Le président du Département et des élus de l’île se sont réunis ce mardi pour discuter de leur éventuelle participation à la manifestation de jeudi. Si Soibahadine Ibrahim Ramadani ne descendra pas dans la rue, la grande majorité des élus présents souhaitent manifester aux côtés de la population mahoraise.
« Si vous êtes déterminés à être là le 10, qu’il en soit ainsi. La séance est levée ! ». C’est de manière plutôt autoritaire, et unilatérale, que Soibahadine Ibrahim Ramadani, le président du Conseil départemental de Mayotte, a clôturé la réunion qui se tenait ce mardi et qui avait pour objet la participation (ou non) des élus de Mayotte à la manifestation de jeudi contre le projet supposé du gouvernement français de « communauté de l’archipel » dévoilé par la presse nationale il y a quelques semaines. Après trois heures de réunion entre le président du Département, des maires et des conseillers départementaux, les esprits commençaient tout juste à s’échauffer et le débat s’intensifiait, lorsque le président du Département a décidé de lever la séance. Ces échanges ont opposé la majorité des élus en présence, volontaires pour descendre dans la rue jeudi en soutien aux manifestants, au président du Département, défavorable à ce mode d’action avant la visite de la ministre des Outre-mer, Annick Girardin, dont l’arrivée est prévue dimanche.
Echaudés par « l’échec de la diplomatie française » dans la crise qui oppose l’État français à l’Union des Comores, craignant qu’Annick Girardin ne puisse pas « y apporter de réponses concrètes », mettant en avant « la régularisation massive des clandestins » face « au discours officiel », les élus, en colère, ont fermement fait part de leur envie de manifester aux côtés de leurs concitoyens demain. Les mots « foutage de gueule » pour qualifier la politique anti-immigration clandestine du gouvernement français ont même été prononcés par un maire du nord de l’île qui a conclu : « Mayotte va mal ». Pour cet élu, « le droit d’un peuple à disposer de lui-même est menacé » et justifie la manifestation de jeudi. Le sentiment latent est celui de « voir Mayotte être lâchée ».
Tout au long de la discussion, Soibahadine Ibrahim Ramadani a, quant à lui, soutenu que le changement de statut de Mayotte française n’était pas envisageable, et que les craintes de la population mahoraise étaient dès lors plus ou moins infondées. Il a longuement étayé ses arguments en faveur de son projet de toilettage institutionnel visant à doter la collectivité unique de Mayotte des moyens adéquats pour assumer ses responsabilités de Département et de Région. Une modification de la loi qui crée « une émotion, une appréhension et une crainte » chez les élus présents à la réunion, redoutant que ce toilettage n’entraîne un changement de statut de Mayotte. « Notre parapluie, c’est le référendum du 29 mars 2009 », a cherché à rassurer le président du Département.
Des contre-propositions à la feuille de route
La question de la « communauté de l’archipel » qui serait actuellement étudiée par le ministère des Affaires étrangères (voir notre interview d’Estelle Youssouffa) est « induite par la feuille de route » qui avait poussé la population de Mayotte à manifester en fin d’année dernière selon le quatrième vice-président Issa Issa Abdou. Et cette feuille de route est, selon Soibahadine Ibrahim Ramadani, suspendue. Ce dernier, ainsi que les parlementaires mahorais (sénateurs et députés) auraient fait part de leurs nombreux points de désaccord sur cette « feuille de route » au ministre des Affaires étrangères et seraient en train de préparer des « contre-propositions » dont la rédaction est confiée au député Mansour Kamardine. Les élus présents à la réunion de mardi ont semblé apprendre la nouvelle en direct. Certains se sont ouvertement offusqués d’avoir été écartés des débats. « Pourquoi ces discussions ont-elles eu lieu sans le président [de l’Association des maires de Mayotte] ? Les maires n’ont pas connaissance de la feuille de route, mais ce sont eux qui sont chaque jour confrontés à la population, qui est inquiète », s’est exclamé Bacar Mohamed, le maire de Tsingoni et président de la coordination des élus de Mayotte.
Dans l’assemblée, certains regrettent un manque de transparence générale. « Il est temps que les élus de l’île rendent des comptes à la population », a déclaré Anchya Bamana, le maire de Sada. Elle invite tous les élus présents à descendre dans la rue le jeudi 10 mai, et à manifester aux côtés de la population mahoraise. Le président Ibrahim Ramadani, lui, n’ira pas. « Si la venue de la ministre ne répond pas à nos attentes, alors je descendrais dans la rue mais je ne descendrai pas avant », a-t-il déclaré. « Faites confiance à vos grands élus », a-t-il encore rétorqué pour légitimer le silence des parlementaires concernant ces contre-propositions et fustigeant le fait que les élus se plaignant du manque de transparence n’aient pas demandé à consulter le contenu de la feuille de route, des mois après la manifestation de 2017.
Mayotte Hebdo vise à contribuer au développement harmonieux de Mayotte en informant la population et en créant du lien social. Mayotte Hebdo valorise les acteurs locaux et les initiatives positives dans les domaines culturel, sportif, social et économique et donne la parole à toutes les sensibilités, permettant à chacun de s'exprimer et d'enrichir la compréhension collective. Cette philosophie constitue la raison d'être de Mayotte Hebdo.