Délinquance | PJJ : « À Mayotte, les jeunes sont très réceptifs aux mesures éducatives »

 

Le jeudi 18 octobre, la PJJ (Protection Judiciaire de la Jeunesse) de Mayotte organisait sa journée portes ouvertes. Si le 101ème département reste marqué par un taux très élevé d’incarcération des mineurs, le faible pourcentage de récidive chez les jeunes suivis (20%) et leur capacité à s’adapter aux différents programmes de réinsertion viennent contrebalancer cette réalité.

L’ordonnance du 2 février 1945, texte de référence sur la délinquance juvénile, pose le principe selon lequel « il est peu de problèmes aussi graves que ceux qui concernent la protection de l’enfance, et parmi eux, ceux qui ont trait au sort de l’enfance traduite en justice. La France n’est pas assez riche d’enfants pour qu’elle ait le droit de négliger tout ce qui peut en faire des êtres sains ». Très riche d’enfants avec une population composée à plus de 50 % de mineurs, le plus jeune département de France a de nombreux défis à relever en la matière. Aussi, la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ) y tient-elle une place toute particulière. Quelque 843 jeunes ont été suivis par ses services au cours de l’année 2017, dont 787 au pénal, et seulement 56 au civil.

À l’occasion de ses journées portes ouvertes nationales, jeudi 18 octobre, la direction territoriale de la PJJ de Mayotte a ouvert plusieurs de ses établissements à un public restreint de partenaires et d’élus locaux. L’occasion de présenter son travail, ses résultats, et d’évoquer les spécificités du territoire. La direction de la PJJ (DPJJ), qui relève du ministère de la Justice, a plusieurs missions. En plus de contribuer à la rédaction des textes de loi concernant les mineurs, l’organisme vient, tout au long de l’année, soutenir l’action des magistrats. Cette mission concerne autant les mineurs en danger que les mineurs délinquants, et permet d’évaluer la situation personnelle et familiale de chacun d’entre eux. La DPJJ est également chargée de mettre en œuvre les décisions des tribunaux pour enfants dans les établissements et services de placement en milieu ouvert du secteur public ou auprès des associations habilitées.

Des effectifs en hausse

Éducateurs, psychologues, responsables d’unité éducative, professeurs techniques, travailleurs sociaux, etc. : près de 9 000 personnes travaillent pour la PJJ en France. À Mayotte, « nous sommes bien dotés », estime la directrice territoriale Liliane Vallois (en photo ci-joint), avec un effectif qui atteindra bientôt les 60 agents, soit 20 de plus qu’il y a 3 ans. Tous les dispositifs nationaux y sont représentés, à travers cinq établissements dédiés. Le Service territorial éducatif de milieu ouvert et d’insertion (STEMOI) de Mayotte regroupe ainsi deux unités éducatives de milieu ouvert, l’une au sud de l’île et l’autre au nord, cette dernière étant également chargée d’une mission dite de permanence éducative auprès des tribunaux. Une Unité éducative d’hébergement diversifié (UEDH) accueille des jeunes âgés de 13 à 18 ans à la suite d’une mesure de placement ordonnée dans un cadre pénal. Deux Unités éducatives d’activités de jour (UEAJ), en Petite-Terre et à Cavani, sont plus spécifiquement dédiées à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes. Enfin, les professionnels de la PJJ sont également présents au centre pénitentiaire de Majicavo, où ils prennent en charge les jeunes détenus au Quartier Mineurs (QM).

