Homosexualité à Mayotte : ce qu’on ne dit pas

L’homosexualité existe bel et bien à Mayotte, mais les personnes concernées n’exposent pas leur orientation sexuelle. Par peur du regard des autres ou encore d’éventuelles représailles, la communauté homosexuelle peine à trouver sa place sur l’île aux parfums. Moncef Mouhoudhoire, à la tête de l’association Nariké M’sada destinée à la promotion d’une meilleure santé sexuelle de la population, aborde le sujet de l’homosexualité à Mayotte, aussi subtil soit-il.

À Mayotte, il n’existe aucune structure sociale dédiée à la communauté homosexuelle. Aucun interlocuteur n’a pu étayer ce sujet, sauf Moncef Mouhoudhoire, directeur de l’association Nariké M’sada,  en contact avec des gays  dans le cadre de ses différentes actions.

« Oui, il y a une communauté gay et lesbienne à Mayotte mais elle n’est pas structurée comme en métropole », indique d’emblée le directeur de Nariké M’sada, qui côtoie via son association la population vivant avec le VIH, parmi laquelle des homosexuels. « L’homosexualité est ancrée dans la société mahoraise depuis que le monde est monde », commente Moncef Mouhoudhoire. Ancrée oui, mais pas assumée ni exposée. « À Mayotte, on ne peut pas vivre +librement+ son homosexualité, exposer sa relation comme tout le monde ». 

Une « bisexualité forcée »

D’une part, il y a le regard des autres dans cette société mahoraise majoritairement musulmane, à la croisée des chemins entre tradition et modernité et d’autre part le statut social qui prédomine et susciterait stigmatisation à l’encontre de personnes reconnues, s’il s’avère que leur orientation sexuelle est dévoilée. Le directeur de Nariké M’sada parle de « bisexualité forcée » pour « préserver l’image ». Il met en exergue un fait : « À Mayotte, c’est le groupe qui prime sur l’individu, c’est lui qui régit la société. On ne doit pas le heurter ».  Et d’ajouter : « En revanche, si l’on se marie, que l’on a des enfants, le groupe est content et on peut s’installer dans une polygamie homme-femme-homme. Dans ce jeu du paraître, le partenaire  hétérosexuel se retrouve souvent piégé (…) C’est su et intégré », explique Moncef Mouhoudhoire. 

L’aspect économique joue également un rôle important : le contexte de précarité sociale qui prévaut sur l’île amène notamment des jeunes hommes  à fréquenter des hommes pour se faire « entretenir ». Globalement, « la société mahoraise est très tolérante sur la question de l’homosexualité du moment où on ne fait pas de prosélytisme », relève-t-il.

Si aucune structure n’a été mise en place par la communauté homosexuelle présente sur le territoire, des métropolitains ont souvent pris l’initiative d’organiser des soirées « gay-friendly »  le temps de leur séjour. Aujourd’hui, aucun lieu particulier n’est dédié aux rencontres entre personnes de même sexe, mais les soirées festives accueillent ouvertement tout le monde. Cependant, un site internet mahorais est dédié aux rencontres entre homosexuels : il est accessible via les moteurs de recherche. 

Quant à l’acronyme LGBTI (lesbiennes, gays, bisexuels, transsexuels et intersexe) il ne prend pas encore tout son sens à Mayotte, néanmoins Moncef Mouhoudhoire a déjà recensé un transsexuel à Mayotte. 

 

Émergence d’agressions envers les homosexuels

Moncef Mouhoudhoire déplore un phénomène nouveau : les agressions envers les gays augmentent à Mayotte. Il peut même s’agir de viols. Une personne a été admise récemment en réanimation au centre hospitalier de Mayotte, avec une perforation anale.

« J’ai du mal à qualifier ces agressions d’homophobes. Lorsque tu procèdes à une agression de ce type, cela signifie que tu n’aimes pas les gays. Mais lorsque  l’agression est aussi sexuelle, j’ai du mal à cerner l’homophobie », réagit Moncef Mouhoudhoire, qui évoque davantage une homosexualité refoulée de la part des agresseurs. Il n’a écho que des agressions et viols subis par les patients qu’il suit. Il craint que le nombre de ces actes soit davantage élevé que ce dont il a connaissance.

 

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