Mercredi, les Comores ont déclenché une crise diplomatique avec la France, en refusant d’accueillir sur leurs terres les étrangers en situation irrégulière expulsés de Mayotte. Le retour des 96 clandestins sur l’île aux parfums a conduit à de nombreuses tensions jeudi. Les ministères des Affaires étrangères et des Outre-mer travaillent de concert à la résolution de ce conflit.
Rappelons les faits : mercredi, 96 personnes retenues au centre de rétention administrative (CRA) de Mayotte ont été éloignées à Anjouan (Union des Comores). Mais, conformément aux dernières déclarations du ministre des Affaires étrangères comorien, le bateau a été sommé à 19h30 de ne pas faire descendre à terre les clandestins reconduits à la frontière. Ramenés à Dzaoudzi jeudi à 8h du matin, ils ont été pris en charge par les autorités françaises qui les ont « accueillis le plus dignement possible », a insisté le directeur adjoint de la police aux frontières (PAF). Ces personnes ont été menées dans un premier temps dans l’enceinte de l’hôpital de Petite-Terre et toutes ont pu prendre un petit-déjeuner et un déjeuner. « D’un point de vue juridique, on ne peut pas les maintenir au CRA car on estime qu’elles ont déjà fait l’objet d’une procédure d’éloignement. Le seul cadre juridique possible est un placement en zone d’attente (…) pour un maximum de quatre jours », explique le directeur adjoint de la PAF. Ainsi la préfecture de Mayotte a-t-elle décidé de les placer au gymnase de Pamandzi, « en attendant la résolution du conflit diplomatique », indique la police aux frontières.
Refus d’une partie de la population
Cette décision préfectorale a motivé un soulèvement d’une partie de la population de Petite-Terre puisque plus d’une centaine de manifestants protestaient dans l’après-midi aux abords du gymnase de Pamandzi, soutenus dans leur démarche par le conseil municipal. Ce dernier a remis une motion au préfet de Mayotte indiquant « ne pas être favorable à l’accueil des personnes en situation irrégulière » et « recevoir la décision de réquisition du gymnase de Pamandzi (…) comme un affront à la population locale ». La Ville précise qu’elle « se désengage de toute responsabilité concernant l’accueil et la sécurité » des étrangers en situation irrégulière. Joint par téléphone, un conseiller municipal a déclaré « craindre des débordements », surtout lors de l’élection législative partielle de dimanche, et a affirmé que l’ensemble de l’équipe communale avait rallié les manifestants. En outre, il a déclaré avoir peur que les individus hébergés au gymnase en « dégradent le parquet ». Très remonté, ce conseiller municipal s’est emporté : « Que la préfecture les loge au CRA, qu’ils montent des tentes ! (…) Quitte à les relâcher ! »
Le conseiller départemental de Pamandzi Daniel Zaïdani a aussi exprimé par voie de communiqué sa formelle opposition à la réquisition du gymnase, soulignant qu’il « n’a pas été construit pour héberger des personnes. En effet, le revêtement au sol est d’une très grande sensibilité. Il serait immédiatement et irrémédiablement détérioré si d’aventure des campements venaient à y être installés ». Il propose que le haut représentant de l’État lui préfère d’autres alternatives telles que le CRA, la préfecture ou les sites du détachement de la légion étrangère de Mayotte (DLEM) ou encore du bataillon du service militaire adapté (BSMA).
Le CRA saturé
D’une capacité totale de 148 places, le centre de rétention administrative accueillait jeudi 147 personnes. Depuis le 15 mars, des actions conjointes de la police aux frontières, de la direction départementale de la sécurité publique et de la gendarmerie ont mené à l’éloignement de quelque 600 personnes (départs volontaires compris), a indiqué la préfecture mercredi soir par voie de communiqué. Les bateaux ramenant les personnes en situation irrégulière aux frontières ne rallient plus pour le moment l’Union des Comores, a confirmé la police aux frontières car « ce n’est plus possible ». Les opérations de lutte contre l’immigration clandestine « ne sont pas arrêtées en totalité » mais baissent en volume. En outre, des mesures administratives d’éloignement sans placement au CRA sont prises. Concernant les 96 personnes refoulées d’Anjouan, des prolongations de rétention peuvent être envisagées, sous contrôle judiciaire, c’est-à-dire sur décision du juge des libertés et de la détention. En tout état de cause, il est impossible de retenir un individu plus de 45 jours. Au-delà de cette limite, il est libéré.
Réaction du Quai d’Orsay
Jeudi, la ministre des Outre-mer tenait une réunion à Matignon avec le Premier ministre et un représentant du Quai d’Orsay. Le ministère des Affaires étrangères a d’ailleurs réagi jeudi : « La France déplore la circulaire du ministre des Transports comorien qui interdit aux compagnies aériennes et maritimes de prendre à bord toute personne considérée par les autorités qui administrent Mayotte comme en situation illégale. Les termes de cette circulaire comme sa portée sont contraires à la relation que nous souhaitons entretenir avec les Comores. Nous avons immédiatement approché les autorités comoriennes pour que cette décision soit rapportée ».
Kamardine appelle le gouvernement à bloquer immédiatement la délivrance de visas
Par voie de communiqué, le député Mansour Kamardine appelle « le gouvernement français à bloquer immédiatement toute délivrance de visa et de titre de séjour, à tout ressortissant comorien, dans les ambassades de France à l’étranger et dans les préfectures en France ». Le parlementaire rappelle que « la dernière fois que l’État comorien s’est agité de la sorte, le gouvernement français de l’époque, n’inscrivant pas son action dans l’acceptation de l’envahissement d’une partie du territoire national par les ressortissants d’un État étranger, la question a été réglée sans coup férir et en 48h par la suspension de la délivrance de visa au départ de Moroni. »
Réaction de l’intersyndicale : « Une action imminente sur Mamoudzou »
Jeudi, l’intersyndicale à l’origine du mouvement de lutte contre l’insécurité s’est exprimée sur la crise diplomatique en ces termes : « Le bateau ramenant des personnes en situation irrégulière a été contraint de rebrousser son chemin sur Mayotte. Cette actualité légitime la position des Mahorais-ses dans la poursuite du mouvement. En moins d’une semaine, les engagements de la ministre des Outre-mer ont atteint leurs limites. L’intersyndicale et le collectif ont toujours estimé que les mesures de la ministre des Outre-mer n’avaient pas suffisamment pris en compte la complexité de la situation de Mayotte. Les mesures uniquement d’ordre sécuritaire sont insuffisantes pour un traitement à court, moyen et long terme de la situation. En plus des plans de rattrapage, il faudrait une résolution rapide et définitive du contentieux diplomatique entre la France et les Comores sur le cas de Mayotte. L’intersyndicale et le collectif lancent un appel à la population de redoubler leur vigilance, de se positionner sur les barrages et de se préparer à une action imminente sur Mamoudzou. »
Relâchés faute de place
Des policiers ont été contraints de relâcher une trentaine de personnes en situation irrégulière jeudi, faute de place au centre de rétention administrative. Les clandestins avaient été interpellés à Kawéni (Mamoudzou). Ils font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) sous 30 jours. En clair, s’ils sont à nouveau contrôlés, ils seront placés en garde à vue pour infraction et seront reconduits à la frontière.
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