{xtypo_dropcap}T{/xtypo_dropcap}ounda : Nous sommes à quelques mois du Fim, il y a plusieurs noms qui circulent. Est-ce-que vous pouvez nous dire quels artistes seront là cette année ?

Alain-Kamal Martial : Pour le Fim, rien n'est encore signé, on ne sait pas précisément qui vient. Nous attendons d'avoir des contrats signés avant de communiquer là-dessus. Mais il faut savoir que le service culturel fait partie des plus touchés du conseil général en ce qui concerne les réductions budgétaires. Du coup, la seule chose dont on est sûr, c'est que cela va être un très petit Fim. Il n'est même pas financé à 10% de ce qu'on nous a donné l'année dernière. Mais je comprends aussi les contraintes qui pèsent actuellement sur le conseil général.

 

Tounda : Comment faites-vous concrètement pour concilier la nécessité d'organiser des évènements récurrents, tel que les festivals, et ces contraintes budgétaires ?

AKM : Nous essayons de travailler avec des producteurs de la région pour avoir des artistes intéressants à un prix abordable. Aujourd'hui Mayotte est connectée à plusieurs réseaux, africains, régionaux et européens, de diffusion de la musique. J'ai des contacts avec Jérôme Galabert du Sakifo, avec Youssouf Mohamed à Zanzibar, d'autres au Mozambique ou en Afrique du Sud. Mais aussi avec le Kabardock, qui est l'une des plus importantes structures de diffusion et de production d'artistes dans la région, du coup tout est possible.

De plus, nous ne sommes plus dans l'ancien système où tout se faisait au dernier moment. Je travaille sur le Fim depuis décembre 2008. Mais il faut aussi avoir des moyens, ce qu'on n'a pas actuellement. Jusque là, le service culturel bénéficiait des réductions chez Air Austral. Mais ce système a été arrêté. De 2004 à 2007, nous avions 90.000 euros de dettes là-bas. Et près de 360.000 euros avec de nombreux partenaires. Tous les fournisseurs et hôtels refusaient de travailler avec nous. Nous avons donc sacrifié tout le budget 2008 pour liquider cette dette. On en est sorti, mais aujourd'hui on doit faire face à une réduction budgétaire.

Grâce à nos réseaux, nous arrivons à faire venir des artistes qui passent dans des festivals réunionnais qui ont beaucoup plus de moyens. Dans la région, c'est essentiellement là-bas qu'ils vont. Au lieu de faire venir un artiste comme Ki-mani Marley ou Pablo Moses depuis la Jamaïque – le voyage en avion étant très coûteux – on les prend seulement lorsqu'ils passent par ici.

 

Tounda : Est-ce-que le service culturel souffre toujours d'une mauvaise image auprès des artistes par rapport à l'organisation et aux cachets non payés?

AKM : Nous avons beaucoup progressé à ce niveau-là. Aujourd'hui tous nos artistes sont payés. Les rares cas où il y a des problèmes correspondent à des artistes dont le réseau bancaire est difficile à joindre, comme pour les Mozambicains. Nous avons aussi bien avancé sur un point de vue technique. Les artistes savent qu'ils n'auront pas le même public. Si à la Réunion ils arrivent à avoir jusqu'à 30.000 personnes, ici ce sera dans les 4.000 à tout casser. Pourtant ils font l'effort de venir.

Par exemple, nous avons eu Moses et Leroy, pour 5.000 euros alors qu'ils avaient demandé 12.000 à la Réunion. Pareil pour Tiken Jah qu'on a payé 7.000 euros au lieu de 20.000 euros. Mais il est vrai qu'ils n'ont rien à perdre. En général ils ne restent qu'une journée ici.

 

Tounda : Et qu'apporte Mayotte aux autres festivals ?

AKM : La proximité de Mayotte avec les pays de la zone fait qu'il est plus facile pour nous de faire venir des artistes mozambicains et sud-africains ici et après nous pouvons les proposer aux Réunionnais. De même pour les artistes mahorais. Jimmy, Babadi, sont en passe de participer au Sakifo, au Angaradona à Tananarive et au Marabenta au Mozambique. C'est à dire qu'il y a des gens qui vont les prendre pour des concerts. Nous travaillons pour leur faire un press-book, on fait écouter leurs sons et je vais à la rencontre des responsables des festivals pour leur montrer qu'il y a un vivier intéressant à Mayotte. Nous sommes obligés de leur servir de manager en quelque sorte. Mais c'est aussi le cas pour la danse contemporaine et le théâtre. Aujourd'hui la compagnie IstaMbul est en tournée dans trois continents. Après l'Afrique, l'Europe, avec l'Allemagne, le Portugal, la France, la tournée va au Brésil et en Argentine.

Et comme ça on entend parler de Mayotte. Quand Papa Wemba ou Ayo viennent, les fans du monde entier savent qu'ils seront à Mayotte. Ce qu'on peut déplorer aujourd'hui c'est d'avoir réussi à créer cette dynamique, mais qu'au moment où ça se concrétise il n'y ait plus les moyens de le faire correctement.

 

Propos recueillis par Halda Toihiridini