Des souris et des femmes

Vendredi, un nouvel espace d’insertion sociale et professionnelle a été inauguré à Mayotte. La Maison digitale de Cavani, fruit d’un partenariat entre la fondation Orange et l’association Mlezi Maoré, vise à aider les femmes en situation précaire à s’approprier l’outil informatique afin de ne pas rester au ban de la révolution numérique et de l’emploi.

 

À l’heure du tout numérique, certaines de ces cocos n’avaient encore jamais eu ni souris ni clavier entre les mains. Dans les locaux de l’association Mlezi Maore, vendredi matin, une vingtaine de femmes de tous âges se sont rassemblées pour un atelier numérique à l’occasion de l’inauguration de la première Maison digitale de Mayotte, rue Jardin fleuri à Cavani, Mamoudzou. Cet espace dédié aux femmes en situation de précarité ou en recherche d’emploi a vocation à leur permettre, via le numérique, de faciliter leurs démarches, apprentissages ou loisirs, et de les aider à s’insérer dans le monde professionnel. Issue d’un partenariat entre la Fondation Orange – qui a déjà ouvert 250 espaces de ce type à travers le monde depuis quatre ans – et l’association locale de protection de l’enfance et de lutte contre l’exclusion Mlezi Maore, la Maison digitale est un dispositif de formation qui vise à donner plus d’autonomie et de perspectives professionnelles aux femmes de Mayotte. Les 23 bénéficiaires du dispositif sont déjà accompagnées par l’association Mlezi Maore, qui a bénéficié d’un financement à hauteur de 35.000 euros de son partenaire pour mettre en œuvre ce projet.

Sans qualification ni emploi, les femmes retenues pour participer au projet ont des profils variés qui vont à l’encontre des idées reçues. Ainsi, « les jeunes ne sont pas forcément les plus agiles sur le net« , observe notamment le formateur en charge des ateliers, Moissi Zaki. Dispensées en français et en shimaoré, les formations pratiques permettent d’aborder les bases de l’informatique, loin d’être si évidentes pour ces oubliées de la révolution numérique. Le taux d’illettrisme record de l’île (58%) constitue à cet égard l’un des premiers fossés qui les sépare du monde connecté.  

 

Vingt ans, première adresse mail

Parmi elles, Rouchdati, 20 ans, qui vient juste de créer sa première boîte mail grâce aux formations de l’association. Venue des Comores où elle a été contrainte d’arrêter l’école en cinquième, cette jeune femme n’a jamais eu l’occasion d’apprendre à manipuler un clavier ou à naviguer sur Internet. L’ordinateur de la maison appartient à sa sœur, qui ne lui prête qu’occasionnellement. Le reste du temps, Rouchdati le passe sur son téléphone mobile, qu’elle utilise « surtout pour aller sur Youtube« . Son aisance sur un PC reste aléatoire. « La souris, ça va, mais le clavier, c’est encore un peu compliqué« , confie-t-elle. La jeune femme aurait notamment besoin d’améliorer son niveau informatique pour effectuer des démarches administratives. Avec la dématérialisation, de plus en plus d’institutions communiquent avec leurs usagers par mail ou via des plateformes numériques.

Mais c’est aussi une fenêtre sur le monde extérieur que les porteurs de projet entendent offrir à ces femmes. « Elles restent souvent confinées chez elle, en intérieur, et certaines ne sont jamais allées dans certains endroits de Mayotte comme le Mont Choungui, par exemple« , explique le formateur de Mlezi Maoré, Moissi Zaki. Aussi incroyable que cela puisse paraître, il leur aura fallu passer par Google pour découvrir l’existence des ces lieux bien connus des touristes, pourtant à quelques kilomètres de chez elles. « L’idée, c’est vraiment d’acculturer ces femmes au numérique, pour qu’elles puissent s’insérer professionnellement, mais aussi pour les aider avec leurs enfants, qui eux, sont sur Internet », détaille Charlotte Oui, directrice juridique de la Fondation Orange à La Réunion et à Mayotte. En effet, à l’instar de la langue française lorsqu’elle est mal maîtrisée par les parents, l’écran peut constituer une vraie barrière entre la mère et son enfant. Apprendre les bases de l’informatique doit ainsi permettre à ces femmes d’avoir accès aux devoirs et bulletins scolaires – eux aussi en voie de dématérialisation – ou de mieux contrôler les navigations Web de leur progéniture, se réappropriant ainsi pleinement leur rôle.

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