27/03/2009 – Trois questions à… Mansour Kamardine

 

 

{xtypo_dropcap}M{/xtypo_dropcap}ayotte Hebdo : L'instauration de la fiscalité locale va-t-elle être une nouvelle charge pour les foyers et les entreprises de Mayotte ?

Mansour Kamardine : La réponse est tout à la fois oui et non. Oui parce qu’il y aura des impôts nouveaux qui apparaîtront. Je pense à titre d’exemple à la taxe d’habitation qui frappe les locataires d’immeubles. C’est non également quand on sait que par exemple tous les contribuables mahorais aux revenus mensuels compris entre 900 et 1.400 € pourraient être exonérés; ou encore à la réforme de la taxe professionnelle qui viendrait en lieu et place de la patente à laquelle toutes les professions commerciales, libérales et autres… sont assujetties, ladite taxe étant appelée également à disparaître.

L’on voit donc que l’affirmation dans un sens comme dans un autre n’est pas si évidente que cela. Pour le reste, ce n’est pas scandaleux que tous ceux qui habitent à Mayotte participent, à travers l’impôt et en fonction de leur capacité contributive, à l’effort de développement et d’aménagement de ce territoire. Pourquoi s’y opposer quand on sait qu’au travers de la solidarité nationale et des transferts financiers par le budget de l’Etat, ce sont des contribuables de Métropole et d’ailleurs qui viennent au secours de notre développement, alors que probablement ils n’utiliseront jamais nos équipements, faute de se rendre à Mayotte ?

Pour finir, il faut quand même noter que les contribuables mahorais paient déjà pas mal d’impôts, que probablement une harmonisation vers une fiscalité nationale et européenne conduira pour certains à en payer moins. Actuellement Mayotte n’est pas département et nous payons des impôts. Ce n’est donc pas la départementalisation qui conduira à payer plus d’impôts. C’est notre exigence de développement rapide et de modernisation économique et sociale qui conduit à plus d’impôts.

 

MH : Avec la fin de la justice cadiale, le statut personnel de droit local va-t-il disparaître d'ici quelques générations ?

MK : Il n’est pas proposé de mettre fin à la justice cadiale. Il est proposé de limiter ses compétences aux seules fonctions de médiation sociale. Dois-je rappeler que l’histoire des cadis sous la République, depuis sa réglementation par les décrets de 1931 et 1939, a été marquée par un encadrement de son champ de compétence ? Aussi, dès cette date, le cadi n’avait pas compétence pour statuer sur les matières pénales : crime, vol, etc. Les réformes de 2003 et 2005 ont poursuivi cette même direction.

En un mot, le cadi continuera d’exister pour être le représentant des musulmans dans les villages et dans les mosquées, pour concilier les justiciables dans leurs rapports sociaux, etc. La départementalisation ne fera donc pas disparaître le cadi. La menace du cadi vient de l’évolution des mentalités de la jeune génération, la responsabilité de la République dans ce domaine étant d’adapter la législation locale pour permettre à Mayotte d’épouser son temps, qui est le temps d’internet, etc.

 

MH : La départementalisation peut-elle signifier une marche forcée vers le droit commun, quand on sait que certains textes de lois et codes sont parfois difficilement applicables ici ?

MK : La loi est par nature quelque chose de toujours difficile car elle constitue à n’en point douter une atteinte à nos libertés primaires en les encadrant. Là encore, ce n’est pas la départementalisation. Vous observerez d’ailleurs que les difficultés provoquées par la loi ne sont pas propres à Mayotte, sinon nous n’aurions pas fréquemment des grèves et autres mouvements sociaux dans les rues de Paris. Ici un décret réformant le statut des enseignants-chercheurs, là c’est le CPE, etc. qui font descendre les populations dans la rue.

S’agissant de Mayotte, le trait est un peu grossi par la conjugaison de deux phénomènes, à savoir : la réforme demandée par tous mais qui fait toujours peur et la singularité mahoraise qui fait que la loi précède assez souvent à Mayotte les faits sociaux contrairement à ce qui se passe ailleurs.

Vous observerez d’ailleurs que malgré ces difficultés les Mahorais ont fait globalement preuve d’une très grande capacité d’adaptation dans la mesure où le DSIOM a étendu sans trop de heurts la quasi-totalité de la législation métropolitaine à Mayotte. Les choses se mettent progressivement en place, avant même l’arrivée de la départementalisation.

Pour conclure, je comprends assez aisément les appréhensions diverses sur la départementalisation qu’il ne faut pas accabler de tous les maux. La départementalisation est avant tout une question politique, puis institutionnelle, avant d’être technique. Les inquiétudes que vous soulevez sont des sujets techniques auxquels les pouvoirs publics doivent répondre, que l’on soit dans un statut départemental ou pas. Je veux dire ici toute ma confiance dans la départementalisation. J’espère qu’une majorité de tous ceux qui inscrivent leur avenir sur ce petit caillou français partageront avec moi cette conviction et cet enthousiasme.

 

Propos recueillis par Julien Perrot

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