Après une série de débordements en marge de plusieurs mouringués, le maire de Mamoudzou a pris un arrêté interdisant ces combats. Entrée en application ce week-end, cette décision rassure les forces de l’ordre mobilisées en nombre pour l’appliquer. Pour autant, difficile d’endiguer une pratique aussi solidement ancrée dans les habitudes culturelles locales. Parmi les solutions sur la table : un encadrement des combats pour en éviter le caractère sauvage.
« À compter de ce jour, il est strictement interdit d’organiser une manifestation publique de boxe +mouringué+ sur tout l’ensemble du territoire de la commune de Mamoudzou ». L’arrêté est clair et émane directement du maire de Mamoudzou, Mohamed Majani. Prise le 24 mai, cette décision est officiellement entrée en application ce week-end suite à une série de débordements violents et s’appliquera « durant tout le mois de ramadan », selon Nassuf Eddeni Daroueche, chargé de la sécurité à la mairie de Mamoudzou. « C’est la première fois qu’une telle décision est prise », reconnaît-il. « Cela s’est décidé après que plusieurs élus de proximité nous ont remonté une crainte des habitants de voir ces rassemblements dégénérer en violences. Ce qui s’est confirmé après celles survenues à M’tsapéré vendredi », justifie-t-il.
Une série de débordements
Pour le porte-parole du syndicat Alliance police nationale Mayotte, Thierry Lizola, cette nouvelle résonne comme un soulagement. « Alliance police nationale Mayotte soutient l’arrêté du maire qui est conforme à la réalité des policiers. C’est un acte de sagesse. N’oublions pas qu’un collègue a perdu un œil en marge de ces rassemblements », rappelle le policier en référence aux affrontements survenus dans la nuit du 23 mai. Loin d’être réservés aux forces de l’ordre, les actes de violence en marge des mouringués se sont depuis poursuivis pour atteindre un pic ce week-end. « À l’issue d’un mouringué vendredi à M’tsapéré, des jeunes de Kawéni ont jeté des pierres et dégradé des véhicules. Dès samedi, munis de l’arrêté municipal, nous sommes intervenus à M’tsapéré sur la place de la Mosquée afin d’interdire ces rassemblements de jeunes », rembobine le directeur adjoint de la sécurité publique Stéphane Demeusy. Pour mener à bien cet objectif, policiers et gendarmes ont été assistés par « l’ensemble des collectifs des localités de Mamoudzou afin de déloger plus de 250 jeunes », indique Stéphane Demeusy.
Mécontents de ne pouvoir pratiquer leurs sessions de combat hebdomadaires, certains jeunes ont attaqué des membres de ces collectifs. Résultat : un individu dans le coma, générant ainsi un épisode de vengeance particulièrement virulent dès le lendemain matin. Selon nos informations, près de 200 à 300 personnes étaient présentes lors de la destruction de deux bangas abritant les auteurs supposés de ces violences. Une femme a également été conduite au CHM après avoir reçu des coups de bâton à la tête suite à son refus de quitter les lieux.
Interdire une tradition ?
Présents dans tout l’océan Indien et même jusque sur le continent africain, les mouringués s’inscrivent comme une tradition indissociable du patrimoine culturel mahorais. Au-delà de son caractère violent, ces événements sont aussi vécus par la population comme des rassemblements festifs et conviviaux. Un phénomène qui pousse les forces de l’ordre à dissocier cette pratique de ses débordements. « Il ne s’agit pas de criminaliser les mouringués sur le long terme mais plutôt de poursuivre les efforts mis en place dans lutte contre la délinquance », nuance le chargé de la sécurité à la mairie de Mamoudzou.
D’un point de vue logistique, « nous allons effectuer dans les prochains jours des patrouilles dynamiques aux abords des zones où sont généralement pratiqués des mouringués. Si besoin est, nous occuperons également certaines places comme nous l’avons fait ce week-end », projette le directeur adjoint de la sécurité publique. Également sur la table : la volonté de « cibler les organisateurs » afin de décourager les sympathisants.
Conscient que la répression à elle seule ne pourrait suffire à endiguer ce phénomène, Thierry Lizola plaide de son côté pour un encadrement de cette pratique : « Nous regrettons que les mouringués soient sauvages et non encadrés. Aujourd’hui, nous sommes face à des mouvements de bandes qui prennent en otage les festivités durant le mois de ramadan pour s’affronter », déplore-t-il. À l’instar de La Réunion où le mouringué est reconnu comme une pratique sportive et bénéficie d’un encadrement, Mayotte pourrait bien emboîter le pas dans un désir de cohésion sociale. « Encadrer ces combats est une piste à explorer », admet Nassuf Eddeni Daroueche qui précise cependant que « cette initiative doit venir de la société civile. Même si la mairie est prête à accompagner ce type de démarches. Cela pourrait se faire dès le prochain ramadan. » En attendant, l’homme mise sur les « tournois de ramadan » pour remplacer les combats par des matchs de foot ou de basket dès la semaine prochaine. En espérant que les aficionados du combat de rue ne déploient pas de nouvelles stratégies pour poursuivre leur passion à l’abri des gyrophares.
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