Le fugitif Abderemane Nassur, dit M’déré, qui s’était évadé à l’été 2016 de la prison de Majicavo avec deux codétenus, a été appréhendé après deux ans de cavale. Dans la nuit de dimanche à lundi, la gendarmerie lui a tendu un coup de filet dans la zone de Soulou, dans le nord-ouest de l’île, alors qu’il s’apprêtait à récupérer de la marchandise de contrebande acheminée en kwassa depuis Anjouan.
Deux ans de cavale et une foule de questions. D’abord, comment Abderemane Nassur, dit « M’déré », 22 ans, évadé du centre pénitentiaire de Majicavo à l’été 2016, a-t-il pu se cacher aussi longtemps dans un territoire aussi petit que le 101ème département ? Ce jeune homme jugé « particulièrement dangereux », comme l’a rappelé à l’occasion d’une conférence de presse organisée au tribunal de grande instance ce mardi matin le procureur de la République Camille Miansoni, est « resté dans la mémoire de beaucoup d’habitants » pour les crimes et délits qui lui sont reprochés d’abord, puis pour son évasion jugée « spectaculaire », le 5 juillet 2016. À cette époque, M’déré était placé en détention provisoire au centre pénitentiaire de Majicavo pour vol aggravé, viol et d’autres délits connexes. C’est donc le « soulagement » qui prédomine, ce mardi, au lendemain de son interpellation. Surnommé « l’homme le plus recherché de Mayotte » et accusé d’être un coupeur de routes, Abderemane Nassur a été interpellé par les gendarmes sur un chemin de terre situé entre la plage de Soulou et la route, à 23h15 dimanche soir. Un important dispositif de gendarmerie – qui n’a pas été détaillé – l’attendait dans les bois. « Il a été interpellé alors qu’il revenait de la plage, et qu’un kwassa venait d’accoster (…) On a retrouvé du matériel [principalement multimédia, ndlr] qui était prêt à être embarqué. C’est-à-dire que cet individu (…) était aussi un opérateur dans la contrebande entre Mayotte, Les Comores et Anjouan, il s’apprêtait à charger du matériel vraisemblablement volé – qui a été saisi – à destination des Comores, alors qu’il venait de réceptionner un kwassa avec au moins trois individus à bord, qui ont réussi à prendre la fuite », a précisé le procureur. Au moment du coup de filet, auquel il n’a pas eu l’opportunité de résister tant « l’effet de surprise » a fonctionné, selon le lieutenant colonel Fhima, M’déré était muni d’un couteau de pêche. Autant d’éléments qui démontrent bien tout son « potentiel criminogène », des éléments renforcés par le fait qu’il « n’a jamais cessé de commettre des actes criminels durant sa cavale », insiste le procureur.
Un travail de longue haleine
Pour le magistrat, l’interpellation de dimanche soir est la conclusion de plusieurs mois d’un important travail de filature et de renseignement de la part de la gendarmerie de Mayotte, « en particulier de l’antenne du GIGN et de la section de recherches », pour localiser « autant que possible » les mouvements du fugitif. « Ça a été compliqué, il a réussi à plusieurs occasions à échapper à la surveillance des enquêteurs », a admis le magistrat. Pas plus tard qu’il y a quelques semaines, une occasion de l’interpeller s’est présentée, mais toutes les conditions de sécurité, notamment pour les gendarmes mobilisés, n’étaient pas réunies, a précisé le lieutenant-colonel Fhima. « Il faut une rapidité d’intervention mais également une rapidité d’extraction », indique-t-il à ce propos. Autrement dit : il ne faut pas s’éterniser sur place après l’interpellation, pour éviter toute riposte imprévue, comme celle qui avait grièvement blessé deux gendarmes en intervention à Mgnambani, en juin dernier.
Si les enquêteurs sont incapables d’en donner le chiffre exact, il a été révélé au cours de leurs investigations que M’déré avait effectué « un certain nombre » d’allers-retours à Anjouan au cours de sa cavale. Le reste de sa vie, pour l’essentiel, s’est déroulé dans les bois, à l’ombre des regards. « C’est quelqu’un qui vit de manière très rustique, qui est arrivé jeune à Mayotte et qui est originaire de Tsoundzou II », détaille le lieutenant-colonel Quinet, de la section de recherches de la gendarmerie. Comment a-t-il pu tenir si longtemps caché ? « Je pense que pour pouvoir échapper au dispositif de contrôle, il faut pouvoir bénéficier d’une manière ou d’une autre de complicités, ne serait-ce que des gens qui vous rapportent des informations. Il faut se nourrir, il faut se déplacer… En outre, c’est un individu qui a souvent agi en bande, en groupe », a relevé le procureur, évoquant de possibles co-auteurs dans des équipes « à tiroir ». C’est d’ailleurs ce pourquoi l’enquête se poursuit, afin de retrouver de possibles complices et effectuer des recoupements avec d’autres affaires plus ou moins récentes.
Retour à la case prison
M’déré se trouvait toujours ce mardi en garde à vue pour des faits commis en mai dernier – notamment de cambriolage et séquestration – durant sa période de cavale donc. Il sera très bientôt déféré devant un juge et il se trouve toujours sous le coup d’un mandat d’arrêt. En tout état de cause, il ira en prison à l’issue de la procédure judiciaire, rassure Camille Miansoni, soit en exécution de son mandat d’arrêt, soit en vertu d’autres mandats de dépôt, dans le cadre des nouvelles procédures pour lesquelles il est entendu en ce moment. Il sera demandé à l’administration pénitentiaire de prendre « toutes les mesures nécessaires pour qu’il soit toujours à la disposition de la justice ». Une mesure d’isolement ne pourra être exigée que par un juge d’instruction.
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