier législatif, d’autres messages très forts en réponse à la demande légitime du pouvoir d’achat.

J’ai à l’esprit l’amélioration de la situation des retraités qui, à la force de leurs poignets, ont façonné Mayotte telle que nous la connaissons aujourd’hui. L’intervention du décret relatif à la retraite des fonctionnaires locaux est plus qu’urgente. Il est attendu depuis février 2007. De même doit être pris en compte la situation des retraités du privé qui ont permis à la Caisse de sécurité sociale de Mayotte de verser plusieurs millions d’euros de ses excédents à la Caisse nationale. Celle-ci doit pouvoir, en tenant compte de ces apports massifs, faire plus qu’un geste en faveur des retraités mahorais. Pour une fois qu’ils ne viennent pas quémander, ils méritent d’être entendus et pris en compte avant qu’il ne soit trop tard. C’est un élément important de pouvoir d’achat.

De même, le retard pris dans la publication du décret foncier favorisant le transfert des périmètres urbanisés dans la zone des pas géométriques constitue un frein à l’instauration d’impôts locaux fonciers, au développement économique du tourisme, mais également de mise en place d’une véritable politique de l’habitat social.

 

Ces trois mesures sont des éléments forts du débat sur les Etats généraux et sur le pouvoir d’achat à Mayotte. Rien de sérieux ne justifie les retards pris – Convenons-en !

Bien évidemment les travaux sur les Etats généraux nous permettront de revenir sur d’autres sujets tous d’importance majeure pour Mayotte. Qu’il s’agisse du développement durable avec en prime les préoccupations environnementales. Je pense à notre indépendance énergétique et à défaut à la réduction de sa facture. Qu’il s’agisse de la politique de développement des grands travaux dont la piste longue, le port, etc. Sur tous ces points, nous aurons l’occasion d’y revenir et de proposer des projets susceptibles d’émarger sur le Fonds mahorais de développement – FMD.

En attendant, il est un point que je ne peux laisser trop longtemps en secret sans trahir l’ensemble des électeurs qui ont porté leur suffrage le 29 mars dernier en faveur du "oui" et méconnaître le Pacte lui-même qui engage le Gouvernement de la République.

Il s’agit du sinistre projet piloté depuis Mayotte pour la suppression du tribunal supérieur d’appel de Mamoudzou et de faire de la justice à Mayotte une succursale de la cour d’appel de Saint-Denis de la Réunion. Politiquement, ce funeste projet ne peut recueillir l’assentiment des Mahorais qui y verraient une première trahison du gouvernement :

– d’abord parce que les Mahorais ont toujours affirmé leur circonspection à l’égard de tout rattachement à la Réunion depuis la Monarchie jusqu’à nos jours. Le décalage entre les niveaux de développement entre les deux îles y contribue également. Les exemples du tribunal administratif ou de la caisse d’allocations familiales nous interpellent et nous obligent à nous opposer.

– ensuite les orientations pour ces 25 prochaines années ont été largement décrites dans le Pacte gouvernemental pour la départementalisation. Or, celui-ci ne nous a jamais proposé la suppression du tribunal supérieur de Mamoudzou au profit de la cour d’appel de la Réunion. En matière de justice, Mayotte a accepté une réforme en profondeur de son organisation avec la suppression de la justice cadiale qui sera transformée en centres de médiation.

Ce que nous attendons du Gouvernement n’est point la suppression du tribunal supérieur d’appel et son rattachement à la Réunion, mais bel et bien d’un renforcement des moyens alloués à la Justice avec la création d’une cour d’appel de plein exercice, d’une cour d’assises de droit commun et d’un tribunal de grande instance.

 

Mansour Kamardine,

Ancien député de Mayotte

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