Trois experts sont arrivés vendredi à Mayotte pour accompagner les services de l’État dans la gestion de l’essaim de séismes. Près de 850 tremblements de terre ont été enregistrés depuis trois semaines, faisant une vingtaine de blessés légers. « On n’aura pas de big one de magnitude 7 ou 8 », rassure un spécialiste du Bureau de recherches géologiques et minières.
Une rafale de secousses. Les Mahorais ont découvert vendredi une nouvelle caractéristique de l’essaim de séismes qui frappe Mayotte depuis plus de trois semaines, avec une succession impressionnante de tremblements de terre en matinée. Rien qu’entre 6h18 et 7h24, 13 secousses de magnitude supérieure à 4 se sont produites, dont deux de 5,2. Jusqu’à 13h20, ce sont 36 séismes supérieurs à 4 qui ont été répertoriés, pour près de 850 tremblements de terre recensés depuis le début de l’épisode sismique.
C’est dans ce contexte qu’une mission extérieure est arrivée dans l’île aux parfums le même jour. Bastien Colas, en charge d’un programme Planification et appui à la gestion des crises au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), Mendy Bengoubou, sismologue à la Direction générale de la prévention des risques et le lieutenant-colonel Galichet de la Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises vont passer « quelques jours » dans le 101ème département, précise le préfet Dominique Sorain. « Il n’y a pas encore de limite précise à leur séjour. »
Alors que l’essaim de séismes a fait 19 blessés légers en trois semaines, dont 6 vendredi (une moitié de crises d’angoisse pour autant de chutes dans les escaliers), selon le délégué du gouvernement, les experts se sont montrés rassurants vendredi, lors d’une conférence de presse.
« 5,8, pour l’instant, c’est le pic sismique (…) On aura peut-être un 5,9 ou un 6 mais on est relativement borné du point de vue de la tectonique et de l’historicité au niveau de l’ensemble des Comores », affirme Bastien Colas. « Le gros [tremblement de terre], je pense qu’on l’a déjà eu. On peut avoir un peu plus gros mais on n’aura pas de big one, de magnitude 7 ou 8 qui va se produire (…) La magnitude d’un séisme est liée à la longueur de la faille. On n’a pas identifié dans l’arc comorien des longueurs de failles qui auraient pu générer des séismes supérieurs à 6. »
Une activité tectonique voire volcanique
« À partir des plus gros événements, on est capable de reconstituer l’origine des tremblements de terre » actuels à Mayotte, poursuit le spécialiste. « Il s’agit de ruptures le long de plans de failles situés à environ 60 km au nord-est de Mayotte (…) Tout cela est lié à la tectonique des plaques au sens large. On a des interfaces entre différentes plaques et des relais qui peuvent se faire (…) Il peut y avoir des conjonctions (…) avec des phénomènes volcaniques (…) On sait qu’on a du tectonique. On n’a pas d’élément pour préciser le volcanique (…) L’essaim peut être en lien avec un écoulement magmatique en profondeur (…) Ce serait une responsabilité partielle dans la mécanique d’essaim qui se met en place (…) On n’est pas du tout dans l’optique de la création d’un volcan », développe Bastien Colas.
L’expert se montre également rassurant, concernant d’éventuels mouvements de terrain. « On se posait la question. (…) Les niveaux d’accélération sont tellement bas que ce ne sont pas des choses attendues. » L’éboulement d’un rocher vendredi 25 mai à Majicavo est à imputer à l’épisode pluvieux et non pas à un séisme, selon lui.
