{xtypo_dropcap}D{/xtypo_dropcap}eux hommes jouent aux dominos. Préser, le jeune qui porte jean et baskets, et Vatif, l'ancien en tenue traditionnelle. Vatif s'interroge : pourquoi entend-t-il régulièrement parler du sida ? Et d'abord, c'est quoi exactement le sida ? Au fil de leur conversation émaillée de quiproquos et des blagues potaches d'Ambass Ridjali – Vatif – qui soulèvent nombre d'éclats de rires dans le jeune public, on apprend ce qu'il faut savoir sur le sida, ses conséquences, les moyens de l'attraper, et surtout comment s'en protéger.

Une grande partie de la pièce, qui dure une trentaine de minutes, est consacrée au préservatif. Hamza, le comédien qui incarne le jeune Préser, insiste longuement sur le fait qu'il est le seul moyen connu d'éviter le sida, que l'on peut s'en procurer gratuitement en dispensaire et qu'il permet en plus – avec une très légère marge d'erreur – d'empêcher la grossesse. Vatif oppose les arguments de l'ancienne génération : le préservatif diminue le plaisir, rien ne vaut le "nyama na nyama" ("la chair contre la chair") et finit par se laisser convaincre lorsqu'il apprend le décès récent d'un de ses amis, âgé de juste 20 ans, emporté par la maladie.

"Le thème de la mort est important parce que cela fait peur et aide le message à passer", explique Ambass Ridjali qui présente cette pièce depuis 1996. "Aujourd'hui on peut vivre 20 ans en étant séropositif, mais il faut continuer d'insister sur le fait que le sida tue. Les jeunes connaissent la capote comme contraceptif, il faut leur faire comprendre que le plus important est de se protéger du sida."

 

Des connaissances très faibles

 

Cette année, l'écrivain a déjà joué la pièce dans son village de Tsingoni et envisage des représentations à Acoua, Sada et Pamandzi. Présent au collège de Kani-Kéli l'an dernier à l'occasion de Lire en Fête, il y a été de nouveau invité par les très actifs enseignants Valérie Calles et Antonio da Silva Melendo pour cette représentation devant une classe de troisième et deux classes de quatrième, qui ont justement au programme cette année le sida et la contraception.

A la fin de la pièce, le personnage de Vatif est devenu ardent défenseur de la capote et encourage jeunes filles et garçons à prendre leurs responsabilités en refusant tout rapport non protégé, suivant le slogan "Sans préservatif, négatif !", que les élèves reprennent en cœur. Les hurlements de rires qu'entrainent chaque évocation – pourtant pudique – du sexe sont le signe que les jeunes n'ont pas l'habitude de voir ce sujet abordé en public. Pourtant, le sexe ne leur est pas étranger, le collège de Kani-Kéli, comme tous les autres, a son lot d'élèves-mamans.

Leurs connaissances sur le sida sont en revanche très limitées, en témoignent les nombreuses questions qui sont posées à l'issue de la représentation. "Comment savoir si on a le sida ?" (dépistage gratuit et anonyme), "est-ce qu'on peut l'attraper au premier rapport sexuel ?" (oui), "si on boit dans le verre de quelqu'un qui a le sida, est-ce qu'on peut l'attraper ?" (non), "si j'ai le sida et que je contamine quelqu'un, est-ce que le sida part de mon corps ?" (non).

L'infirmière scolaire, le principal M. Léger et les deux enseignants Valérie et Antonio répondent à toutes les interrogations, le débat se poursuivra l'heure d'après en classe, afin de s'assurer que l'essentiel du message est passé. Avant de les libérer, la documentaliste leur présente une bande dessinée, distribuée gratuitement dans tous les CDI en Métropole, qui raconte l'histoire d'une lycéenne qui, après une soirée arrosée et un rapport non protégé, se retrouve séropositive. Plusieurs élèves sont candidates à la lecture.

 

Hélène Ferkatadji