Un homme d’une cinquantaine d’années, résidant à Pamandzi, en Petite-Terre, comparaissait devant le tribunal correctionnel de Mamoudzou mercredi pour « aide au séjour » d’étrangers en situation irrégulière et hébergement dans des conditions contraires à la dignité humaine. Depuis plusieurs années, il louait à une trentaine de personnes plusieurs cases en tôle et chambres en dur, sur deux terrains lui appartenant, ainsi qu’à sa famille.
Démarche « humanitaire » ou exploitation de la détresse d’autrui ? Telle est la question que devra trancher d’ici la fin du mois le tribunal correctionnel de Mamoudzou. Ce mercredi, un homme d’une cinquantaine d’années, B. S.A., comparaissait devant le tribunal de grande instance de Mamoudzou pour « aide au séjour » d’étrangers en situation irrégulière et hébergement dans des conditions contraires à la dignité humaine. Rats, cafards, toits de tôle troués laissant passer la pluie dans les chambres, sanitaires insalubres et insuffisants… Sur deux terrains appartenant au prévenu et à sa famille – où ceux-ci disposaient d’une maison en dur – B. S.A. louait plusieurs cases en tôle et chambres à sept familles, au total une trentaine de personnes, dont plusieurs se sont avérées en situation irrégulière. En juillet dernier, le prévenu, membre du collectif des citoyens de Petite-Terre et agent de sécurité au conseil départemental, affirmait devant les caméras de Mayotte La première avoir enjoint à ses locataires en situation irrégulière de quitter les lieux et avoir pris part à une campagne « demandant à tous ceux qui logent des irréguliers de s’en défaire parce qu’il va se passer des choses et que la justice va se mêler de tout ça ». Il ne croyait pas si bien dire. Placé en garde à vue dans les locaux de la PAF (Police aux Frontières) et déféré devant un juge, l’homme encourt désormais une peine de prison. « L’affaire a débuté alors qu’on s’agitait beaucoup autour de la question des décasages », indique en préambule le président Philippe Ballu ce mercredi. « Le Codim est intervenu pour soutenir monsieur (…) Mais je ne suis pas là pour parler du Codim », ajoute-t-il. Ce qui intéresse la cour, ce mercredi, c’est avant tout la situation pécuniaire du prévenu. Ce dernier perçoit un salaire mensuel de 2.400 euros pour des charges fixes estimées à près de 1.700 euros, avec dix enfants à charge, dont certains sont ceux de l’une de ses trois épouses, qui habite avec lui. Il affirme ne toucher que 450 euros des divers loyers qu’il perçoit sur la base d’un simple « contrat verbal » – et sans les déclarer au fisc, admet-il – quand le président estime plutôt la somme aux alentours de 700 euros.
« Tu es étranger, je peux te foutre dehors »
L’autre point qui intéresse la cour, ce sont les dépositions des locataires. « J’ai lu qu’il n’y avait qu’un seul point d’eau dans la cour pour 30 à 35 personnes et que vous y mettiez un cadenas lorsque vous étiez de mauvaise humeur ! », rapporte le président. « Et pour l’électricité c’était pareil, on coupait les branchements sauvages ». Autres points de grief : la douche, qui sert également de toilette à toutes ces personnes, ou encore l’état lamentable des habitations, accrédité par de « nombreuses photos ». En outre, un rapport de l’Agence régionale de santé faisant suite à un contrôle sur place fait état de risques d’incendie, d’électrocution et d’intoxication au monoxyde de carbone… L’une des anciennes locataires du prévenu, arrivée à Mayotte par kwassa en 2015 et installée en juillet 2016 chez B.S.A. a notamment raconté que son loyer, au départ de 100 euros, a été augmenté à 150 euros. Il lui fallait encore régler 150 euros de caution, 50 euros pour l’eau, et 50 euros pour l’électricité, selon ses dires. « Même dans une maison en dur, je ne règle pas de telles factures ! », s’étrangle le président à la lecture de ces déclarations. En plus des loyers qui augmentent, plusieurs locataires rapportent des pressions, notamment de nature sexuelle, sur les femmes qui vivent sur ses terrains. « Il n’arrêtait pas de demander à avoir des rapports sexuels avec les femmes seules », témoigne l’une d’entre elles, citée lors de l’audience. « Cela n’a pas été établi », rappelle toutefois le président. Face à ces accusations, le prévenu nie en bloc : « Tout ce que je peux dire, c’est que tout ça c’est des mensonges », répète-t-il. Idem lorsqu’on lui lit le récit d’un autre des ses anciens locataires : « Il m’a dit : +Tu es étranger je peux te foutre dehors! + Je le savais capable de le faire sans aucune pitié, par contre, il n’a jamais été violent avec moi ». Le prévenu, qui affirme n’avoir pas été au courant de la situation administrative de certains de ses locataires – qui vivaient pourtant sur son propre terrain – dément fermement. La substitute Chloé Chérel, n’y croit pas. Elle requiert à son encontre 15 mois de prison ferme, la confiscation du terrain saisi lors de la procédure, objet de l’infraction, et d’autre biens saisis lors de l’enquête. »Ce ne serait pas une condamnation pour l’exemple, mais tout simplement parce qu’il s’agit d’un délit », estime-t-elle, ajoutant que « ce n’est pas parce que ce n’est pas le seul à le fair (à Mayotte ndlr), que cela doit faire obstacle à une condamnation ». L’avocat de la défense, Me Delamour Maba Dali, demande de son côté la relaxe pure et simple et la restitution des biens de son client, jugeant la peine proposée « complètement disproportionnée ». Il fait le procès de l’État et de sa « négligence » dans la gestion de l’immigration clandestine, et assure que son client n’a fait « qu’utiliser toute son humanité dans cette affaire », en proposant un hébergement à des gens « en état de nécessité ». La décision sera rendue à la fin du mois.
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