Même si certaines structures manquent encore, les choses tendent à évoluer dans le bon sens à Mayotte, selon la directrice territoriale. Celle-ci se réjouit notamment de l’adoption l’an dernier du « Schéma départemental Enfance et Famille » qui annonce la création de deux maisons à caractère social, d’un service d’action éducative en milieu ouvert et de différents « lieux de vie », des structures à mi-chemin entre le foyer et la famille d’accueil. Autant d’outils susceptibles de faciliter le travail de la PJJ et notamment celui du milieu ouvert. Ce travail s’effectue avant et après jugement. Ainsi, lorsqu’une infraction est commise par un mineur, l’éducateur doit-il systématiquement dresser un diagnostic sur le jeune, pour permettre aux juges de comprendre sa situation personnelle et familiale, et leur proposer une alternative à l’incarcération. Après jugement, il doit également rendre compte aux magistrats de l’effectivité de la décision. « Le principe, c’est que le mineur est jugé sur ses actes, mais également sur ses capacités de changement et de résilience », rappelle la directrice territoriale. Il s’agit donc d’une justice bien particulière qui s’inscrit dans un temps relativement court, puisque les prises en charge – sauf pour quelques mesures éducatives bien précises – ne doivent pas excéder la majorité des jeunes. Pour stimuler ce changement et prévenir la récidive, « insertion » et « savoir-être » sont les maîtres-mots de la PJJ.    

Beaucoup d’incarcérations, peu de récidives

Si le département se caractérise par un fort taux d’incarcération des mineurs, à cause notamment de la gravité des faits commis – 30 à 35 jeunes sont actuellement incarcérés à Majicavo, pour un total de 77 entrées en 2017 -, la PJJ peut également se prévaloir d’un faible pourcentage de récidive. Environ 80% des mineurs passés par ses services ne réitèrent pas. En effet, contrairement à d’autres territoires où les mineurs ont de nombreux dispositifs à leur disposition, « à Mayotte, les jeunes sont extrêmement réceptifs aux mesures éducatives », souligne Liliane Vallois.

Accompagner les mesures répressives par divers programmes d’insertion ou de réinsertion sociale, scolaire et professionnelle fait partie des missions premières de la PJJ. C’est tout le travail de l’Unité éducative d’activités de jour (UEAJ) de Petite-Terre, où débutait la journée portes ouvertes de jeudi. Pour Rokhaya Kissem, sa responsable : « Notre rôle, ici, c’est d’être au plus près des jeunes et de leur famille sur des questions de socialisation, de savoir-être, de savoir-faire, d’illettrisme, mais aussi sur des questions matérielles comme les transports ou les repas ». Lorsqu’ils sont présents, les parents ne sont « pas toujours en mesure d’accompagner » leur enfant, constate-t-elle, dans un contexte de « système social très défavorisé » pour certaines familles.

Tout l’enjeu consiste alors à insérer les jeunes dans des dispositifs de droit commun, malgré la difficulté, pour certains d’entre eux, à se procurer des papiers. Savoir être à l’heure, se lever le matin, respecter les bases de la politesse, travailler en commun, à l’UEJA, les jeunes (généralement âgés de 16 à 18 ans) apprennent ou réapprennent – durant six mois ou un an – les fondamentaux de la vie en société. À travers divers ateliers de cuisine, sport, artisanat, des travaux dans les locaux, activités culturelles ou de découverte des métiers, tous les moyens sont bons pour favoriser leur insertion. Jean-Christophe Claverie, professeur technique au sein de la structure, y mène entre autres un projet de construction de voilier. Objectif : que les jeunes puissent, fin novembre, naviguer sur leur propre bateau. « Le but n’est pas d’en faire des navigateurs professionnels, nous essayons de nous fixer des objectifs cohérents et atteignables », explique-t-il. Dans cette perspective, la PJJ a le pouvoir d’émettre des conventions de stage et de nombreux partenariats sont conclus avec les entreprises de l’île, dans le secteur mécanique, le BTP ou la restauration, par exemple. Et, « pour la plupart, elles jouent le jeu de la réinsertion », se félicite Rokhaya Kissem. Autant de structures qui sont pourtant souvent « les premières victimes » de la délinquance des mineurs, mais qui sont vite « rassurées par le suivi de la PJJ ».

 

 

 

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