Pas de risque non plus avec la sismicité actuelle d’un effondrement de Petite-Terre, qui repose sur un édifice volcanique. « Des glissements anciens qui ne sont pas datés et tout un tas de cicatrices » ont été suspectés sur la structure par le BRGM par le passé, à l’occasion d’une étude. « Ce n’est pas un scénario qui nous inquiète », insiste Bastien Colas. « Les falaises de Petite-Terre qui sont immergées sont déjà assez loin de la zone épicentrale. »
Et d’ajouter : « Pour améliorer la localisation des séismes, il va falloir améliorer le réseau d’observation. On a globalement des stations positionnées au sud-ouest » de la zone sismique. « Pour localiser un épicentre, il faut entourer la zone de l’épicentre par des capteurs, pour mieux estimer l’évolution du phénomène. » Actuellement, une station dans les locaux du BRGM à Mamoudzou enregistre et transmet les vibrations du sous-sol en temps réel. Deux autres stations collectent aussi les mouvements mais il faut « aller récupérer la donnée toutes les semaines. »
Le 18 juin, le BRGM va installer un nouvel appareil en Grande-Terre. Il s’agit d’un sismomètre large bande, qui va permettre de recueillir de nouvelles bandes de fréquence. Un second appareil du même type est envisagé. « C’est la Ferrari des capteurs. C’est une station très sensible », commente la sismologue Mendy Bengoubou. Pour compléter ce dispositif, le BRGM peut compter sur des stations à Madagascar, au Kenya et depuis mercredi aux Comores. L’installation d’hydrophones, des stations en mer, se dessine également, pour acquérir un nouveau type d’ondes. « Aller voir sur place, pourquoi pas, mais pour aller voir quoi ? », s’interroge Bastien Colas, alors que de nombreux Mahorais réclament une exploration sous-marine. « À partir des enregistrements de stations, on peut avoir les informations qu’il nous faut pour préciser les localisations, les magnitudes, le type de séismes et savoir s’il y a des écoulements de fluide », met-il en exergue.
Vers des inspecteurs de diagnostic d’urgence
Les experts en mission à Mayotte vont également se concentrer sur les dégâts provoqués dans les constructions. « Les bâtiments sont tous à peu près fissurés. Il faut bien identifier là où il pourrait y avoir des risques », souligne le préfet. Les services de l’État évoquaient il y a quelques jours une soixantaine de bâtiments endommagés, mais un seul a nécessité à Mamoudzou une consolidation d’ampleur. « Il n’y a pas eu de recrudescence de signalements depuis », précise Dominique Sorain. « Mayotte est concernée par l’autoconstruction qui ne passe pas forcément par des architectes, des entreprises (…) Ce sont des défis que nous avons (…) Il y a un effort gigantesque à faire en matière de mise en sécurité et de construction de bâtiments », reconnaît le représentant de l’État.
Ainsi, Mendy Bengoubou va sillonner l’île aux parfums pour constater l’ampleur des dégâts. Actuellement, deux cabinets d’étude proposent des expertises payantes pour s’assurer de la solidité des constructions. Il n’est « pas exclu que des inspecteurs de diagnostic d’urgence fassent le tour des bâtiments » aux frais de l’État, à l’issue de la mission. La démarche est « courante après des séismes, lorsqu’ils ont été très importants », précise la sismologue. « Il y a pour l’instant un niveau d’endommagement situé dans le niveau 1 d’une échelle qui va jusqu’à 5 », ajoute Bastien Colas.
Malgré tout, l’État se prépare à un scénario catastrophe, semble-t-il improbable. Les services de secours de Mayotte sont en alerte et ceux de La Réunion et de la métropole en pré-alerte. « Un exercice a été fait en début d’année pour recenser l’ensemble des moyens qu’on pourrait envoyer », rappelle le lieutenant-colonel Galichet, officier de liaison avec le ministère de l’Intérieur.
La mission des trois experts vise aussi à « voir les améliorations éventuelles à apporter en termes de communication, de culture du risque, de sensibilisation », évoque Mendy Bengouhou.
Point sur les dernières activités sismiques
Durant la nuit du 1er au 2 juin et durant la journée du 2 juin, l’activité sismique « reste notable avec d’assez nombreuses secousses modérées enregistrées », note la préfecture de Mayotte. « Un séisme fortement ressenti à 10h42, estimé à 5,2, est localisé dans la zone de l’essaim précédé par un événement de magnitude 4,5 à 6h16. Un séisme évalué à 5 par les centres de mesures internationaux a été ressenti (dimanche) à 9h13 à Mayotte. L’activité sismique reste toujours anormale et perdure, y compris dans la plage de magnitude des séismes pouvant être ressentis à Mayotte. L’essaim est donc toujours en cours », rappelle la préfecture.
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